Des méteils protéiques et précoces à l'essai

Les premières expérimentations de méteils conduites dans la Drôme - de 2004 à 2010 avec des mélanges comportant une grande part de céréales (triticale, blé, avoine) - visaient à répondre à un souci d'adaptation au changement climatique, de sécurisation du système fourrager. L'objectif a été atteint. Les premières années, les méteils étaient récoltés plus tardivement en saison (en début juin sur l'exploitation du lycée agricole du Valentin, à Bourg-lès-Valence). Progressivement dans le temps, la date de récolte a été avancée pour améliorer leur valeur nutritive (moins d'amidon, plus de sucres et surtout de MAT*). Dans cette logique de coupe moins tardive, une deuxième culture était envisageable après méteil, notamment le sorgho fourrager monocoupe qui est très bien adapté sur les terres non irriguées. Sur les cinq dernières années, des éleveurs bovins viande du Nord-Drôme suivis par la chambre d'agriculture ont produit en moyenne plus de 20 tonnes de matière sèche (MS) par hectare et par an sur la double culture méteil plus sorgho fourrager monocoupe.
Trois sites en Drôme
Cette année, des méteils plus riches en protéines sont testés en récolte précoce. Ils le sont sur dix-huit sites en Rhône-Alpes : trois dans la Drôme, autant en Ardèche, Isère, Ain, Rhône et Loire. Cette expérimentation a été lancée par les chambres d'agriculture et les Conseils Elevage de ces départements, avec le concours du Pep** bovins lait.
Deux des essais drômois étaient proposés à une visite Innov'Action le 5 mai : au Gaec Berne-Berruyer à Saint-Michel-sur-Savasse d'abord puis au Gaec de la Motte à La Motte-Fanjas. Le troisième est en place à la ferme du lycée agricole du Valentin. « L'idée de cette nouvelle expérimentation est de rechercher davantage de protéines, en changeant la composition des mélanges, et de récolter plus tôt. » C'est ce qu'ont ce jour-là expliqué Jean-Pierre Manteaux, conseiller bovins lait de l'équipe élevage des chambres d'agriculture de la Drôme et de l'Isère, et Yannick Blanc, de Drôme Conseil Elevage. Les récoltes s'accompagnent d'analyses pour connaître l'évolution du rendement et de la valeur alimentaire des mélanges testés mais aussi de chacune de leurs composantes.
Cinq mélanges comparés
Dans ces essais, cinq mélanges sont comparés. Parmi eux, le « Pep précoce » se compose de triticale, blé, d'avoine précoce (variété susa), de deux pois fourragers, de vesce commune et vesce velue. Il est issu des expérimentations « sécurisation face aux sécheresses ». Au sujet de ce mélange, Jean-Pierre Manteaux a précisé : « Notre référence Pep est encore très semée. Donc, cela nous intéressait de l'avoir dans les essais pour pouvoir bien situer ce qu'on obtient en termes de rendement et de valeur MAT. Ce mélange avec deux pois fourragers et deux vesces devrait nous amener davantage de protéines qu'avec le méteil issu des expérimentations Pep 2004-2010». Le mélange « Dombes », lui, est testé depuis 2014 par la chambre d'agriculture de l'Ain. Il est constitué d'avoine, de pois fourrager, de vesce commune et de féverole. Le « Lyonnais » lui ressemble, visuellement. Il contient de l'avoine, du pois fourrager, de la vesce commune, de la vesce velue et de la féverole. Quant au mélange « Reine Mathilde », il a été mis au point en Normandie. Il est composé de féverole et pois protéagineux. Enfin, le « Tritimix » est « un mélange hybride entre méteils et ray-grass » a observé Jean-Pierre Manteaux. Dedans, la part méteil (triticale et vesce velue) « va assurer du rendement sur la première coupe ». L'autre part (ray-grass italien, trèfle vésiculé et trèfle de Perse) « va donner de la repousse ».
Trouver le bon compromis entre rendement et valeur
Dans chaque département, une parcelle est suivie avec trois dates de récolte. L'objectif est de connaître l'évolution du rendement global, la composition botanique des mélanges et la valeur alimentaire de chaque composante. Dans la Drôme, l'absence de pluies en mars et avril a gêné la pousse des méteils et retardé la date de fauche des parcelles. « S'il avait plu normalement, on aurait déjà ensilé, a indiqué Hervé Berne. Mais quand je me souviens comme c'était peu couvrant à la sortie de l'hiver, je m'aperçois que ces mélanges ont du potentiel. » Selon Jean-Pierre Manteaux, ceux qui ont une part importante de vesces, pois et féverole devraient donner des teneurs élevées en protéines. Les résultats de cette expérimentation permettront de proposer des compositions bien adaptées aux attentes de l'éleveur. Et sans doute deux méteils devraient cohabiter sur les exploitations : un « méteil protéique » pour les vaches laitières, un « méteil sécurité stock » pour les bovins viande.
Enfin, le conseiller chambre d'agriculture conclut : « Pour ceux qui ne sont pas intéressés par les doubles cultures, la piste d'un fourrage hybride "méteil-prairie" mérite d'être approfondie. Le "Tritimix" l'illustre bien. Les éleveurs qui ont leur propre méteil peuvent introduire du ray-grass italien et des trèfles dans leur méteil "maison" afin de permettre une repousse. Cette formule est intéressante avec la récolte précoce. Sinon les ray-grass italiens risquent de grainer abondamment, de faire baisser la valeur alimentaire et d'augmenter le stock de graines du sol, ce qui peut être préjudiciable pour les exploitations bio avec grandes cultures ».
Annie Laurie
* MAT : matière azotée totale.
** Pep : pôle d'expérimentation et de progrès (dispositif de la Région).