Des solutions sucrées contre le carpocapse

Depuis plusieurs années, l'application de solutions à base de sucres solubles (infra-doses) sur le feuillage de pommiers est expérimentée pour limiter les attaques de carpocapses. Avec cette technique, « Sylvie Derridj, retraitée de l'Inra(1) de Versailles et initiatrice de la méthode, a obtenu de bons résultats en laboratoire », confie Sophie-Joy Ondet, ingénieur recherche et développement en arboriculture fruitière au Grab à Avignon. Ces travaux ont été repris dans le cadre d'un projet porté par Ingrid Arnaud, chercheur à l'Université de Tours, associant plusieurs partenaires des filières arboricole, maraîchère et viticole, dont le Grab. En arboriculture, Sophie-Joy Ondet a commencé à tester les infra-doses de sucres en 2012 dans des vergers de pommiers en mode de production biologique. Elle a ainsi à son actif quatre ans d'expérimentation sur cette technique.
Une méthode préventive
« L'application d'infra-doses de sucres sur le feuillage est une méthode préventive générant une stimulation des arbres », souligne l'expérimentatrice. Sont utilisés du fructose et du saccharose soit seuls, soit en association (en mélange ou alternés) en traitement classique au pulvérisateur. Sur le principe, le carpocapse est attiré par différents composés présents dans les feuilles de pommier. L'apport de sucres va provoquer une réaction chimique qui modifie la composition interne de la feuille. La femelle du ravageur qui cherche à s'alimenter avant de pondre ne la trouvera pas à son goût et, par conséquent, ne pondra pas dessus.
Des règles à suivre
Dans cette technique, « plusieurs règles sont à respecter », explique Sophie-Joy Ondet. Les traitements doivent commencer avant l'arrivée du ravageur et se poursuivre tout au long de la saison. La dose est de 100 ppm(2), soit 1 gramme pour 10 litres. « Si le dosage n'est pas bon, la réponse du végétal et donc le résultat ne seront pas forcément satisfaisants ». L'application doit être réalisée tôt le matin, avant le début de la photosynthèse de la journée (si possible avant 9 heures lorsqu'il fait chaud). Quant à la fréquence de traitement, elle est de 21 jours (contre 10 avec le virus de la granulose pour des vergers fortement touchés).
« Nous trouvons cette technique très intéressante car nous constatons des différences, les statistiques parlent d'elles-mêmes dans certains essais », assure l'expérimentatrice, avant de remarquer : « Tous les vergers sont des cas particuliers. On n'aura jamais le même pourcentage d'infestation ni les mêmes résultats d'un verger à l'autre. Cette technique est donc à tester dans plusieurs contextes de pression du ravageur et de variétés avant de la promouvoir de façon générale. »
Des différences
En termes de résultats, Sophie-Joy Ondet indique, pour l'essai 2013 du Grab, sur la variété Gala, un taux d'attaques de carpocapses à la récolte de l'ordre de 13 % sur les arbres non traités (témoins), de 8 % sur ceux traités classiquement, c'est-à-dire avec le virus de la granulose tous les 10 jours. Un des sucres testés a permis d'abaisser le taux d'infestation à 4 % environ. En 2014, cet essai a été reconduit sur le même verger de pommiers de variété Gala. Sur les arbres témoins non traités, le taux d'infestation à la récolte y était très faible, d'à peine 4 %. Sur les arbres traités au virus de la granulose, il était de 3 %. L'application d'infra-doses de certaines associations de sucres a permis de réduire les dégâts à 1,3 %. « L'année dernière, observe l'expérimentatrice, nous avons donc encore obtenu une baisse des dégâts ». Un autre essai a été conduit cette année 2015, dans un verger de Golden au nord des Bouches-du-Rhône. Le taux d'attaques était élevé : de l'ordre de 40 % des fruits piqués par le carpocapse sur les arbres témoins. « Les résultats n'ont pas encore été entièrement exploités. Cependant, résultat déjà connu, l'association de certains sucres a permis de baisser le taux de piqûres de carpocapse à 24 %. »
Ces essais ont été réalisés dans le cadre d'un projet Onema(3) et avec le soutien de la Région Paca. L'expérimentation va se poursuivre avec un nouveau projet, nommé « Sweet ». Il s'agit d'un projet Casdar(4), financièrement aidé par le ministère de l'Agriculture et la Région Paca.
Annie Laurie
(1) Inra : Institut national de la recherche agronomique.
(2) Ppm : partie par million.
(3) Onema : Office national de l'eau et des milieux aquatiques.
(4) Casdar : compte d'affectation spéciale pour le développement agricole et rural.