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Soirée-débat

Erik Orsenna : « Les fleuves, trésors des territoires »

Dans le cadre du salon Tech&Bio, l'écrivain et académicien Erik Orsenna a donné une conférence sur les fleuves, le 22 septembre à Valence.
Erik Orsenna : « Les fleuves, trésors des territoires »

L'eau était le fil conducteur de l'édition 2015 du Tech&Bio. Aussi, ses organisateurs ont proposé une soirée-débat tous publics sur le thème « Le fleuve, lien entre les territoires et les populations », le 22 septembre à Valence, avec une conférence de l'écrivain Erik Orsenna. « Les milieux aquatiques sont absolument indissociables d'un territoire », a remarqué la présidente de la chambre d'agriculture de la Drôme, Anne-Claire Vial, en ouverture de la soirée. Et Erik Orsenna, elle l'a décrit comme « un grand voyageur, un grand curieux qui se préoccupe de l'eau, des fleuves et des territoires ».
Sur le sujet, l'écrivain a observé que les phénomènes extrêmes allaient se multiplier, avec des inégalités entre régions du monde : « Certaines, qui ont déjà beaucoup d'eau en auront encore plus, telles que le Canada, la Scandinavie, certaines régions d'Asie. Et d'autres - dont la Méditerranée du sud mais aussi du nord - auront de moins en moins de pluies. Que va-t-il se passer en matière d'agriculture ? »

Plongée dans deux exemples

Erik Orsenna a pris deux exemples : le Nil, ainsi que le Delta du Gange et du Brahmapoutre. La région du Nil est une illustration de fortes tensions autour d'un cours d'eau. Plus de 80 % des eaux de ce fleuve proviennent des montagnes d'Ethiopie (Nil bleu), le reste des lacs d'Afrique Centrale (Nil blanc). La situation est délicate car les populations de l'Egypte et de l'Ethiopie se développent à grande vitesse, d'où un besoin de trouver de l'eau supplémentaire. Etait donc à craindre une guerre potentielle de l'eau. Mais, début 2015, ces deux pays ont signé un accord pour ériger un barrage dans les montagnes éthiopiennes, qui donnera de l'électricité et des possibilités d'irrigation. Cette coopération est une bonne nouvelle pour l'écrivain, qui espère une certaine stabilisation dans cette zone.
Le Gange, lui, « est deux fois malade, a estimé Erik Orsenna, car le miracle agricole indien ayant énormément pompé dans ses nappes d'accompagnement, son débit est plus faible et l'effet du réchauffement se fait déjà sentir ». La montée des eaux de la mer du golfe de Bengale pousse des agriculteurs du Delta du Gange et du Brahmapoutre à en partir. En outre, la Chine envisage de construire trois barrages sur le Brahmapoutre, à la tombée du plateau tibétain. Si ce projet se concrétise, le débit d'eau douce diminuera et la mer, gonflée par le réchauffement climatique, n'aura plus le rempart auquel elle s'opposait auparavant. « D'une certaine manière, le Bangladesh se trouvera condamné, à terme, déplore Erik Orsenna. Je pense qu'il y aura des réfugiés climatiques dans cette région du monde. »

Des alliés contre le dérèglement climatique

Pour ces raisons, l'écrivain et la présidente et le directeur du pilotage stratégique de la CNR(1), Elisabeth Ayrault et Bertrand Porquet, ont eu l'idée de créer un club des aménageurs des grands fleuves du monde. Celui-ci se réunira pour la première fois le 15 octobre au musée des Confluences à Lyon. 17 aménageurs y viendront « pour discuter de la manière de renforcer la coopération entre eux et de lancer des projets ». Et, là, le romancier a mis en avant la CNR, son modèle « qui fascine dans le monde entier, avec sa vision complète, intégrée, synthétique d'une vallée » et « son extrême compétence ». La CNR, qui gère le Rhône depuis plus de 80 ans, a reçu la mission de produire de l'hydroélectricité mais aussi d'aménager le fleuve dans deux composantes : l'irrigation et la navigation. Au cours de la soirée, sa présidente l'a rappelé, avant la diffusion d'un film contant l'histoire du Rhône.
L'écrivain a aussi relevé « un grand oubli » dans la préparation de la Cop21(2) : les fleuves, qui sont « des trésors pour les territoires ». Que seraient l'Egypte sans le Nil et les pays du Sahel sans le fleuve Niger ? « Rien, répond Erik Orsenna. Et la vallée du Rhône serait moins bien car son fleuve est le moteur de ce territoire pour l'énergie, l'irrigation et le transport par voie d'eau ». Pour lui, « les fleuves sont des alliés privilégiés de la lutte contre le dérèglement climatique car ils produisent de l'énergie durable et, en favorisent l'irrigation, répondent à un vrai besoin de nourrir la planète ». Enfin, concernant les retenues d'eau, il ne voit pas pourquoi on les interdirait car elles permettent de stocker de l'eau quand elle est abondante pour en redonner quand il en manque.

Annie Laurie

(1) CNR : Compagnie nationale du Rhône.
(2) Cop21 : conférence des Nations unies sur les changements climatiques à Paris (du 30 novembre au 11 décembre).