Des Ppam bio produites sous toit photovoltaïque

On les aperçoit depuis la route. Bien après les éoliennes et les écrasantes cheminées de la centrale nucléaire de Cruas, les panneaux solaires installés sur les serres de GHR Morand, toute jeune société de production de Ppam bio, contrastent malgré tout avec le paysage. Et pas seulement visuellement. L'initiative est, elle aussi, atypique, voire unique en France.
Une culture en milieu confiné
La ferme conduite par Raymond Morand, ancien éleveur laitier en Haute-Savoie, s'étend sur dix hectares. Les serres en occupent six. A l'intérieur, où les températures peuvent varier de - 5 à + 50 °C, Raymond Morand et son chef de culture, Gabi Molnar, font pousser quatre hectares de verveine, géranium, passiflore, mélisse, menthe, romarin et hélichryse certifiés biologiques (40 000 plants environ). Le reste de l'exploitation est en luzerne. Les panneaux photovoltaïques recouvrent, en toiture, l'équivalent de 50 % de la surface cultivée, soit une capacité de production de 2,4 mégawatts (MW). « C'est assez exceptionnel de voir cela et très innovant. On ne sait rien de la culture de Ppam en milieu confiné et avec une altération de la lumière », note Pierre-Yves Mathonnet, conseiller spécialisé à la chambre d'agriculture de la Drôme et référent technique régional Ppam bio. Et Raymond Morand d'illustrer : « Nous nous sommes aperçus que cette configuration - des parties très ensoleillées et d'autres totalement à l'ombre - convenait parfaitement aux plantes vertes mais pas du tout aux plantes à fleurs ». De nombreux essais ont été réalisés avant de sélectionner les espèces qui y grandissent désormais.
En Drôme-Ardèche, le marché des Ppam est florissant et le suivi technique particulièrement développé. Un argument de poids pour la SA GHR Morand qui vend actuellement sa récolte (en hydrolat et huile essentielle pour l'hélichryse et en plante entière pour les autres) à trois négociants locaux. « La Drôme et l'Ardèche regroupent énormément de coopératives, négociants, metteurs en marchés, au moins vingt-cinq entreprises », rappelle Pierre-Yves Mathonnet.
Une recette non négligeable
Si les serres appartiennent à l'entreprise GRH Morand, les panneaux placés sur la toiture sont la propriété d'Agrivolt. « Nous avions fait une demande mais l'investissement était trop lourd. Nous avons donc vendu le projet à une autre société, explique l'agriculteur. Il faut de la volonté car le domaine de l'énergie solaire est très complexe. » L'installation de la station de Cruas a coûté 8 millions d'euros. La vente d'électricité à EDF (0,41 euro le Kwh pendant vingt ans) revient à Agrivolt, cette dernière versant un loyer à l'exploitant.
En parallèle, le producteur de Ppam a fait installer ses propres panneaux sur de grands modules en bois appelés ombrières, un hectare au total. Elles abritent les plants de quarante variétés ornementales, destinés aux particuliers, grossistes ou paysagistes. « Ils vivent bien mieux à l'ombre » de ces massives structures, selon le maître des lieux. Et d'indiquer encore : « J'ai personnellement couvert l'ensemble de ma maison de panneaux solaires : je consomme et revends le surplus ».
La manne issue de l'électricité contribue à équilibrer un projet encore aux multiples inconnues car la culture sous toiture solaire, très prometteuse selon Pierre-Yves Mathonnet, n'en est qu'à ses débuts. « J'apprends tous les jours ; il ne s'en passe pas un où je m'ennuie », constate l'exploitant. Sa démarche, les visiteurs pourront la découvrir lors de la visite de la ferme, mercredi 23 septembre de 13 à 17 heures, à l'occasion du salon Tech&Bio.
T. R.
Energie renouvelable / Son projet, l'entreprise GHR, le pense comme un ensemble. Du bio au solaire, tout se tient.
Le fruit d'une démarche globale
La culture des Ppam bio couplée à la production d'énergie solaire dépasse la simple opportunité que peuvent offrir chacun de ces deux marchés. « Au départ, mon frère et moi étions éleveurs laitiers en Haute-Savoie. Il y a vingt ans, je traitais comme tout le monde ! Quand j'en ai eu assez d'être malade en permanence, j'ai tout arrêté », explique Raymond Morand. Le binôme se lance ensuite dans le compost de déchets verts, puis dans l'épandage de boues de stations d'épuration, le maraîchage et la récupération de pneus usagés (au travers la société Granulatex).Aujourd'hui, en plus des Ppam, la SA GHR Morand produit des céréales. « On reste des paysans ! », confie l'exploitant. Sur le site de Cruas, la préoccupation environnementale est présente très concrètement. « J'ai creusé moi-même les bassins de rétention pour que l'eau de ruissellement soit captée par infiltration. Sous les serres, je fonctionne en lutte intégrée, par des lâchers d'auxiliaires. » Le résultat ? Il l'estime positif. « Quand on arrive à trente ans d'agriculture, un terrain ça se convertit, on peut l'habituer au bio. Tout ça se travaille, le sol comme nos pratiques. »