Des conseils pour encourager à la trufficulture

En amont de leur assemblée générale, le 17 février, les adhérents de l'association de la Drôme des collines forestières (ADCF) étaient invités à découvrir une truffière. C'est Maurice Cotte, dont les terres sont situées sur les hauteurs du village de Génissieux, qui leur a ouvert ses portes. Pendant un peu plus d'une heure, les propriétaires forestiers ont été sensibilisés aux arbres hôtes. Mais pas seulement. Ils ont également échangé sur les différentes pratiques mises en œuvre pour entretenir les parcelles.
Réensemencement et taille des arbres
Il faut dire que tous les terrains ne sont pas propices à la trufficulture. Le champignon exige un sol calcaire. Un critère que n'a pas manqué de rappeler Maurice Cotte. En Drôme des collines, la molasse est reine. Une texture qu'apprécie particulièrement la tuber melanosporum. D'ailleurs, contrairement aux autres bassins de production, c'est grâce à celle-ci que la truffe acquiert sa rondeur. Une forme très appréciée des restaurateurs.
Mais avant que la truffe n'arrive dans l'assiette, le producteur doit rester vigilant tout au long de l'année. Sur ses six hectares, Maurice Cotte possède de nombreux arbres mycorhizés. Certains ont été plantés par ses aînés, d'autres sont plus récents. Sur ces terres, ce sont principalement des chênes verts et blancs. En Drôme des collines, il est vrai que certains arbres continuent de produire naturellement. Toutefois, beaucoup de trufficulteurs doivent veiller au grain et mettre en place différentes actions afin de s'assurer une production. Le Génissois a ainsi expliqué veiller attentivement à l'activité biologique du sol. Il a notamment planté plusieurs cistes. « Ce sont des réservoirs à insectes extraordinaires », explique-t-il. Des arbres fruitiers sont également présents. « Un abricot va tomber par terre, il va y avoir des fourmis », précise-t-il encore. Ou comment répondre à la problématique des sols qui se tassent.
Une partie de ses terres est par ailleurs réensemencée chaque année, bien que les résultats soient difficiles à évaluer. Maurice Cotte taille également ses arbres. Une pratique qui peut aussi varier selon les propriétaires. « Les arbres peuvent être taillés à partir de six ou sept ans. Nous cherchons surtout à éliminer les branches folles qui partent dans tous les sens. Plus tard, nous limitons le développement de l'arbre. Nous voudrions que nos arbres ne grossissent pas trop de façon à ce que le "milieu" ne se ferme pas. Le soleil et le vent doivent pénétrer le plus possible à l'intérieur de la plantation », explique-t-il. Avant de poursuivre : « Une rangée sur dix n'est pas taillée. Dans ce cas, on voit que ça ne produit pas. La taille accélère donc le processus ». Le sol est peu travaillé, l'herbe est toutefois coupée fin juin-début juillet. Un essai de piochage a également été fait en 2016. Le trufficulteur pense renouveler cette opération au printemps.
Du gel en janvier
Malgré quelques précautions - tel le paillage - rien ne peut parfois lutter contre certains phénomènes naturels. Pendant cette dernière campagne, les trufficulteurs ont connu de fortes chaleurs en été, ainsi qu'une période de gel en janvier. De nombreuses truffes, situées jusqu'à 15 centimètres de profondeur, n'étaient donc plus commercialisables. La période des ventes s'est donc arrêtée prématurément. Toutefois, selon de premières estimations, le volume de production pourrait rester stable par rapport à l'an passé, soit environ cinq tonnes.
Cette visite s'est déroulée grâce au syndicat des producteurs de truffes de la Drôme des collines, dont Maurice Cotte est l'un des membres. L'organisme rassemble aujourd'hui une centaine d'adhérents, parmi les 400 producteurs disséminés au nord du département, deuxième bassin de production en France après le Tricastin. La structure associative mène de nombreux projets, dont celui d'accompagner de futurs trufficulteurs. Un message qui semble être passé lors de cet après-midi. Car être producteur ne s'improvise pas. En moyenne, entre l'arrosage, les clôtures ou encore les plants, ce sont 10 000 euros qui sont investis sur un hectare. Sans compter la pénibilité et les 200 heures de travail requises.
Se prémunir contre les vols
Actuellement, le syndicat travaille également à la protection des parcelles, les vols restant en effet légions. Il s'est ainsi investi dans l'achat de caméras. « Huit caméras ont été vendues cette saison à nos adhérents. Placées aux abords des accès, elles permettront notamment de relever les plaques d'immatriculation. L'un des modèles envoie même une photographie sur les téléphones portables », explique Roland Perrenot, président du syndicat. Une carte des truffières va également être établie à destination des forces de l'ordre. « Ce support, qui listera aussi les routes et les accès, leur permettra de faire des rondes », ajoute-t-il encore.
Aurélien Tournier
Drôme des collines forestières
Après la visite de la truffière, c'est une cinquantaine de personnes qui se sont réunies à la salle des fêtes de Saint-Paul-lès-Romans pour l'assemblée générale de l'association de la Drôme des collines forestières (103 adhérents, environ 1 000 hectares). L'occasion de revenir sur les temps forts de l'année écoulée. Et en premier lieu la fête du bois, organisée en septembre dernier au Grand-Serre et qui a attiré près de 12 000 personnes. Une manifestation qui a par ailleurs su toucher toutes les générations et mobilisé près de 200 bénévoles. Le bureau de l'association est également revenu sur les activités menées tout au long de l'année. Parmi elles, les animations envers les écoliers et les collégiens. Il s'agissait alors d'encourager les jeunes à se diriger vers la filière bois. Un voyage d'études s'est également déroulé en Bretagne. Pour 2017, un événement similaire pourrait cette fois-ci avoir lieu dans le Sud-Ouest. Les adhérents poursuivront aussi leur travail de réflexion quant à la restructuration forestière. Bref, l'association continue sur sa lancée. Elle attend également avec impatience l'arrivée d'un nouveau technicien du CRPF (centre régional de la propriété forestière) afin de les accompagner.
Marché de la truffe / Retour sur la dernière campagne
En Drôme des collines, les producteurs ont été confrontés à de fortes chaleurs l'été dernier, gênant dès lors le développement des truffes. Le gel a par ailleurs arrêté prématurément la période des ventes. Cependant, sur les marchés, les prix étaient au rendez-vous. « Fin novembre, les prix étaient aux alentours de 500 euros le kilo, avant d'aller crescendo. Lors des fêtes, ils atteignaient entre 800 et 1 000 €/kg. Lors de la première quinzaine de janvier, les cours retombaient entre 600 et 700 €/kg. Du fait de la particularité de notre produit, nous avons toujours été au plus haut des cours », explique Roland Perrenot.
Selon Bernard Duc-Maugé, vice-président du syndicat de la truffe noire du Tricastin, pays de Grignan et enclave des Papes, la production est à la baisse dans le sud du département. En cause : la sécheresse de l'été dernier ainsi que le gel. « La récolte a été moins bonne. Les estimations font état d'une baisse de 15 % par rapport à l'an dernier. Les prix ont varié entre 590 et 650 €/kg. Une truffe gelée se vendra à 250 €/kg », indique-t-il notamment. Sans compter la concurrence de l'Espagne.

Une délégation chinoise à Grignan
Didier Chabert, propriétaire du domaine Cordis implanté à Grignan, et ancien PDG des nougats Chabert et Guillot à Montélimar, a accueilli sur ses terres - le 1er mars - des représentants du groupe chinois Pinzheng. Son actionnaire principal, Yang Yubin, souhaite en effet créer une ferme trufficole dans la province du Húnán. Cela pourrait concerner des milliers d'hectares.Didier Chabert compte s'investir dans le projet en apportant ses conseils. « Une trufficulture moderne, adaptée à leurs besoins », précise-t-il. C'est dans ce contexte que la délégation a visité la ferme drômoise (30 hectares). Cette dernière compte également ouvrir une « école de la truffe en Drôme provençale » lors de la prochaine saison. Il s'agira alors de former à la culture de la truffe mais aussi travailler le produit dans l'assiette, en recevant notamment de grands chefs cuisiniers. Un autre concept dont pourrait aussi s'inspirer la Chine.
Les représentants étrangers devaient par la suite poursuivre leur visite en Bourgogne ainsi qu'en Champagne.
A. T.