Espaces pastoraux : éviter les conflits d'usages

Interpellée sur les conflits entre les différents usagers des espaces pastoraux drômois, la chambre d'agriculture estime urgent de trouver des solutions profitables à tous. Aussi, en partenariat avec Bienvenue à la ferme, elle a convié plusieurs parties prenantes à une rencontre le 26 octobre sur l'exploitation de la famille Feydy à Montségur-sur-Lauzon, confrontée au problème posé par les chiens de protection de troupeaux (voir ci-...).
Le problème, c'est le loup
« Le problème à la base, c'est le loup, ont appuyé plusieurs éleveurs. Ce n'est pas par plaisir que nous avons des patous mais par obligation. » Edmond Tardieu, président de Bienvenue à la ferme et éleveur, a ajouté : « Les patous apportent plus de problèmes que de solutions. J'ai toujours peur qu'ils mordent quelqu'un. » Ayant la même crainte, Frédéric Gontard, éleveur à La Laupie, hésite à accueillir des stagiaires. « Sans éleveurs, ces espaces seraient des friches avec toutes les conséquences que cela suppose. Tout le monde doit en prendre conscience », a noté le vice-président du Département en charge de l'agriculture, André Gilles. « On doit trouver des solutions intelligentes, avancer dans le respect des uns et des autres », a confié Yves Feydy. « Ce serait bien que tout le monde fasse des efforts », a ajouté Vincent, son fils.
Sensibiliser, éduquer
Le président de l'Adem(1), Philippe Kahn, a mis l'accent sur la sensibilisation des autres usagers et des enfants, « qui seront les adultes de demain ». Peut-être aussi faudrait-il plus de formation pour les éleveurs. Pour Myriam Nimer-Berthès, chargée de mission tourisme, culture et patrimoine à la communauté de communes Dieulefit-Bourdeaux (CCDB), les actions et supports d'information sont à démultiplier pour sensibiliser et éduquer. La CCDB œuvre en ce sens. Sa chargée de mission agriculture et gestion de l'espace, Christelle Harmegniès, en a donné un aperçu : un « éductour » pour informer les professionnels du tourisme sur le métier d'éleveur et de berger avec intervention de l'Adem et de la FDO(2) ; un guide de bonne conduite à destination des pratiquants de sports de pleine nature ; des panneaux informatifs ; des portillons à fermeture automatique et des passages canadiens installés sur les chemins de randonnées traversant des parcs de pâturage ; la concertation des propriétaires pour le passage d'itinéraires de randonnée ; une communication sur les périodes de chasse. Une cellule de gestion des conflits d'usages (davantage sollicitée par les éleveurs) a également été mise en place dans le cadre du plan pastoral territorial.
Former, faire évoluer les lois
Dans le parc naturel régional (PNR) des Baronnies, a été initiée une action de formation en direction du personnel des offices de tourisme et des accompagnateurs : sur le pastoralisme, les chiens de protection et les bons réflexes à avoir. Mais aussi des sorties « découverte » grand public et, avec l'Adem, une exposition itinérante sur le pastoralisme et le multiusage. « Nous sommes des relais d'information, a remarqué Coralie Boivin, de l'ODT du pays de la forêt de Saoû. Il est important que l'on soit formé pour informer les touristes et les prestataires. » Le directeur de l'ADT(3) de la Drôme, Bruno Domenach, a confié : « Aujourd'hui, les urbains ne peuvent plus avoir la liberté d'autrefois. Il faut donc les éduquer en les informant ». La Région, pour sa part, a décidé de mesures complémentaires, a noté Philippe Kahn. Les services pastoraux rhônalpins et Paca, eux, ont décidé de rassembler des données, jurisprudences en vue de sortir un programme d'actions qui pourra aller sur de la formation, de la sensibilisation, des propositions d'évolution de lois, a indiqué Dominique Narboux, technicienne à l'Adem. Les problèmes du chien de protection et du multiusage seront pris en compte. La Drôme est chef de file de ce projet.
Adopter un même message
Les comités départementaux de la randonnée pédestre et du cyclotourisme font passer des messages à leurs adhérents sur le partage de la nature et le respect de l'agriculture, ont dit leurs représentants, Philippe Poirier et Jean-Pierre Garnier. Le secrétaire général de la FDC(4), Jean-Louis Briand, a fait mention de la convention engageant chasseurs et randonneurs pédestres à se respecter et a prôné la discussion pour avancer. « La prédation pèse sur les éleveurs et impacte le multiusage, a constaté le président de la FDSEA, Didier Beynet. Il est important de travailler tous ensemble. Il faut partager les espaces pastoraux le mieux possible dans le respect de tous. »
Le représentant de la communauté de communes du Val de Drôme (CCVD), Hugues Vernier, est partisan d'un travail constructif de sensibilisation et d'information, à engager dans la sérénité et l'écoute de tous. Pernette Julian, chef du service développement rural du Département, a annoncé que, le 13 octobre, la commission départementale des espaces, sites et itinéraires de sports nature (Cdesi) a décidé de créer une sous-commission thématique sur les multiusages, et notamment le patou, pour proposer des solutions concrètes. Cela, en s'inspirant de ce qui est déjà fait dans les territoires, PNR et des propositions de l'Adem.
De cette rencontre, Clara Thomas, sous-préfet de Die, a retenu un manque de coordination et de communication. Elle a proposé un colloque, séminaire ou comité de pilotage « pour tous se caler sur un même message » et un plan de communication « afin que le multiusage se passe bien ». Et Bertrand Chareyron, chef de service développement des territoires à la chambre d'agriculture, a suggéré un travail de groupes en concertation avant ce colloque.
Annie Laurie
(1) Adem : association d'économie montagnarde.
(2) FDO : fédération départementale ovine.
(3) ADT : agence de développement touristique.
(4) FDC : fédération départementale des chasseurs.
Témoignages / La famille Feydy protège ses brebis du loup avec des patous. L'un d'eux a mordu un promeneur, qui a porté plainte...Attaques de loups et promeneurs mordus : « une hantise »


La deuxième personne mordue (le 30 mai) a porté plainte. Le maire, Sylvain Guillemat, a dit ne pas l'y avoir incitée et qu'il avait obligation de prendre un arrêté pour évaluation comportementale du patou en question. « Nous sommes considérés comme des délinquants, a déploré Yves Feydy, avec émotion mais fermement, la voix tremblante et les larmes aux yeux. Les gendarmes ont relevé nos empreintes, nous ont pris en photo et nous passons au tribunal le 21 novembre. C'est inadmissible. S'il n'y avait pas de loups, nous n'aurions pas besoin de patous. Les chiens sont intimement liés au troupeau et font leur travail. Nous vivons dans l'angoisse, la hantise d'attaques de loups et de promeneurs mordus. C'est l'enfer. »

Depuis 30 ans, la famille Feydy élève des ovins sur cette ferme. Si les loisirs de plein air sont possibles sur cet espace, c'est grâce aux brebis qui le maintiennent ouvert. « Les gens doivent le comprendre. Il faut trouver des solutions par le dialogue », a martelé Yves Feydy. Il a aussi fait référence à un travail au plus haut niveau syndical « pour que les éleveurs soient dépénalisés ». Et son fils a prévenu : « Si on nous empêche de travailler, si on est obligé d'enlever le troupeau, j'empêcherai les gens d'aller sur nos chemins privés ».A. L.
Comment se comporter avec les patous ?

