Domaine de Grangeneuve : gagner en qualité et séduire les marchés

L'histoire du domaine de Grangeneuve, situé à Roussas, débute dans les années 1970, quand un groupe de copains vignerons venus de l'autre côté de la Méditerranée décident de défricher les bois et de planter de la vigne. Le terroir est par ailleurs hautement qualitatif. Bref, voilà les débuts de l'appellation Coteaux du Tricastin. Parmi la bande figurait un certain Henri Bour... Aujourd'hui, le domaine est géré par son fils, baptisé lui aussi Henri Bour, et sa petite-fille Nathalie, la troisième génération.
Le défi de la qualité
Le domaine familial produit des vins de l'appellation Grignan-les-Adhémar (rouge, blanc, rosé), ainsi que des vins de pays (IGP Méditerranée, IGP Drôme). Pour ce faire, il vinifie 110 hectares (ha) de vignes (dont 85 en propriété). Les volumes peuvent varier selon les années (- 45 % en 2017). Toutefois, l'entreprise peut compter sur 4 000 à 4 500 hectolitres lors d'une récolte normale. Des vins qui sont écoulés en France (particuliers, restauration, cavistes indépendants). « Nous sommes sur une stratégie très qualitative, la production est limitée », précise Henri Bour (fils). Près de 45 % des ventes se réalisent aussi à l'export, et notamment en Allemagne, en Chine ainsi qu'en Hollande. « Historiquement, nous travaillons toujours avec la Suisse, la Belgique, le Danemark, les États-Unis ou encore le Canada. La Chine est assez récente, depuis trois ans seulement. Mais cela a pris énormément d'importance. Dans les petites entreprises, l'export se fait souvent au fil des prospections et des rencontres. Là, nous avons trouvé un importateur qui a eu un coup de cœur pour notre vin », raconte-t-il encore.
Pour autant, le vigneron ne s'assoit par sur ses acquis et veut continuer à gagner en qualité. Depuis plusieurs années, il a ainsi choisi de renouveler le vignoble. Il faut dire que les premières vignes avaient été plantées sans connaître le sol ou encore le potentiel des terroirs associés aux cépages. L'occasion, aussi, de coller aux goûts des consommateurs. Et, pourquoi pas, redynamiser les ventes et pénétrer de nouveaux marchés... Du vermentino, du marselan - pour doper les rouges d'entrées de gamme - ou encore du mourvèdre ont ainsi été plantés. Tout comme du viognier, de la marsanne et de la roussanne afin d'être davantage présent sur le blanc. Onze hectares sont pour l'heure concernés.
Conquérir les jeunes
Un renouvellement qui a un coût : près de 20 000 euros l'ha. Mais ce n'est pas le seul investissement réalisé. Le domaine a en effet construit un nouveau bâtiment de 800 m2 et s'est équipé de nouveaux outils. Montant : 1,3 million d'euros HT. « En 1974, mon père ne pensait pas faire du vin premium et en bouteille. Il voulait faire du bon vin en déléguant au négoce l'assemblage et l'élevage. La cave historique était en béton et prévue pour du rouge », raconte Henri Bour. Pendant vingt ans, le vigneron modifiera néanmoins ce qu'il pourra.
Parmi les nouveaux équipements, on trouve par exemple des cuves inox pour le rosé et le blanc, avec des ceintures de froid. De petites cuves ont également été installées afin de faire du parcellaire. « Nous avons aussi des cuves qui vont nous permettre de faire du pigeage », note-t-il. Un cellier permettra par ailleurs d'élever des vins 100 % viognier en barrique... Des outils qui vont permettre au domaine familial d'avancer dans des conditions optimales, voire même de séduire de nouveaux publics. C'est en tout cas l'objectif visé avec les blancs et rosés. « C'est la porte d'entrée de la consommation des jeunes. Ils ont au départ du mal avec les tanins des rouges. Le vin redevient à la mode. Qui aurait dit qu'il y aurait dix bars à vin sur Montélimar en 2018 ? », affirme-t-il encore. Ces vins sont également indispensables lors des salons professionnels. « C'est très important de présenter au minimum un blanc dans sa gamme pour retenir l'attention des prospects », note-t-il.
Aurélien Tournier
GRIGNAN-LES-ADHEMAR / Pendant 18 ans, Henri Bour (fils) a été le président de l’AOC. Une fonction qu’il a laissé en 2015. Il revient pour nous sur l’évolution de l’appellation.
« C’est franchement une réussite »
En 1995, Henri Bour devenait le président de l’appellation Coteaux du Tricastin. « Lors de mes premières années de présidence, j’ai voulu être le porte-drapeau d’une charte de qualité. J’avais aussi, déjà, de gros doutes sur la possibilité d’avancer avec le terme “Tricastin”. Mais nous étions peu nombreux à le penser. En 2008, il y a eu des incidents à répétition sur le site nucléaire. Nous ne voulions plus que cette image négative puisse être associée à nos vins. J’ai essayé de porter une refondation de l’appellation, avec un nouveau cahier des charges », explique le vigneron.Un regain d’intérêt, des prix dopésLe changement de nom interviendra en 2010. Sept ans plus tard, le verdict de l’ancien président est on ne peut plus clair. « Cela a été essentiel. Les vignerons sont aussi devenus solidaires, soucieux de proposer un produit de qualité. Nous avions également un budget pour la promotion. Bref, l’appellation a redémarré », poursuit Henri Bour. « Deux ans après, il y avait encore de gros doutes de la part de la presse spécialisée et du négoce. Mais quand ils ont vu que les vignerons tenaient parole et que les consommateurs semblaient accepter la démarche, ils se sont mis à s’y intéresser », commente-t-il aussi. L’image s’améliore alors davantage.Il y a sept ans, l’hectolitre valait 65 euros. Un prix qui a doublé depuis, pour atteindre les 130 euros. « Je reste confiant pour l’appellation. Les cours du vrac, même s’ils sont inférieurs au Côtes-du-Rhône, permettent de vivre. Tout ceux qui ont osé faire de la vente directe sont ravis. Grignan-les-Adhémar, c’est franchement une réussite. Et là, c’est plus que satisfaisant », conclut-il enfin. A. T.