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Aquaponie

Des poissons pour nourrir les plantes

La station expérimentale du Ratho accueille une expérimentation d’aquaponie qui mêle aquaculture
et cultures hors-sol afin de déterminer le potentiel économique de ce système innovant d’élevage et de cultures.
 Des poissons pour nourrir les plantes

Associer l'élevage de poissons d'eau douce à la culture végétale hors-sol en hydroponie, tel est le principe de l'aquaponie. Encore confidentiel il y a quelques années, ce mode de culture commence à faire parler de lui car il présenterait plusieurs avantages : réduction de la consommation d'eau d'élevage ; absence d'intrants chimiques ; réduction des maladies sur les végétaux grâce à la culture hors-sol ; rendement économique intéressant, etc. Afin d'expérimenter l'aquaponie en taille réelle, de trouver des itinéraires de production adaptés et d'en évaluer les résultats en termes de rendement, de faisabilité, de coûts, le service aquaculture de l'Institut technique de l'aviculture, de la cuniculture et de l'aquaculture (Itavi) accompagné par plusieurs partenaires à mis en place une installation pilote au sein des serres de la station expérimentale de Rhône-Alpes technique horticole (Ratho) à Brindas dans le Rhône. « Nous voulons comprendre comment l'aquaponie fonctionne, quelles productions peut-on obtenir et quels résultats économiques peut-on atteindre », explique un technicien de l'Itavi, responsable de l'installation.


Limiter le gaspillage d'eau


Le principe est d'élever les poissons en consommant le moins d'eau possible tout en valorisant les nutriments contenus dans leurs rejets par des cultures horticoles ou maraîchères. Les déjections des poissons deviennent ainsi des nutriments pour les végétaux. L'eau d'élevage des poissons suit un parcours complet afin d'être débarrassée de l'ammoniac issu des déjections et réoxygénée avant d'être réinjectée dans les bassins d'élevage. Dans le pilote installé au Ratho, seulement 600 litres d'eau propre sont réinjectés dans le système tous les jours en hiver et 2 000 litres en été, soit seulement environ 10 % de l'eau nécessaire à l'élevage des poissons est changée tous les jours. Dans ce dispositif, les quatre bassins contiennent 15 m3 d'eau dans lesquels grandissent plus de 3 000 carpes destinées à être commercialisées. Afin de débarrasser l'eau de l'ammoniac produit par les poissons, elle est injectée dans une grande cuve remplie de petits anneaux créés pour maximiser les surfaces de contact. Ces anneaux accueillent des bactéries capables de transformer l'ammoniac en nitrite. Une pompe injecte en continu une grande quantité d'air dans la cuve afin de créer un mouvement continu jusqu'au fond du bac et de réoxygéner l'eau.


Arrosage des cultures


Les nitrites sont ensuite accueillis dans un deuxième bac où d'autres bactéries vont les transformer en nitrates lors d'une réaction sans oxygène. Pour finir, l'eau passe par un filtre mécanique qui s'occupe de capturer les particules en suspension. Cette étape permet ainsi d'obtenir une eau de bonne qualité qui peut être réutilisée dans les bassins pour les poissons. L'eau de nettoyage est, quant à elle, utilisée pour arroser les végétaux. « Dans ce système innovant, il est possible de produire des légumes feuilles et des plantes horticoles grâce aux déjections des poissons, explique Serge Lepage, le directeur de la station expérimentale du Ratho à Brindas.
L'eau du dispositif est analysée en permanence pour connaître les taux de sels minéraux et son PH. Il faut également garder à l'esprit que dans l'aquaponie, il y a une dimension thermique. Ce n'est pas le cas ici, mais pour élever certains poissons, il faut une eau à plus de 30 °C d'où une réflexion à avoir autour de l'énergie qui concerne aussi le maraîchage et l'horticulture. »


Cultures de végétaux en hydroponie


La station expérimentale du Ratho est depuis le début spécialisée dans l'hydroponie. Elle a donc naturellement associé l'aquaculture à ce mode de culture hors-sol. Aussi, elle expérimente l'arrosage des cultures sur raft, sorte de radeaux plastiques qui permettent d'accueillir les plants pour leur permettre d'avoir un contact avec l'eau,  tout en gardant la motte au contact de l'air pour que les racines respirent. L'Itavi vise ensuite à diffuser les connaissances acquises en vue d'un transfert technologique grâce à un guide technique sur l'aquaponie pour professionnels.

 
Camille Peyrache

 

Une expérimentation au sein du projet Apiva

Ce projet pilote à la station expérimentale du Ratho est intégré au projet Apiva développé par l’Itavi en partenariat avec l’Inra, le Cirad, l’Eplefpa de la Lozère et soutenu financièrement par le compte d’affectation spécial pour le développement agricole et rural (Casdar) et du fonds européen pour la pêche (Fep). Au total, trois pilotes d’aquaponie ont été installés dans différents lieux afin de tester différents systèmes aquaponiques sur différents types de productions piscicoles autour d’espèces d’eau froide et d’eau chaude. Le projet vise à caractériser leur fonctionnement, analyser le couplage des compartiments aquacoles et hydroponiques et d’établir des éléments technico-économiques de dimensionnement en vue d’un transfert vers les professions aquacoles et horticoles.