Dispositifs anti-gel : quelle efficacité, quelles limites ?

Les bougies et chaufferettes
La méthode est efficace et elle a permis a Jean-Philippe Banc, arboriculteur à Larnage (26), de protéger ses vergers d'abricots en rive gauche du Rhône lors du gel de la fin mars : « Nous avons déployé une bougie par arbre, soit 400 bougies / ha. Cela s'est avéré très efficace puisque nous avons eu à éclaircir 100 % des arbres par la suite ». Selon lui, l'efficacité des bougies peut être augmentée sous filets paragrêle, comme il en a fait l'expérience sur une partie de son verger. « La meilleure protection est de coupler une éolienne avec une ceinture de bougies tout autour de la parcelle. »
L'inconvénient : « Outre le coût, la mise en place des bougies exige une main-d'œuvre mobilisable rapidement ». Il convient en effet de ne pas perdre de temps dans l'allumage, au risque de perdre une partie de la récolte. Jérôme Maisonnas, arboriculteur à Colombier-le-Vieux (07) témoigne : « J'ai recouvert 12 ha de vergers en bougies ; sur la moitié de la surface, couverte plus tôt, j'ai pu sauver entre 50 et 100 % de la récolte. Mais sur le reste, l'allumage a sans doute été trop tardif : la récolte est perdue. »
Coût : environ 8 € /pièce et 400 bougies / ha (pour 8 h) + coûts de main-d'œuvre.
Éoliennes et tours à vent
Arboriculteur à Vion (07), Vincent Entressangle fait partie d’un réseau d’irrigation agricole qui gère également deux éoliennes. « Elles fonctionnent avec un moteur diesel et protègent des îlots de 4 ha environ. Chaque agriculteur cotise en fonction de sa surface, 1,5 ha pour moi », indique-t-il. Le dispositif est simple à activer et a été très efficace lors des nuits de gel de ce printemps. « J’ai sauvé trois quarts de ma récolte en Bergeron et j’ai dû éclaircir les arbres en variété Lady cot. Et de souligner : On observe une différence de réaction au gel suivant le stade végétatif des différentes variétés. »
L’inconvénient : l’éolienne est inefficace en cas de vent supérieur à 10 km/h (8 km/h pour les tours mobiles) et contre les gels radiatifs ou gelées noires.
Coût : environ 40 000 € pour 5 ha + 250 €/ha de frais de fonctionnement. Il existe également des modèles pliables (47 000 €) et des éoliennes mobiles (30 000 € pour 3 ha + 100 €/ ha en fonctionnement).
L’arrosage par aspersion et micro-aspersion
Arboriculteur à Aubenas (07), Robert Constant fait partie de l’association syndicale autorisée (Asa) d’arrosage. Le réseau d’eau est utilisé pour irriguer mais aussi protéger environ 7 ha en cas de gel. « Lors du dernier épisode de gel, j’ai arrosé par aspersion sous et sur frondaison et cela a très bien fonctionné, avec quasiment aucune perte, explique Robert Constant. En revanche, sur la parcelle d’un ha que je n’ai pas arrosée, je n’ai aucune pêche ! » L’arrosage fonctionne et est efficace en principe pour tous types de gel.
L’inconvénient : le colmatage du filtre, en micro-aspersion, est un risque et Robert Constant en a fait l’expérience. « Sur 4 ha de kiwis protégés par micro-aspersion, 0,5 ont été complètement gelés suite au colmatage du filtre. C’est pourquoi l’aspersion, à 40 m3 de débit, est plus efficace. La buse est plus grosse et il y a moins de risque de colmatage. La surface protégée est toutefois moins importante. » Pour éviter ce risque, certains constructeurs (Netafim) proposent des systèmes résistants au colmatage avec auto-nettoyage par pression différentielle et buses plus larges.
Coût : 1 000 €/ha en moyenne + frais de fonctionnement.
Le Frostguard, un souffleur fixe au sol
Le concept est similaire à celui du Frostbuster mais nul besoin ici de passer dans les parcelles avec le tracteur : il s’agit d’un équipement fixe. Il convient pour les petits vergers et peut être utilisé dans certains vignobles et cultures basses.
Stéphane Leyronas, arboriculteur à Saint-Étienne-de-Fontbellon (07), vient tout juste de s’équiper d’un Frostguard (modèle B20). « Il s’agit d’un brûleur à gaz et d’un ventilateur conduits par un moteur qui fonctionne à l’aide de six à huit bouteilles de propane et envoie ainsi de l’air chaud dans la parcelle. Il peut ainsi protéger la végétation du givre dans un rayon jusqu’à 700 m. »
La machine pivote en permanence à 360 °C pour un passage sur les arbres toutes les 7 à 10 min. « Elle a très bien fonctionné pour la gelée blanche de début avril. Je n’ai eu aucune chute de fruits là où il était positionné », souligne Stéphane Leyronas.
L’inconvénient : la surface protégée est limitée (700 m). Stéphane Leyronas complète d’ailleurs ce dispositif par des bougies et de l’arrosage par aspersion. Certains exploitants se dotent de deux ou plusieurs Frostguard pour protéger une surface plus large.
Le coût : « 8 600 € HT, indique Stéphane Leyronas. J’ai pu bénéficier d’aides de la Région à hauteur d’environ 60 %. Mais il faut aussi compter les bouteilles de propane (75 € l’unité) qui alimentent le brûleur. »
Le Frostbuster à gaz adaptable sur tracteur
Ils sont quelques uns, en Ardèche, à utiliser un Frostbuster (Agrofrost). Pierre Desbos, arboriculteur à Saint-Victor, en est équipé. De quoi s’agit-t-il ? « C’est une chaudière alimentée par six bouteilles de gaz, montée sur tracteur, qui propulse de l’air entre 30 et 50 m et peut couvrir entre 450 et 600 m2 de surface. » Le ventilateur est entraîné par la prise de force du tracteur et le brûleur à gaz chauffe l’air jusqu’à 85 °C, soufflé entre les arbres à travers deux sorties de chaque côté du tracteur. Il existe plusieurs modèles de Frostbuster adaptables sur tracteur.
Pierre Desbos a utilisé cet équipement lors du gel d’avril dernier et il en est plutôt satisfait : « Sur les 3,5 ha où je suis passé, il y a des fruits, alors qu’ailleurs, il n’y a plus grand chose. C’est donc plutôt efficace pour ce type de gel blanc. En termes de coûts / bénéfices, c’est l’un des dispositifs les plus avantageux, même s’il faut acheter des bouteilles de gaz. C’est toutefois moins cher que les bougies. »
L’inconvénient : « Il faut un homme en permanence et toute la nuit pour passer et repasser dans les rangs avec le tracteur. Le Frostbuster a aussi ses limites, notamment en contexte de gel noir avec des courants d’air froid et sur des espaces très ventilés. »
Le coût : minimum 7 000 € + bouteilles de gaz (300 €/ha).
Dossier réalisé par Mylène Coste
INNOVATION / Créé par l’entreprise hongroise Dolina SARL, le « Dragon de Brouillard » combat le gel au moyen d’une chaudière à biomasse.
Dragon de brouillard : une botte de paille pour carburant !
Producteur de pommes bio en Haute-Vienne, à 25 km au sud de Limoges, Pascal Babadou est habitué des gels de printemps. « Jusqu’ici, mon seul équipement anti-gel était l’aspersion mais je ne peux pas irriguer toutes mes parcelles. Or, certaines sont très gélives et je perds chaque année entre 10 et 20 t de fruits à cause du gel. » C’est pourquoi, à l’automne dernier, Pascal Babadou a investi dans une machine « Dragon de brouillard » (Fog Dragon), mise sur pied par une entreprise hongroise. « J’ai contacté un arboriculteur des Vosges qui s’en était équipé ainsi que la chambre d’agriculture d’Alsace, qui avait organisé une démonstration. Cela m’a décidé. »
Le principe ? « C’est un système de chaudière biomasse. Le carburant, c’est une boule de foin. La machine permet de récupérer la fumée de la combustion, qui est enrichie avec de l’eau. » Le Dragon, tracté à l’arrière du tracteur, produit ainsi un brouillard chaud (65 °C) qu’il pulvérise dans le verger de chaque côté.
Pascal Babadou a utilisé son Dragon quatre fois depuis son acquisiton, pour des gelées matinales de printemps entre - 2,5 et - 3,2 °C. « Ca a sauvé ma récolte ! Avec une boule de foin bien serrée, on peut facilement tenir 3 à 4 heures. »
Il poursuit : « Le plus contraignant est d’avoir à repasser dans les rangs tous les quarts d’heure ; pour ma part, tous les 6 rangs (4 m de rang) soit tous les 25 m, à 8-10 km /h. Quoi qu’il en soit, c’est très simple à mettre en route, pour peu qu’on ait un stock de foin ; l’allumage de la botte est immédiat et le système de ventilation fonctionne très bien. Je ne l’ai cependant pas testé sur des périodes de gel plus longues ou sur gelée noire. »
La machine permet selon lui de protéger 4 ha (10 selon le constructeur).
Et le prix ?
« Il faut compter 14 000 € + le coût de transport, soit pour moi 1 700 €. Soit environ 15 t de pommes en bio ! », indique Pascal Babaudou. A cela s’ajoute les coûts de fourrages pour
entretenir la chaudière. M. C.