Des steaks hachés équitables, un bonus pour des éleveurs drômois

Les États généraux de l'alimentation (EGA) ont dernièrement mis l'accent sur le fait que la valeur ajoutée ne revient pas forcément aux producteurs, mais davantage aux grandes et moyennes surfaces (GMS). Afin de renverser ce phénomène, des agriculteurs choisissent de valoriser leurs productions au travers de circuits de proximité. Depuis plusieurs mois, les consommateurs essaient également d'inverser la tendance avec la marque « C'est qui le patron ? ! ». Ce sont eux qui décident de leurs produits, selon leurs attentes. La démarche garantit également une rémunération supérieure à l'agriculteur.
0,25 euro du kilo de carcasse
Après le succès de la brique de lait équitable, cette marque a choisi de soutenir la filière viande avec la commercialisation de steaks hachés frais et surgelés. Pour ce faire, elle s'est tournée vers le groupe coopératif Sicarev. C'est dans ce contexte que 24 éleveurs drômois - tous coopérateurs au sein de Dauphidrom, qui a rejoint la Sicarev en 2000 - participent à cette dynamique.
Vivien Castry, éleveur de limousines à Montmiral, est l'un d'eux. Et pour le moment, il est plutôt confiant. « Cette démarche nous intéressait dans le sens où il y avait une plus-value. Les consommateurs sont prêts à payer un prix supérieur qui tient compte de l'engagement du producteur. Nous touchons 0,25 euro supplémentaire du kilo de carcasse par rapport à la grille de la coopérative. Sur une bête, je peux donc gagner entre 100 et 120 euros supplémentaires », explique-t-il.
Si les consommateurs sont prêts à payer davantage, c'est aussi parce qu'ils savent ce qu'ils vont manger. Ces derniers mois, ils ont en effet été près de 8 000 à imaginer leur steak haché idéal. Parmi les doléances, il fallait notamment que les animaux soient issus d'une race à viande, qu'ils soient nés et élevés en France ou encore que les fourrages soient produits localement et majoritairement à moins de 100 kilomètres de l'exploitation. Le bien-être animal, un pâturage supérieur à six mois par an ainsi que le respect de la charte des bonnes pratiques d'élevage étaient aussi au cœur de leurs préoccupations. « « C'est qui le patron ? ! », c'est une autre forme de vente directe, un contrat entre le consommateur et le producteur. Le cahier des charges désiré n'a pas nécessité de modifier notre mode de fonctionnement, ni engendré de surcoût. Les fourrages, le foin, l'herbe et les céréales sont produits sur l'exploitation. Le complément de tourteau de colza vient de Rhône-Alpes », note encore Vivien Castry.
Quand le consommateur soutient la filière
Selon lui, cette démarche permet toutefois de soutenir la filière. « Nous sommes loin d'être milliardaires mais nous faisons face à nos charges. L'élevage allaitant nécessite d'énormes capitaux pour une faible rentabilité. Il faut donc maîtriser ses charges et investir raisonnablement. Une région où il n'y a pas d'élevage, ce sont des buissons qui vont pousser. L'élevage est incontournable dans les coteaux ou les combes non mécanisables », ajoute-t-il aussi.
La juste rémunération de l'éleveur, au regard du travail effectué, est donc essentielle. Pour autant, le succès de ces steaks hachés dépendra aussi de la mobilisation des consommateurs, Sicarev ne livrant pour l'heure que quinze animaux par semaine pour l'élaboration de ces produits. « C'est un débouché complémentaire, un bonus, une porte de sortie supplémentaire, conclut l'éleveur. En somme, son succès va dépendre des volumes qui seront demandés par les consommateurs. »
Aurélien Tournier
REPÈRES /
Dauphidrom en bref
Siège social : Marcilloles (38).
Nombre total d’éleveurs : 761.
Répartition : 117 en Drôme, 93 en Ardèche, 446 en Isère et 105 en Haute-Savoie.
Diversification / Ne souhaitant pas être dépendant des enseignes de la grande distribution, le Gaec de la Ferme fleurie (Saint-Bardoux) se diversifie.
Valoriser le travail de l’éleveur jusqu’au bout

Mais la valorisation du travail de ces éleveurs passe aussi par d'autres produits et de nouvelles activités. L'exploitation fait en effet la part belle à la viande caprine. « Avec une chèvre réformée, je ne pouvais gagner que jusqu'à 20 euros. En faisant du saucisson ou des plats cuisinés, nous pouvons toucher jusqu'à 120 euros », note encore Christian Dorey. Début mars, une ferme auberge verra également le jour. « Il fallait réagir face à la baisse des ventes sur les marchés. Nous allons donc pousser la valorisation jusqu'au bout, en proposant le produit dans l'assiette », ajoute-il. A. T.
Valorisation / Soucieux de maîtriser ses charges, le Gaec Juven (Geyssans) a depuis longtemps opté pour la réduction maximale des intermédiaires.
La vente directe, une vraie stratégie

Transparence totale
Difficile toutefois pour lui d’affirmer que la vente directe est au final plus intéressante que les intermédiaires au regard du temps qui y est consacré. « On arrive à faire face à nos charges. Mais peu de personnes accepteraient de travailler quand on connaît notre taux horaire. Notre métier implique tout de même beaucoup de sacrifices », note-t-il aussi.
Mais les consommateurs le lui rendent bien. Preuve en est les clients, fidèles, qui se succèdent sur les marchés. « On connaît la vie de nos clients, leurs petits tracas. Cela nous permet également de sortir de l’exploitation », raconte-t-il volontiers. La proximité avec le producteur s’avère être aussi un vecteur de confiance. « Il y a même de la reconnaissance, ajoute-t-il encore. C’est toujours gratifiant quand quelqu’un vous dit que vos produits sont bons. »
A. T.