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PASTORALISME

Des espaces pastoraux à reconquérir

Les résultats d'une enquête pastorale ont été détaillés lors de la journée annuelle de l'Adem Drôme. Est notamment constaté l'abandon d'une partie des surfaces pastorales.
Des espaces pastoraux  à reconquérir

La rencontre annuelle de l'Adem Drôme (association départementale d'économie montagnarde), le 22 septembre, a débuté par une matinée à la mairie de Saint-Julien-en-Quint. Celle-ci a permis aux membres de l'association d'aborder le thème du pastoralisme - avec ses partenaires agricoles, techniques et financiers - au travers des résultats de l'enquête pastorale 2012-2014. En accueillant les participants avec Alain Vincent, le maire de la commune, Philippe Cahn, président de l'Adem, a salué la présence de la conseillère départementale Martine Charmet et du sénateur Gilbert Bouchet.
« Le pastoralisme est une réalité qui nous unit tous. Mais elle est ternie par les dégâts causés par la prédation due au loup, a déclaré Philippe Cahn dans son introduction. 2015 avait été une année noire, 2016 s'annonce pire encore à l'échelle du département. [...] Il est aberrant de voir que les arrêtés ne peuvent être pris que lorsque d'importants dégâts sont constatés. Il faudrait faire évoluer la loi vers plus de souplesse et donc plus d'efficacité », a-t-il fait remarquer. Le réseau pastoral Rhône-Alpes, qu'il préside cette année, va être associé à une réflexion sur les mesures qui seront prises au niveau régional. « La vice-présidente en charge de l'agriculture, Emilie Bonnivard, a pris un engagement ferme. Des mesures communes Auvergne-Rhône-Alpes et Paca pourraient être annoncées. » Il a également souligné l'implication forte du Département dans les plans pastoraux territoriaux (PPT).

A Saint-Julien-en-Quint, l'Adem a réuni ses membres et ses partenaires pour leur présenter son enquête sur le pastoralisme.
Des densités fortes
Olivier Durant, chef du service filières et développement économique à la chambre d'agriculture, a présenté un panorama des systèmes d'élevage drômois et leur place dans le pastoralisme. Marie Cabrol, technicienne de l'Adem, a ensuite commenté les résultats de l'enquête. Elle avait pour but le recensement, la localisation et l'utilisation de toutes les surfaces pastorales de la Drôme. Cet état des lieux a été complété par la définition d'axes d'intervention. Ont été prises en compte toutes les surfaces en herbe dont la fonction principale est le pâturage extensif et ne faisant l'objet d'aucune intervention mécanique. Deux types ont été définis, ce qui est nouveau par rapport à la dernière enquête (datant de 1997) : les unités pastorales (UP) à fonction spécialisée d'estive et les zones pastorales (ZP) de parcours et d'inter-saison qui n'étaient pas prises en compte auparavant. Cela a provoqué un triplement de la surface pastorale enregistrée, soit 104 000 hectares. Une nouvelle zone est également apparue dans cette enquête : celle de la Drôme des collines.
Globalement, les densités de ces espaces pastoraux sont fortes dans le Diois et les Baronnies. Les ovins sont majoritaires dans la partie est du département, les bovins dans le Vercors et la partie ouest. Les UP d'estive se trouvent majoritairement dans le Diois (avec une prédominance d'ovins). Un tiers de celles-ci appartiennent à des collectivités et la moitié des surfaces sont gérées par les vingt-six groupements pastoraux existants. Les ovins viennent peu de l'extérieur (par manque de place). Par contre, 2 000 brebis drômoises transhument vers les Alpes du nord.
« Etre un lobby suffisamment fort »
Sur l'ensemble de la Drôme, les UP ovines dominent légèrement. Pour ce qui concerne les ZP, un tiers sont dans les Baronnies et 21 % dans le Diois.
L'enquête montre qu'une partie des surfaces pastorales est abandonnée. En cause : des arrêts d'activités ou des départs à la retraite mais aussi la prédation... « Quelles sont les priorités d'interventions : se mobiliser sur les menaces qui pèsent sur le pastoralisme ? », se demandent les rédacteurs. Suite à l'enquête, des travaux ont du reste déjà été réalisés, dans le sens d'une reconquête.
Parmi les champs d'actions donnés en conclusion, on note aussi le développement de la sécurisation du foncier ou la pérennisation de l'accompagnement des éleveurs sur les ZP, ainsi que le rôle du pastoralisme dans l'aménagement des territoires. « Nous voulons montrer que faire un peu d'ouverture dans les espaces fermés, ce n'est pas aller contre la biodiversité », a souligné un participant. « Aujourd'hui, l'écologie et le tourisme priment sur le pastoralisme. On n'a pas beaucoup d'amis, il faut être très prudents », a lancé un éleveur, qui a été applaudi.
Les échanges de la fin de cette matinée ont porté en particulier sur la cohabitation entre les randonneurs et ceux qui travaillent. La nécessité d'une information accrue est apparue. « Il faut une prise de conscience politique. A nous d'être un lobby suffisamment fort pour que les mentalités évoluent. Les randonneurs savent-ils à qui la montagne appartient ? Connaissent-ils les droits et les devoirs du touriste ? Il faudra aussi une communication plus réaliste par rapport aux chiens de protection. Il faut prendre le problème à bras-le-corps », a-t-on entendu. Un plan de lutte contre la prédation émanant de la Région a été annoncé (lire L'Agriculture Drômoise du 22 septembre). Il a aussi été question de la loi montagne et en particulier des zones de tranquillité envisagées, au profit du tourisme... 

Elisabeth Voreppe

 

Repères : le domaine pastoral drômois en chiffres
104 000 hectares (ha) de surfaces pastorales sont recensées en Drôme : 27 000 sont en UP, 77 000 en ZP (soit les trois quarts, non recensées auparavant). 35 000 ha sont situés dans les Baronnies provençales, 28 000 dans le Diois, 11 500 dans le Royans-Vercors.
Sur les 84 000 animaux recensés (au 15 juillet), on compte 63 000 ovins, 10 000 bovins, 8 500 caprins et 2 500 équins.
141 unités pastorales d'estive ont été décomptées. 92 % sont en moyenne montagne (dans l'ensemble de Rhône-Alpes 62 % sont en haute montagne) et un tiers sont en zone Natura 2 000. Ont été également dénombrés 182 travailleurs dans l'ensemble de ces espaces avec 40 bergers salariés.
Ainsi, le domaine drômois représente 17 % des espaces pastoraux rhônalpins (9 % des surfaces en UP, 28 % des surfaces en ZP). Il apparaît comme un trait d'union entre les Alpes du Nord et du Sud.
Alors qu'un effort de structuration collective du foncier est observée en Rhône-Alpes, ce phénomène est moins présent dans la Drôme où apparaît une croissance très marquée des conventions pluriannuelles de pâturage. L'on note aussi une très forte progression de la gestion collective des surfaces en unités pastorales.
La spécificité du département réside dans l'équilibre entre UP de moyenne montagne et ZP d'une grande diversité. Les surfaces sont principalement utilisées par des ovins et des bovins non laitiers.