Des lignes SNCF usées jusqu’à la corde
«La menace de fermeture des « voies capillaires » est si générale que Coop de France Métiers du grain s'en inquiète et dénonce « une politique de fermeture qui met tous les ans sur les routes 2,1 millions de tonnes de grains et 82 000 camions de plus ! ». Car le ratio est constant : « un train de céréales c'est 1 300 tonnes et c'est la charge que transportent 50 camions », calcule Jérôme Laborde de la coopérative Terre d'Alliances. Selon Coop de France, 1 800 kilomètres de lignes secondaires sont menacés en raison d'un déficit de maintenance vieux de plus de trente ans. Et les choses ne vont pas s'arranger. En 2012, la SNCF investissait 16 millions d'euros pour rénover ce réseau secondaire. En 2013, l'enveloppe est passée à 8 millions pour finalement être supprimée en 2014. Les conséquences économiques pour les organismes collecteurs de céréales se calculent en dizaine de millions d'euros. La coopérative Dijon céréales a dû se résoudre à construire un nouveau stockage de 13 000 tonnes à Époisses en Côte-d'Or en raison de la fermeture de la ligne de chemin de fer reliant Semur à Époisses. Dans le Loir-et-Cher, la fermeture sans préavis d'une ligne « menaçait de faire passer 4 000 camions par an dans la Vallée du Loir », s'indigne le président du conseil général, Maurice Leroy, résolu à sauver la ligne en assumant avec le concours financier de la coopérative Axéréal les 5,2 millions d'euros nécessaires à sa réhabilitation. Dans l'Ain, c'est Terre d'Alliances, la coopérative céréalière, qui se bat depuis 2009 pour remettre sur les rails les trains de céréales qui, depuis son site de collecte de Peyrieu, dans le Bugey, acheminaient les céréales de l'Ain vers l'Italie. Il aura fallu batailler plus de cinq ans avec SNCF Réseau et obtenir le soutien financier de la commune de Peyrieu, des intercommunalités, du conseil général de l'Ain et de la Région Rhône-Alpes pour rassembler les 5,37 millions d'euros nécessaires à la rénovation de la ligne. « Sur le total, Terre d'Alliances apporte près de la moitié de la charge. SNCF Réseau assure 765 000 euros de financement et apporte, en nature, rails et traverses issus du renouvellement des lignes à grande vitesse où les équipements doivent rester en parfait état. Enfin, les collectivités locales se partagent 1,33 million d'euros », calcule Jean Ray, le président de Terre d'Alliances. Mais le gestionnaire des lignes SNCF impose ses règles et si les 65 000 tonnes annuelles transportées actuellement n'atteignent pas 100 000 tonnes d'ici 5 ans, alors les travaux d'entretien de la ligne seront, en partie, à la charge de la coopérative !
La France prône le transport ferroviaire mais ferme des lignes
Plus au sud, dans l'Isère, la coopérative Dauphinoise s'oppose avec le soutien total des élus locaux et ceux du conseil général à SNCF Réseau qui refuse de réaliser des travaux à minima sur la ligne Beaurepaire-Saint-Rambert d'Albon. Une ligne de 20 kilomètres qui assure la jonction avec l'infrastructure portuaire de Salaise-sur-Sanne sur les bords du Rhône. L'état de la ligne oblige les trains, comme sur celle de Peyrieu, à rouler à « 20 kilomètres heure pour ne pas dégrader une infrastructure fragile ». La ligne est même fermée en période d'été, pour ne pas ajouter aux déformations des rails dues à la chaleur les contraintes imposées par la charge d'un train ! Il faut pour cette voie trouver 8 à 9 millions d'euros et SNCF Réseau n'a pour l'heure réalisé aucune étude de réhabilitation de la ligne. Déjà, en 2014, la Dauphinoise a reporté vers la route le transport de ses céréales avec un surcoût qu'elle chiffre à 374 000 euros. Pour 2015, si la ligne devait fermer, le surcoût pour la coopérative pourrait s'élever à 500 000 euros ! SNCF Réseau fait supporter ses programmes d'économies aux entreprises. Une politique qui porte aussi des coups à la crédibilité de la France, elle qui se prépare à recevoir à la fin de l'année à Paris la conférence internationale sur le climat pour dire aux dirigeants du monde qu'il faut moins de transports routiers et plus de fret sur les trains...
