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Expérimentation

« Diversifier les pollinisateurs augmente les rendements »

Pollinisation des cultures et régulation biologique des ravageurs étaient les thèmes choisis par la plateforme Tab pour sa journée d'échanges au cours de laquelle est intervenu Bernard Vaissière, chercheur à l'Inra.
« Diversifier les pollinisateurs augmente les rendements »

Située sur la ferme expérimentale d'Etoile-sur-Rhône, la plateforme des techniques alternatives et biologiques (Tab) teste en grandeur nature des systèmes agronomiques innovants. « L'objectif est d'expérimenter des systèmes à bas intrants, d'en mesurer la rentabilité et les performances, de produire des références technico-économiques, a rappelé Frédéric Lérat, membre du bureau de la chambre d'agriculture de la Drôme, en ouvrant le 10 février à Etoile-sur-Rhône la journée d'échanges de la plateforme Tab. Ce jour-là, outre le rendu des résultats des multiples essais, deux thèmes ont été mis en avant. D'une part, la pollinisation des cultures ; d'autre part la régulation biologique des ravageurs.

« Des pollinisateurs exceptionnels »

« Il n'existe pas d'insectes pollinisateurs idéals pour toutes les cultures en toutes situations, a fait remarquer Bernard Vaissière, grand spécialiste des abeilles à l'Inra. Une bonne diversité d'insectes pollinisateurs augmente les rendements des cultures. »
© journal L'Agriculture Drômoise « Les principaux insectes pollinisateurs sont les coléoptères, les papillons de jour et de nuit, les mouches (notamment les syrphes) et bien sûr les abeilles », a expliqué Bernard Vaissière en débutant son exposé. Chercheur au laboratoire de pollinisation entomophile à l'Inra d'Avignon, il qualifie les abeilles de « pollinisateurs exceptionnels » grâce à leur morphologie. La présence de poils branchus sur leur corps permet de fixer et transporter de grandes quantités de pollen, lequel reste viable plusieurs heures (contre quelques minutes chez la fourmi). De plus, les abeilles sont fidèles à une espèce végétale et peuvent déposer des quantités considérables de pollen sur les stigmates, ce qui favorise la fécondation des fleurs. « Il n'y a rien de magique dans le travail des abeilles, a fait remarquer le chercheur. On peut très bien polliniser un hectare de colza à la main. Cela prendra juste beaucoup plus de temps. »

Mille espèces d'abeilles en France

Agriculteurs, techniciens, ingénieurs et partenaires de la plateforme Tab ont participé en nombre à la journée d'échanges.

Cinquante-sept espèces cultivées sont très dépendantes des abeilles. Ces dernières jouent un rôle dans la sélection gamétique. En arboriculture fruitière, leur travail permet la fécondation des fleurs mais il impacte aussi la taille et la forme des fruits, voire leur conservation (en pomme notamment). En tournesol, les abeilles contribuent à améliorer la précocité de la culture et la teneur en huile des graines. En fraise et melon, c'est sur la taille des fruits qu'elles ont le plus d'effets. En cultures porte-graines, leur rôle est essentiel dans l'accroissement des facultés germinatives des semences. « Sans abeilles, on perd deux tiers du rendement en oignons », a indiqué Bernard Vaissière, citant une étude menée avec la Fnams(1).
En France, pas moins de mille espèces d'abeilles sont dénombrées (20 000 dans le monde). En dehors de l'abeille dite domestique (apis mellifera), toutes les autres sont sauvages et, pour la plupart, solitaires. En agriculture, plusieurs espèces sont utiles. Bernard Vaissière a cité apis mellifera, bien sûr, mais aussi le bourdon terrestre (bombus terrestris). Deux millions de colonies sont élevés chaque année en France, notamment pour polliniser les cultures de tomates sous serre. L'abeille charpentière (xylocope) pollinise très bien les sauges. « Et l'osmie cornue est très efficace en arboriculture », a fait remarquer le chercheur.

Favoriser la présence d'abeilles sauvages

Une étude a montré que la présence d'abeilles sauvages améliore l'efficacité des abeilles domestiques. Aussi, plutôt que de saturer une culture d'apis mellifera, « mieux vaut favoriser la présence d'abeilles sauvages pour obtenir davantage de fructification, a souligné Bernard Vaissière. Une bonne diversité d'insectes pollinisateurs augmente les rendements des cultures », a-t-il ajouté. Ce que confirme une étude conduite sous l'égide de la FAO(2) dans douze pays et sur trente-trois systèmes de cultures entomophiles. Les résultats, publiés l'an dernier dans la revue Science, montrent que les variations de rendements (en moyenne de 30 %) tiennent pour l'essentiel à une équation à trois variables : la densité des insectes pollinisateurs présents, la diversité de leurs populations et la taille des parcelles cultivées. Plus ces dernières sont petites, plus elles bénéficient de la présence alentours d'aires naturelles ou semi-naturelles accentuant la présence de pollinisateurs sauvages.
« On a donc tout intérêt à avoir des abeilles sauvages dans les cultures », a souligné Bernard Vaissière. Pour en favoriser la présence, « il suffit de laisser en friche quelques espaces afin d'apporter de la diversité dans les espèces végétales, de laisser les bords de route à l'état naturel, de traiter le soir pour limiter l'effet nocif des pesticides sur les abeilles », a-t-il suggéré. Quant à s'approvisionner en osmies, par exemple, attention à bien choisir son fournisseur.

Christophe Ledoux

(1) Fnams : fédération nationale des agriculteurs multiplicateurs de semences.
(2) FAO : organisation des Nations unies pour l'alimentation et l'agriculture.

 

Contrôle des ravageurs / Un atelier était consacré à la connaissance des insectes auxiliaires des cultures et aux moyens de faciliter leur présence.

Favoriser la présence des insectes auxiliaires

« Laissez faire et ne pas vouloir tout faire autour, entre ou dans une culture », tel est le message délivré par Hugues Mouret, naturaliste et directeur de l'association Arthropologia. Créée en 2001 et basée à La Tour-de-Salvagny dans le Rhône, cette structure mène des actions en faveur des insectes et de leurs relations avec les plantes. A Etoile-sur-Rhône, lors de la journée d'échanges de la plateforme Tab, Hugues Mouret est venu avec plusieurs boîtes d'insectes utiles à l'agriculture. « Nous avons en France 1 000 espèces d'abeilles, 400 d'oiseaux, 1 500 de carabes, 1 750 de papillons (dont 1 500 de nuit) », a-t-il expliqué. Des insectes utiles pour la pollinisation des cultures (abeilles, mouches...), la destruction de ravageurs (carabes, coccinelles...) ou encore la fertilité des sols (cétoines et bousiers).
Réfléchir au cas par cas
Pour favoriser la présence de ces auxiliaires de cultures, Hugues Mouret conseille de réfléchir au cas par cas sur les exploitations. « Il convient de définir des espaces les moins gênants pour installer une mare, un bosquet, a-t-il expliqué. L'installation d'éléments semi-naturels fixes permet le retour d'une biodiversité suffisamment abondante. » La mise en place d'infrastructures agro-environnementales (IAE) peut se faire dans le cadre des MAE*. Ce qui n'est pas toujours simple lorsque le parcellaire d'une exploitation est morcelé. Hugues Mouret a aussi évoqué les nichoirs à abeilles sauvages, la plantation de haies « avec des espèces indigènes ou en laissant faire la nature pour obtenir une lisière ».
* MAE : mesure agro-environnementale.

 

 

 

A l'occasion de sa journée d'échanges, la plateforme Tab a présenté, sous forme d'ateliers, les derniers résultats de ses expérimentations de plein champ sur les systèmes assolés (conventionnel à faible intrants, bio irrigué, bio pluvial), le système agroforestier biologique, les aménagements et suivis de la biodiversité ainsi que les essais sur le comportement de variétés de pêchers et d'abricotiers. D'autres ateliers ont porté sur la production de semences en bio, la maîtrise des ravageurs en grandes cultures, la régulation des rongeurs et insectes par les oiseaux. « L'ensemble des résultats seront présentés lors du prochain salon Tech&Bio », a indiqué Laurie Castel, coordinatrice de la plateforme Tab. L'évènement se déroulera les 20 et 21 septembre au lycée agricole du Valentin, à Bourg-lès-Valence.

A l'occasion de sa journée d'échanges, la plateforme Tab a présenté, sous forme d'ateliers, les derniers résultats de ses expérimentations de plein champ sur les systèmes assolés (conventionnel à faible intrants, bio irrigué, bio pluvial), le système agroforestier biologique, les aménagements et suivis de la biodiversité ainsi que les essais sur le comportement de variétés de pêchers et d'abricotiers. D'autres ateliers ont porté sur la production de semences en bio, la maîtrise des ravageurs en grandes cultures, la régulation des rongeurs et insectes par les oiseaux. « L'ensemble des résultats seront présentés lors du prochain salon Tech&Bio », a indiqué Laurie Castel, coordinatrice de la plateforme Tab. L'évènement se déroulera les 20 et 21 septembre au lycée agricole du Valentin, à Bourg-lès-Valence.