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Elevage

Devoir produire toujours plus pour s'en sortir

L'élevage bovins viande de Florent et Rémy Jallifier, à Vassieux-en-Vercors, a constitué la deuxième étape de la tournée organisée par la FDSEA en présence du préfet de la Drôme. Là encore, ont été évoqués des prix insuffisamment rémunérateurs.
Devoir produire toujours plus pour s'en sortir

Après le Royans, la délégation conduite par Didier Beynet, président de la FDSEA de la Drôme, s'est rendue dans le Vercors, en compagnie notamment du préfet Eric Spitz et du sous-préfet de Die Clara Thomas. Plus exactement à Vassieux, commune qui compte quatorze exploitations agricoles, a indiqué son maire. La visite s'est déroulée au Gaec Floremy. Naisseurs engraisseurs, Florent et Rémy Jallifier élèvent 55 vaches mères limousines. Les animaux sont inscrits au herd-book, ce qui leur permet de vendre quelques mâles reproducteurs. Leur activité principale reste la vente de taurillons et de vaches de réforme à un maquignon, de génisses à un boucher local. Le Gaec dispose de 220 hectares dont la quasi-totalité sont des prairies, landes et parcours. « Avec la baisse des prix, nos coûts de production ne sont pas couverts, a expliqué Florent Jallifier. C'est un modèle qui perdure depuis plus de vingt ans. Nous sommes contraints à devoir produire toujours plus. C'est un cercle vicieux. » Pour compléter leur revenu, les deux frères exercent une activité de bucheronnage, en prestation pour des scieries. S'ajoute la vente de foin (100 à 150 tonnes par an).

Jusqu'à 300 euros de perte par bête

« Nous sommes contraints à devoir produire toujours plus, c'est un cercle vicieux », constatent Florent et Rémy Jallifier, qui gardent le sourire malgré tout.

Aujourd'hui, Florent et Rémy Jallifier voudraient augmenter leur cheptel pour atteindre 80 mères. Mais le coût de l'investissement, estimé à 160 000 euros, est trop élevé. « Nous subissons 300 euros de perte par vache de réforme et au minimun 100 par taurillon, ont-ils expliqué. En génisse, le prix est satisfaisant. »
Céline Ferlay, vice-présidente de la FDSEA, a évoqué la conjoncture de la filière viande bovine, un secteur avec des prix en baisse pour les producteurs du fait de l'afflux de viande d'importation et d'une moindre consommation en France. Dans la Drôme, sont recensés 46 élevages de veaux de boucherie et quelque 400 exploitations de gros bovins. Avec 27 vaches par troupeau, la taille moyenne des élevages est modeste. Certaines démarches de qualité - comme l'AOP « veaux de Rhône-Alpes » - ont été évoquées. « La filière viande drômoise essaie de se démarquer, elle n'est cependant pas suffisamment reconnue par les distributeurs », a-t-elle fait remarquer. En termes d'enjeux, l'essentiel demeure la prise en compte des coûts de production dans la fixation des prix payés aux producteurs. Mais aussi la spécialisation des élevages avec des races à viande pure et l'évolution des conduites d'élevage pour assurer une meilleure productivité.

Un scénario redouté

Mais la crise laitière pourrait accroître les difficultés. « Une bonne partie de la viande provient des vaches de réforme, a expliqué Jean-Pierre Royannez, vice-président de la chambre d'agriculture. Avec un prix du lait trop bas, la décapitalisation des élevages laitiers pourrait s'accentuer, ce qui augmenterait les volumes de viande sur le marché et tirerait encore plus les prix vers le bas. » C'est le scénario aujourd'hui redouté.
Du lait, il en a été question avec Gérald Idelon, éleveur à Saint-Martin-en-Vercors (50 vaches laitières, en bio depuis 2010). « Ce qui nous sort la tête de l'eau aujourd'hui, c'est le bio, a-t-il confié. Mais rien n'est acquis. Tout va très vite. Le risque de surproduction n'est pas à écarter. Aujourd'hui, on vit presque sur du virtuel, sans aucune visibilité. » Il projette de créer un Gaec avec sa fille, Anaïs, tout juste diplômée (BTS Acse*). Mais le coût de l'investissement (330 000 euros hors subventions) les freinent.
« Le monde agricole ne se plaint pas de faire des heures, ni d'aller à la banque pour investir, a assuré Jean-Pierre Royannez. Mais à la condition que les revenus soient dignes. »

Christophe Ledoux

* Acse : analyse, conduite et stratégie de l'entreprise agricole.