Et vous, avez-vous un comportement RSE ?

Le développement durable s'est imposé à toutes les activités humaines. Il faut produire, conduire, manger, se divertir... de façon durable, c'est-à-dire dans le respect des autres et de l'environnement. C'est une condition du bien vivre ensemble et de la pérennité de nos sociétés bousculées par une mondialisation insouciante des dommages causés par ses excès. Christian Brodhag, chercheur de l'École des mines de Saint-Étienne, considère le développement durable comme un contrepoids salutaire à une mondialisation destructrice de valeurs humaines et financières. Et, puisque tout est devenu marchand, Christian Brodhag chiffre, à deux fois le PIB européen, la valeur des services écologiques apportés gratuitement par la nature à la société. Il cite notamment l'eau comme un bien commun, que les activités humaines dégradent, ce qui impose de coûteux traitements pour restaurer sa qualité. Le concept de RSE appliqué à l'eau devrait conduire chacun à éviter de la polluer. Mais Christian Brodhag est un pragmatique. Il intègre dans sa réflexion écologique les équilibres économiques et reconnaît, par exemple, la nécessité d'intensifier la production agricole « y compris l'agriculture biologique » pour répondre aux immenses besoins alimentaires mondiaux. Selon lui, cette production doit s'inscrire dans une « agriculture écologiquement intensive ».
Jaillance, cave durable
Cette approche de développement durable, la cave de Die-Jaillance avec sa célèbre clairette l'applique de longue date. Jean-Louis Berges, son directeur général et président des vignerons en développement durable, raconte que c'est le positionnement de première cave de France en vin bio qui a conduit ses viticulteurs « à s'imposer un comportement civique, en général, de la production à la transformation et jusqu'à la distribution ». Il évoque, par exemple, la connaissance aiguë qu'ont les jeunes viticulteurs de la dangerosité de certaines molécules qu'ils n'utilisent plus pour se protéger et pour protéger les autres. Un comportement auquel les consommateurs commencent à être attentifs. C'est si vrai, raconte François Viallet, le directeur adjoint de Limagrain Céréales Ingrédients que des grands opérateurs comme Nestlé ou Lactalis demandent à leurs fournisseurs d'être RSE pour être référencés. « L'origine des produits doit être certifiée et nous sommes l'objet de contrôles pour juger des conditions sociales appliquées dans nos usines ». Même la maintenance s'inscrit dans la logique RSE : « L'équipe a un objectif de réduction de la consommation d'énergie de nos outils industriels, rapporte François Viallet. C'est une économie non négligeable mais c'est surtout une réponse à l'aspiration d'une jeune génération qui cherche à donner du sens à son travail et à sa vie ».
Quand la grande distribution sera-t-elle RSE ?
Cette approche sociétale se heurte cependant à la concurrence mondiale qui néglige si souvent les conditions d'emploi des salariés et le respect de l'environnement. C'est d'autant plus condamnable que le surcoût de la RSE n'est pas insurmontable. Olivier Thébaud, le directeur général de l'entreprise de thés et d'infusions Pagès, indique qu'une boîte de thé standard est vendue 2,20 euros quand la boîte de thé bio, respectueuse du développement durable, est vendue 2,30 euros. Peu à peu le marché demande des produits conformes au développement durable même si Philippe Dumas, le président de la Sicarev, attend dans ce domaine « la révolution culturelle à laquelle se refuse toujours la grande distribution ». Il compare le prix du kilo de la côte de porc proche de celui de la boîte de thé et constate que dans la relation avec la grande distribution
« on est très loin de la chaîne de création de valeurs » soutenue par le développement durable. Et Philippe Dumas de s'interroger : « quand la grande distribution sera-t-elle RSE ? » Car la première difficulté que rencontrent les entreprises RSE c'est de s'imposer un comportement vertueux dans un environnement concurrentiel qui lui ne l'est pas.
Les coopératives font de la RSE sans le savoir
La chaîne de l'alimentation est pourtant celle qui, par nature, devrait être la première concernée par la RSE. Gérard Rodange le président de Coop de France Rhône-Alpes Auvergne rappelle que « derrière les produits agricoles et alimentaires il y a des hommes et des femmes, des entreprises, des emplois, de la sécurité alimentaire, du patrimoine culinaire et des territoires ». Et de constater que très souvent « dans les coopératives on fait par convictions de la RSE sans le savoir ! » Après 20 ans de mondialisation effrénée où la recherche du moindre coût était et reste encore beaucoup le seul critère de décision, voilà que les effets collatéraux de cette frénésie financière sont aujourd'hui mesurés et sévèrement jugés. C'est peut-être l'avènement d'une nouvelle mondialisation qui serait source de progrès et non une cause de régression sociale, environnementale et humaine. Une nouvelle ère ou une ligne d'horizon inaccessible ?
Serge Berra
Les coopératives, naturellement RSE
De plus en plus le marché exigera des entreprises un comportement conforme au développement durable mais c’est aussi à l’échelle des petits groupes humains que la RSE doit trouver sa place. Yves François, agriculteur en Gaec dans le nord Isère, a témoigné de l’expérience vécue par la Cuma de la Plaine de Faverges. Depuis 25 ans, un groupe de 27 agriculteurs pense, vit, travaille et entreprend dans une démarche RSE avant même que le concept ne soit décrit. « Nous travaillons beaucoup sur la relation interpersonnelle et nous avons même sollicité l’aide d’une compétence extérieure pour apprendre à mieux communiquer entre-nous ». Ce principe de gouvernance efficace « évite les conflits, crée un climat de confiance et si tout seul on va plus vite, ensemble on va plus loin », rappelle Yves François. La méthode à fait ses preuves et le groupe gère collectivement l’isolement des parcelles mises en commun pour produire des semences, gère la main-d’œuvre et le matériel dédiés à cette production. Les coopératives de toutes tailles, confirme Gérard Rodange, ont un comportement RSE dans leur gouvernance, dans leur ancrage à un territoire et dans la traçabilité de leurs produits. Ce sont des atouts qu’elles se doivent de promouvoir pour différencier leurs produits de ceux des entreprises qui n’ont pas encore intégré l’attitude vertueuse du développement durable. S.B