Accès au contenu
VITICULTURE

Désherbage en vigne : l’explosion du coût du GNR rebat les cartes

Face à la flambée du prix du gazole non routier (GNR), Didier Bongard, viticulteur à Tulette a choisi de jouer la sécurité. Cette année, il limitera le désherbage mécanique, trop gourmand en carburant.

Désherbage en vigne : l’explosion du coût du GNR rebat les cartes
Didier Bongard est trésorier de la cuma de l’Abbaye. « Dans une période comme celle qu’on traverse, les cuma sont une bonne alternative pour réduire les coûts. Elles sont aussi de véritables espaces d’entraide dans les moments difficiles », affirme-t-il. © AD26

« Avant les vendanges, j’ai payé le GNR autour de 62 centimes le litre. Celui que j’ai rentré début février était à 1,08 euro et depuis il a continué de grimper », détaille Didier Bongard, viticulteur à Tulette et trésorier de la fédération des cuma de la Drôme. Installé en 1986, il exploite 40 hectares de vignes (34 en côtes-du-rhône et 6 en IGP). Toute sa production est livrée à la cave coopérative de Tulette.

Face à la flambée des cours du GNR, il vient de revoir sa stratégie de désherbage pour 2022. « J’avais prévu un désherbage exclusivement mécanique, partout où c’était possible, et du chimique uniquement sur les vieilles vignes recépées où le binage intercep est compliqué », explique-t-il. Equipé de deux tracteurs, il comptait mener ces chantiers avec son propre matériel de travail du sol et le combiné griffon-bineuse acheté il y a deux ans par la cuma de l’Abbaye (35 adhérents sur deux communes). « En ce qui me concerne, je ne m’étais pas posé la question de combien j’allais consommer en plus de GNR avec le désherbage mécanique puisque mon objectif était avant tout d’utiliser moins de glyphosate », poursuit-il.

« J’ai perdu 70 % de ma récolte en 2021 »

Mais le prix du carburant a finalement rebattu les cartes. Didier Bongard estime que son tracteur consomme 6 litres de GNR par heure pour du désherbage mécanique, contre 2,5 pour un désherbage chimique, sachant que le temps passé est beaucoup plus important en mécanique. Il va donc jouer la sécurité avec une stratégie chimique, « à très petite dose, fractionnée et raisonnée », précise-t-il. Il vient de réaliser un premier passage de glyphosate sur l’ensemble du vignoble. Début avril, il prévoit un anti-germinatif pour limiter les repousses. Il n’exclue par un désherbage mécanique en juin-juillet si nécessaire.

Didier Bongard insiste : ce choix se fait aussi dans un contexte bien particulier. « J’ai perdu 70 % de ma récolte l’année dernière à cause du gel. Pour l’instant, je n’ai touché que les indemnités de l’assurance mais aucune des autres mesures qui nous étaient annoncées », déplore-t-il. D’un point de vue financier, la situation est donc difficilement tenable, d’autant qu’il ne voit pas de signal d’une reprise des cours du vin. « Sur les récoltes 2020 et 2021, nous avons perdu 10 à 15 cts par litre en côtes-du-rhône. En 2022, nous pourrions encore perdre 4 ou 5 cts. Il est clair que nous vivons une situation inédite, nous n’avons aucune visibilité. On produit de moins en moins de vin, dans les Côtes-du-Rhône comme à l’échelle mondiale. Et pourtant cela ne booste pas le marché. Le Covid a laissé des traces, des gens y ont laissé des plumes, certains gagnent moins. Le vin, produit plaisir, pâtit de la situation », estime Didier Bongard. Dans un contexte d'accumulation de crises (sanitaire, gel, guerre...) qu’il n’avait encore jamais connu en 36 ans d’activité, il conclut : « J’ai choisi de sécuriser la conduite de mes vignes cette année pour éviter une explosion des coûts. »

Sophie Sabot