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FOURRAGES

Des sondes intelligentes pour lutter contre les incendies

Une phase de test menée par Groupama Grand Est sur un réseau de 15 exploitations agricoles montre l'intérêt des sondes connectées pour prévenir les risques d'échauffement des fourrages.
Des sondes intelligentes pour lutter contre les incendies

Haytech est un système sans fil de surveillance de température pour le fourrage. Des sondes de détection sont insérées dans les bottes de foin à surveiller. Des messages SMS d’alerte sont automatiquement envoyés sur un téléphone portable en cas de danger.

Tous les ans, plus d'une centaine de feux de ferme sont dénombrés en France. Les dommages peuvent s'élever jusqu'à 400 000 euros par incendie. Pour les éleveurs et les négociants stockant du fourrage, le danger de l'échauffement est présent, tout particulièrement pendant les trois à quatre premiers mois qui suivent la coupe. Originaire d'une famille d'agriculteurs du Jura, ingénieure en électronique, mariée à un Finlandais, Nadine Pesonen a toujours été sensible à ce sujet de l'échauffement des fourrages. Petite, ses parents l'envoyaient sonder les tas de foin avec un thermomètre à plomb, pour vérifier les températures...
En 2001, c'est le hangar de son frère, tout juste installé sur l'exploitation familiale qui brûle à cause de l'auto-combustion. Ce sera un élément déclenchant pour la jeune femme qui travaille alors à trouver une solution technique pour lutter contre ce fléau. Et c'est en 2014, après bien des recherches, qu'elle se lance dans le développement d'un système de thermomètres connectés qui permet de suivre la température des bottes de foin et d'alerter en cas d'élévation anormale. Le système s'adresse à tout utilisateur de fourrage mais également aux céréaliers et aux entreprises de compostage de déchets verts et de bois. Après trois années de tests, Nadine et son associé fondent la société finlandaise Quanturi et lancent la commercialisation des sondes du système Haytech. Le système a franchi quelques frontières puisqu'il est aujourd'hui distribué sur cinq pays d'Europe où il a permis d'éviter plus d'une dizaine d'incendies. Restait à revenir en France. Ce qui a été fait dans le cadre d'un partenariat mené avec l'assureur Groupama Grand Est, bien conscient de cette problématique de l'échauffement des fourrages. Convaincu de la fiabilité de ce système, l'assureur voulait proposer à ses adhérents une solution autonome et fiable.

 

Se rapprocher du risque zéro

Son concept, Nadine Pesonen a voulu le tester sur les départements du Doubs et du Jura, certainement les départements français les plus défavorables à un test sur des objets connectés vu l'importance des zones blanches. En phase de pilotage, elle s'est appuyée sur un réseau de 15 exploitations agricoles, dont le Gaec du Sauget à Vevy.
C'est là que la conceptrice des sondes connectées Haytech retrouve Marie Roy, Mickaël et Florian Pelletier, les trois associés du Gaec, pour le lancement du produit. Les premiers commentaires ne tardent pas. Marie a été victime d'un incendie il y a trois ans et demi. Pour elle, « le risque zéro, ça n'existe pas mais s'en rapprocher, c'est quand même pas mal... » Elle a tout de suite été séduite par ce système de sondes connectées. 25 sondes ont été installées en 2017 sur les bottes les plus « tendancieuses » ainsi que sur des bottes présumées « standard ». Il n'y a pas eu de déclenchement d'alarme, seulement des messages d'alerte envoyés directement sur les smartphones des associés, via leur box. Ceux-ci avaient pris quelques précautions en amont en marquant les bottes suspectes au pressage puis en les sondant en les rentrant dans le bâtiment... Mickaël précise quand même que, « l'année dernière, les foins se sont faits dans de bonnes conditions... Ce qui n'avait pas été le cas les années précédentes ! » Jean-Pierre Gros, le président de Groupama Jura, ajoute que, pour lui, «  le système est abouti mais on n'enlèvera rien à la technicité des agriculteurs et aux bonnes pratiques... Certes, on veut profiter des technologies pour aller de plus en plus vite dans le travail ! Mais il ne faut surtout pas oublier certaines règles de base... »

Suivre la qualité des fourrages

François Prillard, conseiller de prévention à Groupama, va plus loin : « Le système est intéressant en termes de prévention. Mais aussi, en termes de suivi de la qualité des fourrages. Le fourrage, c'est la clé de voûte de l'alimentation des vaches ». Ce que confirme Marie Roy : « Le suivi de température me permet de suivre également la qualité des brins car surveiller, c'est évoluer. Et quand on connaît les incidences de la qualité du fourrage sur la production et la valorisation du lait ! » Concrètement, les éleveurs établissent un plan de leur pile qui leur permet de localiser plus facilement leurs sondes. Puis ils écartent les bottes dont la température serait montée car un fourrage dépassant les 45 degrés perd beaucoup de sa valeur nutritionnelle.
Pour ce qui est du stockage en vrac, Nadine Pesonen avoue qu'elle travaille « sur un plus gros modèle qui soit repérable, qui ne soit pas pris par la griffe et ne passe pas dans la mélangeuse ». Elle est confrontée à des problèmes de transmission des ondes radio freinées par la densité du foin. Mais, vu le développement important des demandes sur le vrac, elle a bien conscience que le développement de ce nouveau modèle est un défi à relever rapidement. 

Michel Ravet