Des forficules utilisés comme indics

Au sein d'une équipe de chercheurs, Magali Rault, maître de conférence à l'université d'Avignon et à l'institut méditerranéen de biodiversité et d'écologie, s'attache à étudier les effets de perturbations d'origine humaine (nanoparticules, insecticides) ou autre (incendies) sur des écosystèmes aussi bien terrestres (vergers agricoles) qu'aquatiques (mares temporaires, lacs, rivières). Le 20 octobre à Alixan, à l'Ineed(1), à l'initiative de la fondation Rovaltain, elle a présenté les résultats d'une étude mesurant l'impact des pratiques phytosanitaires sur les organismes non cibles dans des vergers de pommiers du Sud-Est de la France. Vers de terre, escargots blancs, forficules ou encore araignées, non visés par les insecticides lors des traitements, ont été passés au crible de la biologie moléculaire. Ceci pour comprendre l'effet des produits phytosanitaires sur leur système. Bien entendu, ils n'ont pas été choisis au hasard mais pour couvrir toutes les strates du verger. A savoir le sol avec les vers de terre, la surface avec les escargots blancs, les parties aériennes avec les forficules et les araignées.
Des inhibitions...
Le facteur mesuré dans l'étude est principalement l'enzyme AChE (acétylcholinestérase). Il s'agit d'un biomarqueur à même de traduire une exposition à des agents polluants. En effet, en réponse à une agression de type agent chimique, l'organisme mobilise son système de défense basé sur la sécrétion d'enzymes chargées d'éliminer le toxique avant qu'il ne se concentre dans le corps. Mais ceci a aussi des effets tels que l'apparition de résistance. Ainsi, après un mois d'exposition à deux insecticides (un carbamate et un organo-phosphoré), a pu être observée chez les escargots blancs une forte diminution de l'AChE. Chez les vers de terre, qu'ils vivent exclusivement sous terre ou montent à la surface selon les espèces étudiées, l'exposition aux insecticides a ralenti l'activité (des galeries creusées moins profondément, une forte baisse des excrétions). « On observe une inhibition significative dans les vergers traités », a fait remarquer Magali Rault. Chez les araignées, le nombre de toiles tissées a fortement diminué ou bien elles sont incomplètes.
... et des résistances
Chez les forficules, a été testée leur capacité de prédation sur pucerons cendrés (corrélation entre le taux d'AChE et le comportement). « En présence de pesticides, nous avons observé une baisse de l'activité de prédation et une forte diminution de la population des forficules, a indiqué la chercheuse. Cependant, chez les forficules prélevés avant étude dans des vergers PFI (2) ou conventionnels, la mortalité a été plus faible. Les traitements insecticides ont créé une résistance. »
Une thèse (projet I-Respect) destinée à aller plus loin dans l'analyse du comportement des forficules en présence d'insecticides, ainsi que les effets sur les populations et la biodiversité, a été proposée dernièrement. Les résultats devraient permettre de faire des recommandations sur les produits phytosanitaires à favoriser en vergers PFI pour protéger les auxiliaires. A terme, ils pourraient également venir compléter les tests mis en œuvre pour la délivrance de l'autorisation de mise sur le marché (AMM) de produits phytosanitaires. « Beaucoup de progrès ont été faits avec le premier plan Ecophyto, a considéré Magali Rault. Ce qui permet maintenant de développer des méthodes pour évaluer l'intérêt de nouvelles alternatives pour remplacer des pesticides. »
Avec l'objectif de diminuer de 50 % le recours aux produits phytosanitaires à l'horizon 2025 - comme le prévoit le plan Ecophyto 2 - les solutions de biocontrôle vont s'imposer. L'étude conduite ici va dans ce sens.
C. L.
(1) Ineed : Espace innovation pour l'environnement et l'économie durables.
(2) PFI : production fruitière intégrée.
Résidus de pesticides dans l'alimentation /
Des taux de conformité supérieurs à 97 %

Par ailleurs, s'agissant de produits issus de l'agriculture biologique, une surveillance de la DGCCRF montre la présence de produits chimique de synthèse, pourtant interdits dans ce mode de production. Sur 65 prélèvements réalisés, un n'était pas conforme. Une des problématiques provient des traitements de conservation des grains, produits pouvant contaminer des lots bio lors du stockage ou des transports.
Une alternative au PBO
Rodolphe Vidal a aussi évoqué les perturbateurs endocriniens. Notamment le piperonyl butoxide (PBO), un synergiste utilisé dans de nombreux insecticides pour améliorer l'efficacité des produits à base de pyrèthres. Il est autorisé en agriculture conventionnelle et bio. Afin de rechercher des alternatives, l'Itab a mené des études. « Trois huiles végétales bio - à base de colza, de tournesol ou de sésame - ont été testées, a indiqué Rodolphe Vidal. L'efficacité des huiles à base de colza et surtout de sésame a été prouvée. » Il ne reste plus qu'à trouver un industriel pour les produire avant que ne soit prochainement interdit le PBO en agriculture biologique.
C. L.
(1) Efsa : Autorité européenne de sécurité des aliments.
(2) DGCCRF : direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes.