Deux fruits, un noyau dur

Annoncée depuis plusieurs mois, la fusion entre les Associations d'organisations de producteurs (AOP) pêche-nectarine et abricot de France est devenue effective le 28 avril dernier. Bruno Darnaud, à la tête du GIE Les Vergers de l'Hermitage (Drôme), en prend la présidence. Par souci d'équilibre, il est épaulé par deux vice-présidents « issus » de l'abricot : Stéphane Durand et Vincent Faugier (directeur général Fruits Union à Loriol). Ils ont été élus pour un an. « C'est une logique d'hommes, affirme le président de la toute nouvelle AOP, beaucoup d'arboriculteurs cultivent les deux fruits. » Une logique qui s'applique aussi aux distributeurs (GMS, importateurs...) qui présentent côte à côte les deux fruits emblématiques de l'été sur les étalages et qui négocient les achats conjointement auprès des entreprises.
« Cette AOP nous permettra de mettre en commun des moyens de promotion », renchérit le président, mais il faudra attendre 2016. Pour cette année, les budgets et les stratégies étaient déjà engagés. » D'ailleurs, la SIPMM abricot (section interprofessionnelle de première mise en marché) conservera pour l'instant ses prérogatives en la matière précise pour sa part Vincent Faugier. De façon plus pragmatique, la fusion entre les deux AOP limitera un peu les charges de fonctionnement et le temps passé (une seule assemblée générale, un seul bilan comptable, etc.)
Les clignotants au vert pour 2015
Sur le terrain maintenant, à l'aube d'une nouvelle campagne, les professionnels se montrent résolument optimistes. La production s'annonce globalement satisfaisante, tant au niveau quantitatif que qualitatif. « Les clignotants sont au vert. Il n'y pas eu d'incident climatique majeur en Europe cette année, à part la Grèce, signale Bruno Darnaud. Et si la récolte devrait être un peu inférieure à celle de l'an passé, il n'y aura pas de manque « de 80 à 100 % d'une année normale. » Elle sera par ailleurs moins précoce qu'en 2014, huit à neuf jours de retard. « C'est finalement un retour à un calendrier normal. Et l'entrée du marché sera du coup moins stressante. Maintenant, il faut espérer que la météo estivale soit clémente, sans trop de pluie... », souligne le président de l'AOP, en souvenir de l'été 2014, particulièrement humide.
Outre ces incertitudes climatiques qui font partie du métier, les interrogations portent plutôt sur les cours. La pêche voit son marché national très concurrencé par l'Espagne (environ 30 % des volumes.) « Quels prix seront prêts à mettre les distributeurs pour la pêche française ? s'inquiète Bruno Darnaud, craignant que le cours espagnol tire le marché vers le bas. La différence du prix de revient dans les vergers est énorme, presque du simple au double, assure-t-il. Le marché se situe plutôt à 1,50 euro/kg en France, quand les Espagnols sont à 80 ou 90 centimes. »
Par ailleurs, l'Hexagone est peu présent sur le marché des pêches plates, presque 10 % des rayons aujourd'hui, alors que les voisins ont planté à tour de bras « mais sur cette variété, le rendement est moindre et ils peinent à la valoriser ».
Moins de pression espagnole
L'abricot quant à lui subit moins la pression espagnole, même si ces derniers ont beaucoup planté et devraient dépasser l'Italie prochainement en volume de production. Très innovant en recherches variétales, les producteurs français bénéficient d'un marché relativement dynamique et porteur.
La récolte européenne 2015 est estimée à 510 000 tonnes dont 166 000 en France, soit un recul de 4 % Pour Vincent Faugier, cette perte pourrait atteindre 10 à 15 % selon les variétés et les régions. Si 2014 a été marquée par un record de production, « cette année dans le sud du pays, Roussillon et Gard-Crau, la floraison s'est mal passée sur certaines variétés qui enregistreront de fait un déficit de production. Dans notre région vallée du Rhône et Baronnies en revanche, nos principales variétés se comportent mieux. »
Les professionnels seront attentifs aux menace sanitaires. La sharka a reculé mais elle fait encore des dégâts dans certains secteurs. La drosophila suzukii, ravageur émlergent, est pour l'instant assez discrète sur ce fruit mais la vigilance est de mise.
L'abricot a des envies d'ailleurs
Devenu un nouveau poids lourd des fruits à noyaux, l'abricot se montre très ambitieux sur le marché mondial où sont exportés une partie de ses volumes. « Nous produisons des variétés capables de voyager loin alors pourquoi ne pas développer nos marchés ? Nous avons approché le Moyen-Orient, l'Europe de l'Est, l'Amérique Les possibilités sont réelles. La pomme et le kiwi l'ont fait, pourquoi pas nous ? s'interroge Vincent Faugier. Plus nous exporterons, plus la pression baissera sur le marché intérieur avec une meilleure rémunération pour les producteurs à la clé. » Le vice-président voit même des opportunités de vente en Europe du sud. « Les Espagnols progressent sur des variétés précoces. Inversement, nous exportons là-bas des variétés tardives. C'est la même chose en Italie. Ces deux pays sont des gros consommateurs donc aussi des marchés à conquérir. »
D. B.