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Grandes cultures

Des moissons décevantes

Cette année dans la Drôme, les rendements des céréales et des colzas ne sont pas à la hauteur des espérances.
Des moissons décevantes

A l'automne 2017, en raison de la sécheresse, « les céréales ont globalement été semées tardivement sur notre zone », rappelle Nicolas Régnier, technicien grandes cultures au sein de la coopérative Natura'Pro : début novembre lorsqu'il a commencé à pleuvoir. A suivi une vague de froid. D'où des levées lentes, des pertes de densité et un début de tallage compliqué. Fin février, est survenu un coup de froid. Mais « il n'a pas eu d'incidences car il est arrivé progressivement et les conditions n'étaient pas extrêmement humides », commente Prune Farque, technicienne à la Coopérative drômoise de céréales (CDC). Avec les épisodes pluvieux du printemps, les céréales se sont développées, le retard a un peu été compensé. « Toutes espèces confondues, les débuts d'épiaison se sont bien passés, note Nicolas Régnier. Mais la septoriose, apparue assez tôt, a coûté quelques quintaux. La rouille, elle, est arrivée tardivement. La floraison s'est produite pendant les pluies, qui ont joué sur le nombre de grains et le poids spécifique (PS). » Et Prune Farque remarque : « On était au nombre d'épis minimum pour avoir des rendements corrects. On espérait une bonne fertilité des épis mais on ne l'a pas eu ».

Céréales : des quintaux perdus

La technicienne de la CDC qualifie les moissons de « décevantes » : en blé, « la moyenne est de 50 quintaux à l'hectare, alors que le potentiel était de 70 à 90 quintaux. Je pense que c'est essentiellement dû à la pression tardive des maladies, des fusarioses sur épis ont amputé le remplissage des grains. Les PS sont dans les normes (moins élevés qu'en 2016) et les teneurs en protéines correctes. En orge, les rendements ne sont pas très bons (entre 40 et 50 quintaux). Les PS sont décevants, plus faibles qu'en blé ».
Nicolas Régnier observe : « On a perdu des quintaux et du PS ». Par contre, les rendements étant faibles, les taux de protéines sont « excellents ». Pour les blés tendres, « c'est un moindre mal en PS et rendements, reprend-t-il. Ils ont moins pâti des excès d'eau en fin de cycle que les blés durs. En orge, les rendements sont assez hétérogènes, le mistral a causé des casses d'épi et les PS ne sont pas élevés ». Et d'ajouter : « Les récoltes 2017 et 2016 cumulaient quantité et qualité. En 2018, globalement, les rendements ne sont pas bons en céréales. Ils sont un peu en dessous de la moyenne des dix dernières années mais ne sont pas catastrophiques ».
En céréales semences, le responsable de cette activité au sein de Top Semence, Blaise Rolland, annonce des résultats a peu près corrects en orge. Elevés en avril, les potentiels se sont effrités avec les pluies de mai à début juin et l'arrivée de fusarioses. Même caractéristiques pour les blés durs dont les rendements (autour de 40 quintaux) et PS sont faibles. « Somme toute, une qualité correcte mais, du fait d'importants écarts de triage, des volumes moindres, résume-t-il. C'est le cas de tout le Sud-Est et même pire dans le Sud-Ouest, où les pluies ont duré une semaine de plus. »

Colza : en dessous de 2017

En colza, « les rendements sont très hétérogènes (comme chaque année), constate Prune Farque : de 20 à 40 quintaux. Ils sont eux aussi décevants, en dessous de ceux de 2017 ». Elle a toutefois l'impression qu'ils ont été moins impactés par les conditions climatiques que ceux des céréales à paille.
En production de semences, « les colzas ont été semés fin août et se sont bien implantés, indique Fabrice Terrot, responsable productions oléagineuses au sein de Top Semence. On n'a pas eu d'oïdium. Les rendements sont assez irréguliers mais, globalement, dans une moyenne correcte. Dans l'ensemble, la campagne s'est bien passée, vu les conditions climatiques pluvieuses du printemps, constate-il. On s'en sort bien. Nous avons eu un peu de coulure (mauvaise fécondation) mais bien moins que le Sud-Ouest. »

Maïs et tournesol conso

En tournesols et maïs consommation, Nicolas Régnier fait le constat de semis plus tardifs qu'habituellement sur la zone de Natura'Pro, en raison des pluies de mai. « Les sols étaient tassés, les cultures ont eu du mal à s'implanter, précise-t-il. Elles sont très hétérogènes. Elles ont peiné à démarrer, souffert en début de cycle. A présent, le retard végétatif a été un peu rattrapé. » Prune Farque, quant à elle, note : « Il a plu mais il y a quand même eu des créneaux favorables pour les semis. Pour l'instant, la situation est satisfaisante. Sur notre secteur, peu de maïs sont cultivés en sec. C'est plutôt le tournesol qui est pénalisé par des conditions climatiques très sèches ». Côté Natura'Pro, si les maïs sont tous irrigués, ce n'est pas le cas de tous les tournesols.

Semences : des semis décalés compliqués

En production de semences, « les pluies ont compliqué les semis décalés des géniteurs mâles et femelles en maïs et tournesol, ainsi que les désherbages, rappelle Fabrice Terrot. Elles ont conduit à quelques abandons de cultures sur parcelles inondées ou ravinées. Quelques symptômes de mildiou ont été observés sur des variétés de tournesol sensibles à cette maladie. Mais on s'en tire relativement bien. La situation est encourageante pour la suite. »

Annie Laurie
Moissons /
Le point de vue d'un entrepreneur
Stéphane Blard, président de la fédération des entrepreneurs des territoires (EDT) Drôme-Ardèche.
« 2018 est une petite année en colza, avec un manque de production de 40 à 50 %, constate le président de la fédération des entrepreneurs des territoires (EDT) Drôme-Ardèche, Stéphane Blard. La récolte des céréales a été précoce, comme en 2017. Elle se caractérise par des pertes de rendement de 30 à 50 %, surtout en blé dur, des PS assez faibles. Mais des taux de protéines de 16 à 17 % (contre 12 à 13 en année normale), liés aux faibles rendements. »
Autres observations : « Les petites terres, terres filtrantes, coteaux ont donné des rendements bien équivalents, voire supérieurs aux terrains profonds. C'est flagrant. Je pense que c'est l'effet fusarioses. Dans des gros terrains, on a eu du 35 quintaux à l'hectare. Les cultures bio, elles, s'en sortent bien : 35 à 40 quintaux, soit la quantité d'une année normale. Elles n'ont pas subi de fusarioses comme en cultures conventionnelles. Je pense qu'étant semées moins épais, l'air circule mieux. Pour nous entrepreneurs, les moissons se sont bien passées, nous n'avons pas été embêtés par des pluies. Mais énormément de blés ont versé. Leur récolte prend beaucoup plus de temps. »
A. L.