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Interview

Emilie Bonnivard : " Alléger les contraintes des agriculteurs "

Nommée le 4 janvier, la Mauriennaise Émilie Bonnivard est le nouveau visage de l'agriculture à la Région Auvergne Rhône-Alpes. L'ancienne attachée parlementaire du sénateur Michel Bouvard n'a pas tardé à prendre ses marques.
Emilie Bonnivard : " Alléger les contraintes des agriculteurs "

Votre nomination à la vice-présidence de l’agriculture a été une surprise. Qu’est-ce qui a conduit à ce choix ?
Émilie Bonnivard : « Laurent Wauquiez serait mieux placé que moi pour expliquer ce choix. Je lui avais fait part de mes différents centres d’intérêt. Je suis travailleuse, sérieuse et loyale. Le président a souhaité que le renouvellement des élus s’incarne aussi dans l’exécutif. J’apporte un regard neuf, une approche pragmatique, pour un exécutif riche d’une diversité de profils. Je connais bien le monde agricole et rural. Ma famille en est issue et je suis élue dans une commune agricole de montagne, Montaimont. »

Laurent Wauquiez a déclaré au congrès de la FNB qu’il s’occuperait personnellement d’agriculture. Comment réagissez-vous ?
Émilie Bonnivard : « C’est très bien. Il est le président. L’état de notre agriculture mérite un engagement fort de sa part. J’apprends, je trouve ma place. Mon seul objectif est que nous réussissions. Il y a du travail pour tout le monde, et son engagement personnel est un atout. Et puis, je vous l’avoue, je n’ai pas de problème d’ego ! »

Comment va s’organiser votre travail autour de la commission agricole ?
Émilie Bonnivard : « Jean-Pierre Vigier, élu de Haute-Loire, a été nommé à sa tête. Il est l’un des spécialistes des questions agricoles à l’Assemblée nationale. Nous avons une très bonne équipe composée à la fois d’élus agriculteurs mais aussi de spécialistes de la question comme Olivier Amrane, délégué à la ruralité, ou encore Alain Marleix qui apportera son expertise sur les affaires internationales et des accords agricoles. Nous nous sommes fixé une feuille de route pour le premier semestre avec une phase de diagnostic et de définition des actions à mettre en place. Emmanuel Ferrand s’occupera plus particulièrement de l’irrigation et de l’innovation, Raymond Vial de l’installation et de la forêt, Dominique Despras est délégué au bio et à la restauration collective, Caroline Bevillard travaillera sur les bâtiments d’élevage, Jérémy Thien aura en charge la viticulture et Claude Aurias est président de la commission des lycées, poste stratégique pour l’approvisionnement des cantines. »

L’installation du siège régional de la chambre d’agriculture à Lyon a fait débat. Quel regard portez-vous sur ce choix ?
Émilie Bonnivard :  « Bien sûr que le siège est un symbole fort. Personnellement, j’ai une approche grande région, Auvergne Rhône-Alpes. Je travaille en étroite collaboration avec Gilbert Guignand, le président de la chambre régionale. Mais notez que les services agricoles de la région restent bi-sites, Clermont-Ferrand et Lyon, ce qui nous permet de demeurer au plus près du terrain, de maintenir une présence territoriale forte. »

Laurent Wauquiez a fait de la consommation de produits locaux dans les cantines l’un de ses arguments de campagne ? Qu’en est-il ?
Émilie Bonnivard :  « L’objectif est d’atteindre 75 % d’approvisionnement local d’ici deux ans, en partenariat avec les rectorats et les intendants des lycées. Cet objectif est réaliste, il ne faut pas se mettre de barrière. Pour les appels d’offres, nous inclurons dans le cahier des charges des clauses sociales et environnementales. Nous avons aussi possibilité d’allotir. Les filières devront s’organiser pour assurer la régularité de l’approvisionnement. Certaines le sont déjà comme la viande, les produits laitiers ou les fruits. Des choses ont été mises en place par nos prédécesseurs mais il faut passer à la vitesse supérieure. Nous ne pouvons pas encore parler d’éventuel surcoût du prix des repas pour les familles. Mais il y a aussi moyen de faire des économies en luttant contre le gaspillage alimentaire par exemple. »

Plusieurs dispositifs d’aides ont été signés avant les élections et doivent courir encore plusieurs années. Vont-ils s’étendre à l’Auvergne ?
Émilie Bonnivard :  « Les deux anciennes Régions avaient des méthodes de travail différentes, chacune avec leurs avantages et leurs inconvénients. En Auvergne, la Région travaillait davantage par appel à projets. La méthode est plus simple mais à moins d’effet collectif. Rhône-Alpes travaillait beaucoup avec des contrats pluriannuels. L’effet levier collectif est intéressant, structurant mais ces contrats sont parfois trop compliqués et l’on a quelquefois des difficultés à saisir la valeur ajoutée pour les bénéficiaires finaux. On envisage de les simplifier, de se concentrer sur certains objectifs prioritaires en lien avec la profession. Nous devons créer une synergie. »

Certains engagements financiers pris par vos prédécesseurs peuvent-ils être dénoncés ?
Émilie Bonnivard :  « Il est possible de le faire. Nous sommes en train d’étudier certains dossiers qui intègrent parfois une multitude de structures. Dans certains cas, nous demandons aux signataires de revenir discuter avec nous pour redéfinir des objectifs communs, mutualiser, prioriser. Notre objectif est de simplifier le cadre d’intervention de la Région, de faire en sorte qu’elle bénéficie plus directement aux exploitations et que l’on soit en capacité de mesurer les résultats de nos choix au bénéfice des agriculteurs. C’est un travail de responsabilité. Mais au final, c’est du gagnant- gagnant. »

Deux PDR (programmes de dévelopement rural) sont en place, un en Auvergne, un en Rhône-Alpes sur la période 2014-2020. Sont-ils amenés à évoluer ?
Émilie Bonnivard : « La Région est autorité de gestion des deux PDR, Auvergne et Rhône-Alpes. Le premier objectif est de pouvoir travailler à court terme sur les grilles de sélection des mesures de ces deux programmes. Nous sommes contraints par le calendrier et la procédure de modification européenne. Nous travaillerons avec l’ensemble des partenaires sur une révision plus importante pour 2018. L’objectif est de trouver de la convergence à la fois des axes et de la gouvernance, ce qui ne veut pas dire une harmonisation totale. Chaque territoire garde ses particularités et les deux PDR resteront autonomes. »

Sur quels axes prioritaires souhaitez-vous porter vos efforts ?
Émilie Bonnivard :  « Le monde agricole traverse une crise profonde. Notre objectif sera de mener une politique au bénéfice des exploitants, afin que l’agriculture régionale soit compétitive, productrice de valeur ajoutée et rémunératrice. Cela passera par un travail sur l’installation-transmission, avec davantage de moyens consacrés à l’aide à l’investissement dans les outils de production ; par la stimulation des débouchés de nos produits agricoles dans la restauration collective ; par la promotion des productions sous signe de qualité ; par le développement de l’export ; par la consolidation de filières. L’accès au foncier et à l’irrigation seront aussi des enjeux forts. Nous soutiendrons l’innovation et la recherche pour préparer l’agriculture de demain ainsi que la formation pour renforcer l’attractivité du métier. La ligne directrice qui nous habitera au travers de tous ces chantiers sera de simplifier la vie des agriculteurs, d’alléger leurs contraintes administratives chaque fois que nous le pourrons. »

Êtes-vous optimiste sur l’avenir de l’agriculture dans notre région ?
Émilie Bonnivard :  « La région Auvergne Rhône-Alpes est riche d’une grande diversité de productions. C’est un atout majeur que nous avons la responsabilité de consolider et de développer. J’ai eu l’occasion de participer à plusieurs rencontres avec les JA. C’est exceptionnel de voir le professionnalisme, la maturité, le niveau de ses jeunes chefs d’entreprise qui s’installent malgré toutes les contraintes qu’ils subissent. Notre rôle, c’est de rendre possible l’exercice de leur métier dans de meilleures conditions. »