Des vignes résistantes au mildiou et à l’oïdium disponibles dans trois ans

Sept hectares de vignes. Voilà qui permet au domaine de Piolenc, acquis par la chambre d'agriculture du Vaucluse il y a vingt ans, d'expérimenter « grandeur nature », résume Olivier Jacquet, responsable du service vigne. C'est une étape indispensable pour valider une technique avant d'envisager de la transmettre aux agriculteurs. Le domaine comprend un conservatoire de clones de grenache, une collection de cépages et diverses parcelles réservées à des essais. Les vignes sont séparées par des « corridors écologiques réservoirs » d'herbe et de haies. Les expérimentations portent sur la densité de plantation, l'irrigation, le mode de conduite et la réduction des produits phytosanitaires. « Cela fait dix ans que nous menons des essais pour réduire les phytos. Désormais, nous avons fait le choix de cumuler différentes stratégies dans l'objectif de réduire de moitié l'emploi de ces produits. On attend que le mildiou soit rentré dans la parcelle pour traiter », poursuit Olivier Jacquet. Enfin, le programme « Resdur » teste des cépages résistants au mildiou et à l'oïdium.
Toujours traiter en préventif
« Cette année, on a eu des attaques de mildiou comme il n'y en avait pas eu depuis 1946 ou 48 ! », observe le conseiller agricole. Avec des pluies durant 70 jours, à hauteur de 300 mm, et des chaleurs, l'ambiance a été quasi tropicale et donc, propice au développement du mildiou. « Le malheur, c'est que c'est arrivé au moment où la vigne poussait beaucoup ! ». Résultat, du rot gris s'est installé sur inflorescences. Puis de très grosses attaques tardives ont à nouveau sévi autour des 10 et 13 juin. Or, il n'y avait pas de mistral, donc l'humidité a persisté. Pire, les 150 mm d'eau tombés le 10 août ont relancé la pousse de la vigne et de l'herbe. « Ça a été catastrophique partout. L'essai stratégie "light" n'a pas supporté ces attaques. C'est impossible d'atteindre l'objectif de réduction de 50 % d'intrants lorsque la pression mildiou est si forte, constate Olivier Jacquet. Il faut pouvoir mettre en œuvre des moyens qui permettent de sauver les récoltes ! »
Les leçons à en tirer sont qu'il faut toujours traiter en préventif, que l'on soit en bio ou non. Car aucune stratégie curative n'existe. « On a traité en fin de saison, pour éviter le mildiou tardif, sauver le feuillage et s'assurer que les sarments s'aoûtent et mettent en réserve, précise Olivier Jacquet. Et cela permet aussi de protéger la récolte de l'an prochain. Notre stratégie de base est d'associer un biocontrôle systémique, qui pénètre dans la plante et a une plus longue rémanence, à un produit de contact comme le cuivre. »
Une économie de 80 % des traitements
Les essais sur les nouvelles variétés de vignes résistantes au mildiou et à l'oïdium sont justement très frappants. Les vignes sont restées belles et saines, tandis qu'il ne reste plus de raisin à vendanger sur les rangs voisins, des vignes témoins non traitées. Vidoc et Artaban - les cépages résistants aujourd'hui plantés au domaine de Piolenc - sont issus de croisements par hybridation, réalisés en 2000 par l'Inra. Ils ont été sélectionnés pour posséder les qualités de leurs parents, à la fois d'un bon raisin de cuve et de résistance aux deux principales maladies de la vigne. Agréés en 2017, ils peuvent désormais être utilisés en production. Deux ou trois années sont encore nécessaires avant de mettre sur le marché des plants qui seront utilisables en production IGP ou Vin de France.
Il faut encore une quinzaine d'années avant d'obtenir des cépages rhodaniens résistants. En 2019, seront plantées des vignes issues du croisement de ces cépages résistants au grenache et à la syrah. Les descendants qui seront à la fois résistants et qui présenteront les caractères les plus proches des cépages rhodaniens historiques seront sélectionnés. Les meilleurs d'entre eux seront ensuite testés par des vinifications expérimentales.
Un programme similaire est en cours dans toutes les régions viticoles françaises. À terme, la patience des producteurs devrait être récompensée car l'utilisation de ces variétés pourrait leur permettre une réduction de 80 % des traitements phytosanitaires.
Cécile Poulain
Laurent Charvin, vigneron bio à Orange / Simplicité et efficacité
En agriculture biologique depuis huit ans, Laurent Charvin conduit une trentaine d’hectares en appellation Côtes-du-Rhône, Châteauneuf-du-Pape et un peu de vin de pays. Cette année, il a fait « comme d’habitude », en resserrant bien la cadence des traitements. « Je n’avais jamais vu de si forte pression mildiou depuis 1990, en particulier sur Châteauneuf où la floraison est précoce. Le mildiou est apparu au moment le plus sensible de la vigne », date à laquelle il a repris le domaine familial.Sa stratégie est simple : passer au plus proche avant un orage annoncé. « Dès qu’une pluie dépasse 10 à 15 mm, la vigne n’est plus protégée. Donc il faut que je passe avant, pour couvrir le maximum du feuillage. La pluie peut ensuite lessiver le produit mais elle ne contamine pas. Et je traite aussi systématiquement après une pluie ou s’il y a eu une pousse de 10 cm. Du coup, ce qui a changé cette année, c’est la fréquence de traitement très rapprochée, en particulier en mai et juin. Sur l’année, on a fait treize traitements, c’est énorme au regard des sept ou huit habituels. Rien que dans la quinzaine avant le 9 juin, on a traité six fois. En revanche, j’ai traité seulement deux fois en juillet et pas du tout en août. Autre point important : pulvériser avec soin. Cela permet d’être efficace et d’avoir des doses de traitement faibles, entre 200 et 500 g/ha de cuivre. Les dégâts du mildiou sont très variables selon la situation des parcelles, si elle est ventilée ou accumule de l’eau. Certaines parcelles ne sont absolument pas affectées par le mildiou, d’autres montrent quelques pourcentages de dégâts et 2 à 3 hectares sont touchés entre 20 et 30 %. Au final, ça ne se voit pas en termes de rendement. On peut considérer que c’est une année normale, nous a dit la contrôleuse Ecocert. La qualité de la récolte a été inespérée par rapport à la situation au 15 juin ! La maladie n’a pas évolué, la vendange a été magnifique. La morale de l’année est qu’il vaut mieux vaut précéder la maladie que lui courir après ! »
Cédric Roux, vigneron à Bédarrides / « Zéro mildiou sur grenache »
Cédric Roux a dix hectares de vignes, dont huit en production, des grandes cultures et du fourrage. Ses terres se situent entre Courthézon et Bédarrides. Il apporte tout son raisin au Cellier des Princes.« Cette année, je ne me suis pas trop embêté, j’ai suivi les conseils de la chambre d’agriculture. C’est bien tombé, avec la pression mildiou qui a été d’entrée très forte. Ces grosses pluies tardives qui arrivent plus tôt, normalement, ont fait des dégâts cette année. Ça a été catastrophique dans la région pour le blé aussi. Toute la plaine de Bédarrides est sinistrée en céréales. Pour mes vignes, j’ai donc suivi le conseil de commencer à traiter fin avril, dès les premières feuilles. Sinon j’aurais attaqué les tours le 15 mai comme les autres. J’ai utilisé des produits systémiques qui pénètrent dans toute la plante. Normalement le mildiou commence à attaquer les feuilles avant les grappes. Mais cette année, il a attaqué directement les grappes. Donc ceux qui ont traité avec des produits efficaces uniquement sur feuillage ont tout perdu, comme mes voisins. Ils n’ont même pas vendangé leurs grenaches et carignans. Ensuite, j’ai resserré les tours en passant avec la sulfateuse, tous les sept jours au lieu des quatorze jours pour lesquels le produit est homologué. Le conseil, c’était surtout de traiter avant les fortes pluies. En mai, il y a eu trois week-ends compliqués, où j’ai dû aller traiter les dimanches matins. Au final, j’ai eu zéro mildiou sur mes grenaches. En rendement, c’est une très bonne année pour moi, comme en 2016. »Propos recueillis par Cécile Poulain