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Volailles

En aviculture, le CO2, ça se mesure

La mesure de la concentration en gaz carbonique dans les élevages était l'un des sujets de la dernière session Itavi volailles de chair tenue à Valence. Parmi les points d'attention, le choix des capteurs, leur positionnement, le contrôle de leur fiabilité.
En aviculture, le CO2, ça se mesure

Lors de la session d'information volailles de chair de l'Itavi (institut technique de l'aviculture), fin novembre 2018 à Valence, Pauline Créach, responsable élevage de précision et nouvelles technologies au sein de cet institut, a restitué une étude (GestCO2) sur la mesure de la concentration en dioxyde de carbone (CO2). Dans les bâtiments avicoles, le gaz carbonique provient de la respiration des animaux, de la combustion du propane des chauffages et de la fermentation de la litière. « Il est considéré comme un bon indicateur du renouvellement d'air dans les bâtiments d'élevage fermés », a souligné l'intervenante. En poulets de chair, la réglementation européenne fixe la concentration maximale en CO2 à 3 000 ppm. Des valeurs élevées impactent la santé et le bien-être des animaux (ascites, halètement, mortalité), leurs performances technico-économiques (dégradation de l'indice de consommation, réduction de la croissance) mais aussi la santé humaine (acidose respiratoire).

Pauline Créach, responsable élevage de précision et nouvelles technologies à l'Itavi.

Choix des capteurs

Dans le cadre de cette étude, des critères de choix de capteurs ont été identifiés : un coût acceptable pour les éleveurs, une plage de mesure de 0 à 10 000 ppm et une précision de plus ou moins 100 ppm. « Au regard de ces critères, la technologie infrarouge non dispersif (IRND) est la plus adéquate en bâtiment avicole », a indiqué Pauline Créach. Le temps de réponse (réactivité du capteur) est aussi un critère important. Il dépend de l'électronique de traitement du signal.
Les capteurs de CO2 sont de deux types. Uniquement composés d'une sonde, les appareils raccordables sont destinés à des mesures en continu. Ils doivent être raccordés à une centrale d'acquisition ou au boîtier de régulation du bâtiment pour accéder au résultat de la mesure. Les capteurs dits « autonomes », eux, sont constitués d'une sonde, d'un boîtier d'acquisition avec affichage de la mesure et d'une batterie. Ils sont utilisés pour des mesures ponctuelles (par exemple, vérifier la fiabilité des sondes reliées au boîtier). Dans le cadre de l'étude, cinq capteurs ont été testés, dont quatre autonomes. Deux n'étaient pas appropriés pour une utilisation en poulailler au regard des critères observés (précision et temps réponse). Autre constat : pour une même technologie, les performances varient beaucoup en termes de précision et temps de réponse.

Capteur raccordable destiné à des mesures en continu. Crédit photo : Itavi.

Positionnement

Le positionnement optimal des capteurs est le centre du bâtiment, entre les lignes de pipettes et de mangeoires, hors d'une zone de chauffage à combustion directe. Ils doivent en outre être placés hors de portée des volailles mais tout de même assez près de leur zone de vie, à 80 cm du sol (plus ou moins 20 cm). A cette hauteur-là, le CO2 émis par une litière dégradée ne peut toutefois pas être mesuré (la concentration dans l'aire de vie est sous-estimée).

Points de vigilance

Pour s'assurer de la fiabilité des capteurs, une procédure a été déterminée : vérifier les sondes au moins une fois par an (prévoir 50 à 60 minutes), dans un environnement le plus stable possible, avec un capteur de référence bien étalonné ayant un temps de réponse court. Doit aussi être vérifié le blindage des câbles reliant les capteurs au boîtier de régulation, pour éviter des interférences pouvant fausser les mesures. Autre point de vigilance, pour la même raison : l'étanchéité des sondes.
A la suite à cette étude, l'Itavi a développé un module de formation sur la mesure des concentrations en CO2 dans les bâtiments avicoles, l'interprétation des résultats, la régulation de la ventilation et du chauffage en intégrant ce paramètre... Pour plus de détails sur l'étude GestCO2 (projet Casdar) et cette formation, consulter le site internet de l'Itavi (www.itavi.asso.fr).

Annie Laurie

Impact du CO2 sur les animaux

Une autre étude s'est intéressée à l'impact du dioxyde de carbone sur les animaux. La concentration en CO2 a été mesurée sur 49 lots de poulets de chair au cours de leurs dix premiers jours de vie. Dans 30 % des lots, aucune mesure n'était supérieure à 3 000 ppm. Dans 50 % des lots, elle était comprise entre 3 000 et 5 000 ppm. Et dans 20 %, au moins une mesure était égale ou supérieure à 5 000 ppm. Autre résultat de l'étude : un taux de mortalité moyen à dix jours supérieur (+ 1 %) est observé dans le groupe si au moins une mesure dépasse 3 000 ppm dans cet intervalle de temps. De même, l'IFTA à dix jours (le nombre de jours d'administration d'antibiotiques sur cette durée d'élevage) augmente (+ 0,2) aussi si la mesure est supérieure à 3 000 ppm.
Le coût de chauffage en début de lot peut conduire des éleveurs à sous-ventiler leurs bâtiments pour atteindre la température nécessaire au besoin thermique des animaux. Cela peut générer des concentrations en CO2 élevées.

 

Expérimentation / L'Itavi a testé dans des poulaillers un matériau innovant pour la litière : le bouchon de paille en ajout sur paille broyée.
Le bouchon de paille comme litière
Bouchons de paille. Source : www.durepaire.fr
A la session Itavi de novembre 2018 à Valence, Aurélie Buteau, chargée de mission environnement au sein de cet institut, a détaillé une étude sur les bouchons de paille utilisés comme litière en élevages de poulets. Ce travail s'inscrit dans le cadre d'un projet à l'échelle d'Auvergne-Rhône-Alpes. Et ce, en réponse à une demande professionnelle de test de matériaux innovants (autres matières envisagées : menue paille, miette de paille, miscanthus, chènevotte*), notamment dans une volonté d'amélioration du bien-être animal (pododermatites et lésions aux tarses).
Aurélie Buteau, chargée de mission environnement à l'Itavi.
Un fort pouvoir d'absorption
Parmi les avantages des bouchons de paille : une forte capacité d'absorption (3,5 à 4 fois leur poids) et une hygiénisation lors de la fabrication. Par contre, ils sont moins isolants que la paille broyée utilisée seule en démarrage de lot (le bâtiment doit donc être chauffé plus tôt) et coûtent 150 à 220 euros la tonne.
Dans l'étude, les bouchons de paille ont été testés sur base de paille broyée (1 kg/m2 à 7 jours, puis ajout si nécessaire, avec un maximum de 2 kg/m2 au total). Ils ont été comparés à un témoin 100 % paille broyée. Quatre lots de poulets standards ont été suivis. La litière propre ainsi que les effluents ont été analysés. Pododermatites, lésions aux tarses, performances des animaux, quantité de litière utilisée et état de celle-ci ont été notées.
Pododermatite : lésions au niveau des coussinets plantaires.  Crédit photo : Itavi.
Des effets positifs
Bilan : une diminution de la gravité des pododermatites. 19 % des observations se situent dans la note la plus grave contre 31,5 pour le groupe témoin. Et légèrement moins de lésions aux tarses ont été constatées. L'évaluation du bien-être animal global (avec la méthode Ebène) a montré une amélioration en termes de comportement des poulets, capacité de mouvements, confort d'ambiance, moins d'animaux semblent malades... Par contre, l'indice « confort au repos » est moins satisfaisant que celui du groupe témoin, l'aspect visuel de la litière est dégradé. En termes de performances techniques (poids des poulets, gain moyen quotidien et pourcentage de mortalité), il n'a pas été constaté de différences significatives par rapport au groupe témoin. Enfin, dans le groupe « bouchon de paille » sur le plan environnemental, l'analyse des fumiers a mis en évidence un taux de matière sèche inférieur et un rapport carbone sur azote (C/N) plus faible (9,5 contre 13,5). Donc peut-être davantage d'odeurs au curage (légèrement plus d'azote ammoniacal).
A. L.
* Chènevotte : paille de chanvre.