Des plantes compagnes associées au colza

Pour accompagner le colza jusqu'à l'hiver, il est possible de l'associer à une plante compagne ou un mélange majoritairement composé de légumineuses qui sera implanté en même temps que le colza. L'association avec une légumineuse gélive (féverole/lentille) permet d'obtenir un développement suffisant de la légumineuse pour favoriser le colza avant l'hiver, puis sa destruction par le gel. La destruction par le gel est nécessaire pour éviter un phénomène de concurrence au printemps (certaines espèces pouvant être concurrentielles, d'autres très peu, voire pas). La concurrence automnale quant à elle, reste très rare lorsque le colza est implanté dans de bonnes conditions. L'association avec une légumineuse non gélive (ex : trèfle violet) vise à la maintenir sous le colza jusqu'à la récolte de ce dernier, et ainsi bénéficier d'un reliquat azoté plus important pour la culture suivante, voire, faire une fauche l'été dans les systèmes avec élevage.
Quels bénéfices attendre des associations pour le colza
Les légumineuses, lorsqu'elles sont gélives et selon les espèces choisies, peuvent avoir différents rôles comme favoriser une couverture rapide du sol de façon à concurrencer les levées d'adventices. Elles améliorent aussi le comportement du colza à l'automne grâce à une complémentarité racinaire, conduisant à une meilleure colonisation du profil. On obtiendra ainsi une meilleure oxygénation, un gain de minéralisation et par conséquent une meilleure alimentation azotée du colza. L'idéal est donc de pouvoir associer le colza et les plantes compagnes sur la même ligne de semis. Cela se traduit ensuite au printemps par un gain en moyenne de 30 unités d'azote. On note également une diminution des attaques de larves d'altises et CBT (charançon du bourgeon terminal) en présence de légumineuses gélives.
Les bénéfices sont différents selon les différentes espèces. En effet, par leur port ou encore leur vitesse d'installation, certaines espèces comme la féverole seront très intéressantes dans la lutte contre les larves d'altises et CBT, tandis que d'autres comme la lentille ou le trèfle d'alexandrie seront davantage recherchées pour la capacité à couvrir le sol et concurrencer les adventices. Par conséquent, l'association à un mélange de légumineuses gélives permet de gagner en complémentarité, selon les bénéfices recherchés. Dans le cas des légumineuses non gélives, les bénéfices attendus sont différents. Il s'agit d'associer au colza une plante qui bénéficiera à la culture suivante en termes de fertilité, en couvrant le sol lors de l'interculture, sans effet direct sur le colza. Là encore, l'association du colza à un mélange de légumineuses gélives et non gélives peut permettre de combiner les atouts de ces différentes plantes compagnes.
Lutter contre les ravageurs d'automne
Les larves d'altises comme de CBT sont issues des pontes ayant lieu dès septembre (altises) et se poursuivent tout l'automne (altise et CBT). Une réduction de l'impact des dégâts de larves de grosses altises et de charançons du bourgeon terminal a pu être constatée avec les associations de légumineuses gélives. À partir d'1,5 kg/m² de biomasse totale, on constate une nette diminution de la pression larvaire par plante l'hiver, et du taux de plantes fasciées au printemps.
Une solution miracle ? Surtout pas !
Avant d'implanter une ou plusieurs plantes compagnes, il est essentiel de tenir compte de différents points, et identifier les situations à risque.
Tout d'abord, rappelons qu'une association de légumineuses ne viendra en aucun cas rattraper un problème d'enracinement (défaut de structure de sol, mauvaises conditions de semis, etc.). Il est donc indispensable de maîtriser l'implantation du colza pour que les légumineuses puissent apporter les bénéfices recherchés. Si les colzas associés sont très bien adaptés aux situations à faible disponibilité en azote, l'intérêt est plus discutable sur des sols à fortes restitutions d'azote, avec des colzas au-delà de 2 à 2,5 kg de biomasse/m². Dans ce type de situations, les disponibilités d'azote sont suffisantes pour permettre au colza d'assurer seul la concurrence vis-à-vis des adventices et des ravageurs. Ces associations sont à privilégier sur des secteurs bénéficiant de températures automnales suffisantes pour permettre le développement des légumineuses. Ainsi, sur les parcelles situées en altitude, on cherchera à privilégier un semis précoce, dès le 10 août si des pluies de 5 à 10 mm sont annoncées. Les situations à forts risques de levées précoces de dicotylédones, notamment géranium ou ravenelle, sont à proscrire, au risque de devoir adopter un programme herbicide trop agressif pour les légumineuses, à des stades de développement trop précoces. Les leviers agronomiques, comme le semis direct sans flux de terres, peuvent permettre de limiter ce risque. Par ailleurs, en cas de salissement faible à modéré, certains programmes de désherbages peuvent être appliqués en réduisant les doses d'herbicide, avec des sélectivités variables selon les espèces. Enfin, sur des parcelles présentant des légumineuses en culture principale, on tiendra également compte du risque aphanomyces, en associant au colza des légumineuses non-hôtes du champignon, comme la féverole ou encore le fenugrec.
A.Michenau Terres Inovia et chambres d'agriculture 01-26-38-69
Expérimentation / À l’occasion des semis, les chambres d’agriculture de l’Ain, de la Drôme, de l’Isère et du Rhône ont choisi d’étudier les colzas associés, en s’appuyant sur l’expertise de Terres Inovia.
Colza associé : une technique testée en Rhône-Alpes
La démarche mise en place vise à évaluer plusieurs modalités d’associations, comparativement à un colza seul. Ces travaux sont réalisés sur cinq essais en grandes bandes sur les quatre départements (Ain, Drôme, Isère et Rhône) permettant de constituer un réseau d’essais en situations pédoclimatiques contrastées. Parmi les principaux objectifs ciblés, la réduction globale des intrants, notamment les insecticides et les herbicides, l’amélioration de la fertilité globale des sols, et obtenir des sols couverts à la récolte du colza. En comparaison à une modalité témoin colza seul, trois associations ont été testées sur la campagne 2017-2018, dont des couverts 100 % gélifs : lentille/fenugrec/trèfle d’alexandrie et lentille/féverole ainsi qu’un couvert gélif semi-permanent : lentille/trèfle violet. Le trèfle violet a pour vocation d’être conservé tout au long du cycle colza, afin de couvrir le sol à la récolte du colza, et apporter de l’azote pour la culture suivante. L’objectif de cette démarche et notamment de cette première année de test est d’évaluer l’intérêt de la technique et identifier les principaux points de vigilance à avoir. Cette première année pourra apporter des éléments de réponse. Le travail devra se poursuivre sur plusieurs campagnes dans le but d’adapter si nécessaire la technique et évaluer les intérêts et contraintes selon les contextes.Les premiers enseignements
Bien que les résultats finaux n’aient pas encore pu être traités, la campagne qui s’achève apporte son lot d’enseignements. Deux essais parmi les cinq implantés ont dû être abandonnés dès l’automne. En cause, une date de semis tardive n’ayant pas pu bénéficier des quelques pluies efficaces pour permettre une levée rapide. Et, également, un sol mal fissuré ne permettant pas le développement du pivot du colza. Cela doit rappeler qu’en aucun cas l’association à une légumineuse ne peut venir compenser une implantation défaillante. Un autre site a quant à lui été particulièrement concerné par des relevées de moutarde. Le colza et les couverts n’ont pas permis de concurrencer cette flore adventice et une nuisibilité potentielle a pu avoir lieu (essai conservé et analyse des résultats à venir). Cette expérience nous montre deux choses. En premier lieu, la connaissance de la parcelle et de la flore attendue est essentielle avant l’implantation d’un colza associé, car les programmes herbicides du colza ne sont pas toujours sélectifs des légumineuses associées. En second lieu, priorité au colza ! Si sa survie est en jeu par rapport à une problématique d’enherbement, le nécessaire doit être fait, quitte à détruire l’association. Enfin, nous pouvons noter sur les trois sites maintenus, un développement important de la féverole à l’automne, finalement détruite par le gel. Aucune régulation des couverts par les herbicides n’a été nécessaire, malgré les inquiétudes légitimes au cours de l’hiver. On peut également souligner que même en l’absence de gel, la féverole n’est généralement pas concurrentielle du colza (vigilance au-delà de 10 pieds de féverole au m² en sortie d’hiver).
A. M.
