Des communes dans une « spirale d’asphyxie »
Plus de 600 élus ont assisté au congrès des maires de la Drôme, présidé par Nicolas Daragon, président de l’antenne drômoise de l’Association des maires de France, le 16 octobre à Valence.

Une nouvelle fois, les élus ont répondu présent à l’appel de l’Association des maires de France Drôme (AMF 26) pour ce congrès annuel qui réunit les représentants des communes drômoises. Une journée présidée par un élu aux multiples casquettes. Ministre de la Sécurité du quotidien, maire de Valence, président de l’AMF Drôme… Si Nicolas Daragon a été félicité pour sa récente nomination en tant que ministre, ses confrères n’ont toutefois pas hésité à lui faire passer quelques messages. En effet, les maires ont exprimé un véritable ras-le-bol. Dans leur viseur : l’État et la ligne budgétaire qu’il impose et durcit, notamment avec le projet de loi des finances prévu pour 2025. À l’écoute de ses confrères, le ministre partage l’idée d’un « recentrage de l’État sur ses missions et qu’il arrête de se mêler de tout ». Ce dernier appel à « renouer avec le bon sens paysan » et à « remettre la France dans la bonne direction ».
« Recentralisation à outrance »
Premier à prendre la parole, André Laignel, premier vice-président délégué de l'AMF, a dressé un bilan sombre. « On nous dit que nous dépensons trop », lance-t-il avec amertume à l’assemblée avant d’énumérer toutes les dépenses supplémentaires que l’État a confié aux communes : évolution du point d’indice des fonctionnaires, plus de deux milliards d'euros pour financer la police municipale et « bientôt nous aurons aussi en charge la petite enfance ». Ce dernier assure que « nos dépenses sont justifiées pour répondre à des impératifs » et demande « une vraie méthode ». Il fustige une « recentralisation massive et galopante », citant les taxes d’habitation et d’entreprises et illustrant ses propos avec le plan Zéro artificialisation nette (ZAN).
Plus de 600 élus ont fait le déplacement pour le congrès des maires de la Drôme. ME-AD26
André Laignel comptabilise non pas cinq mais plus de dix milliards d'euros demandés par l’État aux collectivités locales. Il cite le prélèvement prévu pour les collectivités dont les dépenses de fonctionnement sont supérieures à 40 millions d’euros et qui va coûter trois milliards selon lui, plus deux milliards avec la suppression de la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises (CVAE) qui n’a toujours pas donné lieu à une compensation… « Si le projet de loi finances reste comme ça, environ 70 départements n’atteindront pas d’équilibre d’ici la fin de l’année, estime André Laignel. Il faut que nous reprenions de l’air. Mobilisons-nous. » Des mots forts qui n’ont pas manqué de faire réagir l’assemblée. Marylène Peyrard, maire de Montéléger, prend la parole : « Il faut arrêter de nous dire qu’on décentralise alors que nous voyons une recentralisation à outrance ».
Sur le stand de la chambre d’agriculture, Jean-Pierre Royannez (président) accompagné de son équipe. ME-AD26
Un projet de loi de finances très critiqué
Le sujet des finances crispe les élus et le Département n’y échappe pas non plus. Marie-Pierre Mouton, présidente du conseil départemental de la Drôme, interpelle Nicolas Daragon avec l’espoir qu’il partage ce message avec Michel Barnier, Premier ministre : « Il y a urgence absolue ». Elle partage l’inquiétude de ses collègues. « Ce projet de loi de finances (…) met en péril l’existence même de nos collectivités », prévient-elle en citant à son tour toutes les charges qui entraînent les collectivités territoriales dans « une spirale d’asphyxie ». Attentif, Nicolas Daragon rappelle que l’objectif de cette loi, qui sera votée le 19 novembre, reste de « faire revenir le déficit public à 5 % en 2025 ». Toutefois, ce dernier reconnaît que « l’année 2025 est l’année de l’urgence » et projette que 2026 sera « l’année des choix ». Thierry Devimeux, préfet de la Drôme, soutient un effort « collectif » et « nécessaire » pour l’avenir du pays.
Des agents ont animé le stand de la Safer en présence de Damien Bertrand, directeur départemental. ©ME-AD26
Et l’agriculture dans tout ça ?
Les élus ont tenu à rappeler le soutien au monde de l’élevage touché par la crise sanitaire. « Nous faisons tout notre possible pour leur venir en aide », a déclaré Nicolas Daragon. Il a fait référence au plan d’aides présenté par le Premier ministre lors du Sommet de l’élevage, le 4 octobre dernier : une enveloppe de 75 millions d’euros pour les éleveurs de brebis touchées par la fièvre catarrhale ovine de sérotype 3 et des prêts garantis par l’État « pour les exploitations qui en ont besoin ».
De moins en moins d'agriculteurs sont maires selon les chiffres exposés durant la conférence. ©ME-AD26
En première ligne sur le terrain depuis le début de la crise, le préfet Thierry Devimeux s’est lui aussi adressé aux agriculteurs. Il a rappelé l’existence du fonds national agricole de mutualisation sanitaire et environnementale (FMSE) mis en place et financé à 65 % par l’État. Il a annoncé que des discussions avaient lieu avec les Espagnols pour leur acheter des vaccins contre la FCO-3. Enfin, il a cité l’engagement de l’État contre la prédation lupine, la prise en compte des intempéries et l’attention particulière portée sur les filières en difficulté comme celle du vin ou de la lavande.
Trop de lourdeur administrative
Face à une salle comble, Martial Foucault, professeur et directeur du Centre de recherches politiques de Sciences Po, a animé une conférence sur le thème « Des maires engagés mais empêchés, la démocratie locale peut-elle survivre ? » Pour illustrer son propos, il se base sur des chiffres obtenus grâce à des sondages réalisés chaque année depuis 2018.
Jean-Clément Mucchielli, premier vice-président de la MSA Ardèche-Drôme-Loire, a assisté au congrès avec quelques élus.
Au-delà de rappeler que l’âge moyen d’un maire dans la Drôme est de 63 ans et que seulement 23,6 % sont des femmes, le chercheur a abordé la « technicisation » des dossiers. « Les appels à projet de l’État pour financer vos projets d’infrastructures… Vous avez rêvé d’être maire pour remplir tous ces dossiers ? », a-t-il interrogé l’assemblée avec une pointe d’ironie en faisant référence à la lourdeur administrative. De quoi faire réagir la salle et Nicolas Daragon qui estime que pour remplir les dossiers « il faut être ingénieur » et qui pense aux maires « seuls dans les communes rurales ». Alors que 39 % des maires sont retraités en France, ils sont 11,6 % à être agriculteurs. Un nombre qui diminue d’année en année mais qui est cohérent avec la diminution de la population agricole. Enfin, autre sujet mis en avant par Martial Foucault, les incivilités recensées sur les élus locaux : 67 % des maires drômois sont concernés.
Morgane Eymin