Des sujets brûlants pour les vignerons indépendants

L'actualité brûlante du Covid-19 et la récente annonce du gouvernement d'interdire tous les rassemblements de plus de mille personnes ont contraint la confédération des vignerons indépendants de reporter les salons des vins de Bordeaux et de Paris Champerret, initialement prévus courant mars et au mois de juin. L'annonce a été faite lundi 9 mars à Suze-la-Rousse, à l'occasion de l'assemblée générale de la fédération des vignerons indépendants de la Drôme. « Une situation inédite » selon Thierry Motte, secrétaire général à la confédération. Le 31e concours des vignerons indépendants - avec la dégustation de 6 200 échantillons - est cependant maintenu à Paris, ce vendredi 13 et samedi 14 mars.
Zones de non-traitement
En cette période délicate, la filière montre pour autant bien d'autres signes d'inquiétudes. Les zones de non-traitement (ZNT) font l'objet d'une pédagogie de plus en plus poussée. « Nous devons énormément parler avec nos voisins. Les explications sont nécessaires car les riverains les plus revendicatifs demandent que tous les vignerons passent en agriculture biologique. Mais ce qu'ils ignorent la plupart du temps, c'est que les vignerons en bio doivent aussi faire circuler les tracteurs et le pulvérisateur dans les vignes », explique Sylvie Chevrol-Michelas, présidente de la fédération des vignerons indépendants de la Drôme. Actuellement, des expertises sont menées sur la pertinence et l'efficacité de matériels (buses anti-dérive, etc.). Quant aux distances de non-traitement, les chartes départementales pourraient permettre de les atténuer. « Nous restons dubitatifs, confie Thierry Motte. Ce que nous demandons, c'est la sanctuarisation de l'espace agricole. Il n'est pas possible de reporter la charge, à chaque fois, sur la viticulture et l'agriculture en général. »
Non au centre d'enfouissement de la Coved
L'autre sujet brûlant concerne le projet de création d'un centre d'enfouissement de la Coved sur la commune des Granges-Gontardes. « Les vignerons indépendants de la Drôme se sont positionnés contre l'installation de ce centre à cet endroit. Il n'est pas acceptable qu'un tel projet - un tumulus de 40 mètres de hauteur - voit le jour, a dit Sylvie Chevrol-Michelas. Placé sur la route d'accès au vignoble de Grignan-les-Adhémar, ce centre d'enfouissement ruinera tous les efforts produits par les vignerons de cette appellation et impactera tout le vignoble du sud du département. Il faut savoir que les vignobles ne peuvent pas se déplacer. Nous sommes liés à notre terroir. Les industriels, eux, peuvent choisir le lieu de leur activité. Nous n'accepterons jamais de baisser les bras devant eux », a-t-elle ajouté.
Surtaxation : demande d'un fonds de compensation
Par ailleurs, les vignerons indépendants poussent un cri d'alarme quant à la surtaxation des vins tranquilles français exportés aux Etats-Unis. « C'est un sujet que l'on a notamment défendu lors du dernier salon de l'agriculture, assure Thierry Motte. Il est nécessaire d'intervenir rapidement pour aider les vignerons français. » Du 15 octobre au 15 décembre 2019, les vignerons indépendants ont enregistré une perte sèche de 20 millions d'euros sur le marché américain. Ceci risque de s'accentuer jusqu'à fin juin, voire pire si ces taxes ne sont pas levées. « Nous avons demandé un signal fort au président de la République envers la viticulture, avec la mise en place d'un texte de loi pour bénéficier d'un fonds de compensation et ainsi continuer à vivre de notre métier. Ce signal peut venir uniquement de nos politiques via l'Europe. » Un groupe de députés a été constitué et une réponse est attendue d'ici la fin mars. « Si on a déjà la garantie d'avoir ce fonds de compensation, nous pourrions dire à nos importateurs que nous pouvons prendre à notre charge les 25 % de taxes qui ont été appliquées depuis le 15 octobre pour ne pas perdre nos places de marché, ne pas perdre de ventes... », conclut Thierry Motte.
Amandine Priolet
Les vignerons indépendants de la Drôme (millésime 2018)
Adhérents : 83.
Surface totale : 2 399 ha.
Volume total : 71 064 hl.
L’œnotourisme, une activité complémentaire ?
« L’œnotourisme va nous permettre de dédramatiser nos actions sur le vignoble, faire comprendre aux non-ruraux comment pousse la vigne, comment s’entretient le vignoble, comment se passe la récolte... », a souligné Sylvie Chevrol-Michelas, présidente de la fédération des vignerons indépendants de la Drôme. Elle a invité Pierre Saysset, directeur de la fédération des vignerons indépendants du Vaucluse, à intervenir sur l’œnotourisme à l’heure où l’agribashing et le sujet des zones de non-traitement (ZNT) redoublent d’intensité. Ce dernier a rappelé les points essentiels à prendre en compte en cas d’activité œnotouristique : fléchage clair, route d’accès convenable, parking matérialisé, espace extérieur propre, etc. « Il faut réfléchir à la façon dont vous accueillez vos clients dans vos caveaux et se demander si quelque chose pourrait heurter leur sensibilité », alerte Pierre Saysset.La France accueille chaque année près de douze millions de touristes viticoles mais seulement 7 % semblent être intéressés par une visite de cave. « Identifier les besoins des clients est primordial », insiste-t-il. Avant d’ajouter : « L’œnotourisme peut être un vrai vecteur de croissance dans l’entreprise mais il s’agit d’un métier supplémentaire. Il est important de se faire accompagner par un œnologue, un expert-comptable, etc. »
Le sujet de l’identité visuelle a également été abordé, afin de mettre en avant le logo des Vignerons indépendants. « Ces six dernières années, la confédération des vignerons indépendants a dépensé 2,5 millions d’euros pour faire la promotion de la marque et du logo, a fait remarquer Pierre Saysset. Celui-ci garantit non seulement l’authenticité et l’origine du vin mais aussi le respect des traditions, un bon rapport qualité-prix et le respect de l’environnement. »
A. P.