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Espace rural

Des ponts entre culture et agriculture

En Rhône-Alpes, certains festivals jouent le jeu de s’approvisionner en produits agricoles locaux pour l’espace restauration du public. Une manière de promouvoir une agriculture de proximité.

Des ponts entre culture et agriculture

Aux Rencontres Brel à Saint-Pierre-de-Chartreuse en Isère, depuis longtemps les producteurs locaux sont partie prenante de ce festival de chansons et musiques actuelles(1), organisée par l'association L'Éphémère en juillet. Aujourd'hui, ils sont impliqués de deux manières. Depuis 2007, ils prennent en charge l'approvisionnement et la gestion de l'espace restauration pour le public (stand barbecue). Ils servent et présentent une large gamme de produits 100 % Chartreuse : fromages, viandes, vins, légumes, fruits transformés, pain, miel et autres produits apicoles...C'est l'occasion d'échanger avec des festivaliers, de répondre à leurs questions sur l'agriculture et de leur donner envie de consommer des produits locaux. En parallèle, les organisateurs du festival font figure de pionniers en matière de développement local et de protection de l'environnement au cœur du parc naturel régional de Chartreuse.
Depuis deux ans, les producteurs assurent aussi l'approvisionnement du buffet au « village d'entreprises » qui réunit le club de mécènes du festival. Ils animent ce stand VIP en faisant la promotion des produits de Chartreuse. En 2013, ils ont souhaité formaliser leur démarche de prestataire, en créant l'association
Les plateaux des fermes de Chartreuse. Cette association, présidée par Marie-Hélène Billard, fédère une quinzaine de producteurs installés à moins de 50 km autour de Saint-Pierre-de-Chartreuse. Tous ne sont pas convertis en bio, mais chacun est sensible à la protection de l'environnement et engagé dans des circuits courts. Si le festival des Rencontres Brel reste le principal événement qui mobilise beaucoup ces producteurs, l'association Les plateaux des fermes de Chartreuse est régulièrement sollicitée pour des manifestations culturelles ou sportives organisées principalement par le parc naturel régional de Chartreuse. Elle répond également à d'autres demandes (associations locales, repas, apéritifs, goûters pour enfants, petits déjeuners, etc).

Privilégier les circuits courts

Autre exemple dans le Rhône : le Petit festival des Dindes Folles lancé en 1996 par l'association Hippotoufer à Rivolet dans le Beaujolais. Tous les deux ans, fin mai-début juin, cette association a à cœur de mettre en valeur la diversité du spectacle vivant en accueillant une centaine d'artistes en trois jours. Ce festival se déroule dans un cadre insolite en milieu rural : quatre hectares entre prés et sous-bois, traversés par un ruisseau. Les organisateurs des Dindes Folles qui militent en faveur de la préservation de la nature, privilégient les circuits courts et l'agriculture biologique pour les repas et l'approvisionnement en produits locaux (charcuterie pour les sandwichs, tartines, bière artisanale, jus de fruits, vins du Beaujolais, pain bio, fruits et légumes).
Dans l'Ouest lyonnais, la cinquième édition du festival FestBouc a établi ses quartiers sur la commune de Chassagny début juillet 2015 pour proposer une programmation musicale éclectique. Le temps d'un week-end, plus de soixante artistes sont accueillis sur cinq scènes montées sur des champs que des agriculteurs mettent à disposition. Les organisateurs de FestBouc revendiquent leur implication dans les démarches de développement durable. « Nous préservons, valorisons et soutenons les ressources naturelles par le biais de différentes actions, en partenariat avec des acteurs spécialisés et les services environnement et solidarité de la Copamo (Communauté de communes du pays mornantais). Nos achats sont réalisés à 80 % en région ». La nourriture et les boissons proposées à la buvette proviennent de producteurs locaux. Il en est quasiment de même pour les repas servis aux artistes et aux bénévoles du festival ainsi que sur les stands de vente de produits.
Autre initiative, le réseau des Agri-Culturelles de l'Ardèche Verte parvient à créer des passerelles entre culture et agriculture sur le territoire nord du département. Il réunit un groupe d'une quinzaine d'exploitations agricoles et deux partenaires culturels ardéchois, à savoir le Centre national des arts de la rue Quelques p'Arts et la Scène de musiques actuelles La Presqu'île. Du printemps à l'automne, des spectacles et des concerts sont programmés dans dix exploitations à tour de rôle.
La programmation s'accompagne d'une visite de l'exploitation pour un temps d'échanges entre public et agriculteurs. Ce moment de partage se prolonge autour des « assiettes Agri-Culturelles », confectionnées à base de produits locaux de saison majoritairement biologiques. Le dispositif des Agri-Culturelles bénéficie d'un soutien du syndicat mixte Ardèche Verte et de la Région Rhône-Alpes via le CDDRA (contrat de développement durable Rhône-Alpes) visant à accompagner les initiatives des acteurs locaux dans divers domaines. 
Colette Boucher
(1) Festival créé en 1988 en hommage à Jacques Brel qui venait séjourner dans son chalet à Saint-Pierre-de-Chartreuse.

 

Sur le sentier des Lauzes

L’émergence d’une vallée culturelle

Au sein du parc naturel régional des monts d’Ardèche se niche la vallée de la Drobie. Proche des gorges de l’Ardèche et de la grotte Chauvet, à l’écart des zones touristiques, c’est un territoire faiblement peuplé et fragilisé par des années d’exode rural mais riche d’un patrimoine paysager typique et d’un espace préservé et sauvage. Conscients de la difficulté à trouver une voie de développement adaptée à cette vallée située en zone difficile, les habitants ont décidé de réfléchir ensemble au devenir de leur cadre de vie et ont inventé un projet collectif basé sur les paysages avec une approche culturelle. De là est née l’association « Sur le sentier des lauzes », chargée de mettre en œuvre le projet du même nom. Le projet de développement local Sur le sentier des Lauzes a pour objectif de « faire intervenir des artistes et créateurs pour révéler ou mettre en valeur les éléments du paysage et du patrimoine local. Les événements artistiques, les résidences d'artistes et les expérimentations proposées permettent de favoriser l'échange et la réflexion sur l'avenir de ce territoire », explique l’association sur son site www.surlesentierdeslauzes.fr.

Le paysage à travers le regard d'artistes

Le sentier des Lauzes est un chemin de randonnée qui forme une boucle sur les communes de Saint-Mélany et de Dompnac avec des bifurcations sur les communes voisines de Sablières, Beaumont, Saint-André-Lachamp et Ribes, avec la particularité d’être parsemé d’œuvres artistiques. L’association Le sentier des Lauzes a choisi d’inscrire son action le long de ce sentier pour y créer un « parcours en paysage » et redonner progressivement sens et vie aux multiples éléments de patrimoine qu’il traverse (ponts, grangettes, faïsses, chapelle, moulins, etc.) « Le pari était d’inventer ensemble, habitants et artistes, un développement harmonieux pour la vallée de la Drobie. Plus qu’un simple sentier de randonnée, le sentier des lauzes est un chemin de conscience », précise l’association. Ce projet lancé en 2000 a permis de recréer du lien social et revitaliser la vallée. « Ce que nous appelons la Vallée Culturelle est en émergence, et cela influence lentement le devenir de cette vallée, la mettant en contact avec d'autres parties du monde, avec d'autres sources d'inspiration... Suite logique et preuve de cette évolution, les communes de la vallée se sont lancées dans l'élaboration d'un projet de développement durable axé sur le paysage. Et déjà, d'autres associations, d'autres artistes prennent contact, intrigués, constituant, sur la base de ces premiers pas, un réseau en extension... », constate l’association, en passe de réussir son pari. 
C. D. (source surlesentierdeslauzes.fr)