Drosophila suzukii : une espèce sensible à l’odeur et au goût des fruits mûrs

Arrivée en Europe et aux États-Unis depuis l'Asie il y a une dizaine d'années, la mouche Drosophila suzukii est une espèce invasive, ravageur de nombreux fruits de culture, comme les fraises et les cerises, et contre laquelle aucune solution efficace n'est possible. À l'inverse de la plupart des autres espèces de drosophiles, qui pondent sur des fruits en putréfaction, Drosophila suzukii cible les fruits mûrs, accélérant ainsi leur décomposition. Des chercheurs de l'Institut de biologie du développement de Marseille (CNRS/AMU) et de la LMU Munich ont découvert qu'au fil des années, Drosophila suzukii est devenue plus sensible aux odeurs et aux goûts des fruits mûrs qu'à ceux des fruits fermentés, et capables de pondre dans des fruits relativement fermes. « C'est une des seules parmi les 3 000 drosophiles existantes qui est capable de pondre sur des substrats durs », explique Benjamin Prudhomme, directeur de recherche du CNRS à l'Institut de biologie du développement de Marseille.
Un organe de ponte plus grand
Son évolution à travers les siècles a rendu cette mouche beaucoup plus ravageuse. Les récepteurs olfactifs s'expriment via des neurones sensoriels présents sur ses antennes. En les inactivant, les chercheurs ont démontré que l'odeur de fruits frais stimulait la ponte des femelles, l'odeur de la fraise plus particulièrement. « Cela pourrait aussi être le cas pour la cerise et la framboise », précise Benjamin Prudhomme. Autre point ciblé par les scientifiques : la perception du goût. L'organe de succion, le proboscis, les pattes et les ailes de la Drosophila suzukii sont équipés de récepteurs gustatifs. « Le sucre pourrait avoir un rôle clé dans nos recherches. Plus le fruit est mûr plus il est riche en sucre et semble plaire à cette drosophile. Nous allons aussi étudier l'acidité des fruits et leur impact sur l'activité de la mouche », précise-t-il. L'Institut de biologie du développement de Marseille a également découvert que l'organe de ponte de cette espèce est plus grand que celui des autres drosophiles, au point de percer la peau du fruit. Les scientifiques tentent de comprendre pourquoi cette mouche est devenue aussi nuisible au fil des siècles, en essayant de trouver des points communs avec d'autres ravageurs comme la mouche de l'olivier ou la mouche méditerranéenne. « L'évolution s'est faite sur des millions d'années. On peut imaginer que ces espèces aient évolué de la même manière ». À ce jour, aucun produit phytosanitaire n'est efficace pour lutter contre la Drosophila suzukii. Après l'interdiction du diméthoate en France en 2016, aucune solution n'a encore été trouvée. « Aujourd'hui, plusieurs pièges existent mais aucun n'est vraiment sélectif ». Les scientifiques cherchent maintenant à déterminer la ou les molécule(s) qui active (nt) le comportement de ponte, un préalable nécessaire à la mise au point de leurres ou de molécules à même de bloquer la ponte.
Alison Pelotier