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Viticulture bio

Face au dérèglement climatique, la résilience  des systèmes viticoles

Plus qu’un réchauffement, c’est un dérèglement tout entier du climat qui s’installe, obligeant l’humanité entière à trouver de nouvelles solutions pour évoluer. La viticulture n’y échappe pas.

Face au dérèglement climatique, la résilience  des systèmes viticoles
Face au dérèglement climatique, instituts de recherche, agriculteurs et chambres d’agriculture s’accordent dans leurs expérimentations afin de rendre les systèmes viticoles plus résilients. © ML

Avec des événements climatiques de plus en plus forts qui pourraient entraîner un recul de la viticulture dans le sud de la France, pas facile d’appréhender l’avenir de façon optimiste. Pourtant, de nombreuses expérimentations sont en cours partout dans les vignobles français, et plusieurs pistes sont à explorer, telles que le changement du matériel végétal, la modification des pratiques viticoles, l’ajustement des processus œnologiques, la révision de la densité des exploitations ou encore repenser les appellations. « Il y a une prise de conscience de tous les acteurs, mais à un rythme différent selon les régions, comme si par endroit on observait un déni de réalité », observe Garance Marcantoni, référente viticulture biologique Paca et nationale au sein des chambres d’agriculture. Les disparités de prise de conscience sont effectivement importantes, particulièrement dans le Sud, mais aussi dans la Loire, soit, des espaces où la viticulture s’est installée depuis déjà bien longtemps.
Si la recherche sur les cépages résilients est constamment abondée, il n’en reste pas moins que sur les parcelles également, les pratiques se modifient. Chez nos voisins suisses, par exemple, la résilience passe par la conservation des sols.

Le couvert végétal, outil n° 1 d’un système adapté ?

David Marchand, conseiller de recherche en agriculture au FiBL Suisse, constate d’abord que « l’innovation vient toujours des vignerons ». Avec des trésors d’ingéniosité dans les méninges, nombreux sont ceux qui avancent vers un système plus adapté au climat actuel, sans attendre les injonctions des diverses autorités ayant leur mot à dire sur le sujet. « Dans les vignes mécanisées, on observe souvent des sols très compactés, ce qui laisse place à une mauvaise infiltration de l’eau et où l’enherbement permanent est vu comme une menace, avec un risque de concurrence entre les plantes. Tout ça est pris comme une fatalité, alors qu’une autre gestion des sols pourrait limiter un tel impact », explique-t-il. « D’un côté, le travail de la terre provoque une forte déstructuration des sols qui perdent en azote. Poussé à l’extrême, on assiste même à une érosion et une perte de ces sols. Le couvert temporaire vient interroger la pratique », poursuit-il.
L’objectif de l’engrais vert est de maximiser la biomasse en période décalée de la croissance des vignes, ce qui est possible en le semant en été et en automne. Une fois le travail du mélange effectué (quatre à huit espèces non pérennes en général), il est parfois nécessaire de réapprendre à semer. « Le semis est souvent la principale raison de l’échec d’un couvert végétal. Il est seulement nécessaire de gratter en surface en période humide, pour limiter la déstructuration du sol », rappelle le conseiller. La destruction, elle, interviendra le plus tard possible, en couchant le couvert deux à trois semaines avant la floraison. « Cela permet de développer une biomasse extrême qui se dégrade très lentement. Pour cela, mieux vaut privilégier le roulage que le paillage », conseille David Marchand.
En Suisse, dans un vignoble septentrional parfois juché sur d’étroites terrasses, les exemples se multiplient, malgré l’apparente difficulté à laisser l’enherbement s’épanouir dans ces petits espaces. Il y est effectivement plus facile de semer que d’apporter des engrais organiques, et le semis direct y est bien adapté puisqu’il n’y a pas de tassement des sols. Seul bémol ? L’absence d’outils adéquats qui oblige à passer par l’autoconstruction. « Il faut être débrouillard pour le développement. Mais des chenillettes pouvant passer entre les ceps font parfaitement l’affaire. Et puis, le couvert en terrasse est également une bonne option pour se passer d’herbicide dans le talus », affirme le Suisse.

Des projets exploratoires sur l’apport de basalte dans les vignes

Institut de recherche renommé, le FiBL mène également de front un programme concernant le basalte en viticulture. Roche silicatée très riche en oligoéléments, elle s’avère être un support de la vie des sols non négligeable. De nombreux essais sont par ailleurs en cours sur ce sujet, mais aussi sur la santé des vignes et la captation carbone.
Si l’idée invite à la curiosité, David Marchand met toutefois en garde : « Un basalte altéré peut faire augmenter la présence de métaux lourds dans les sols. Il faut donc être particulièrement vigilant ». Autre donnée à prendre en compte ? L’aspect logistique allant de l’extraction à la transformation en passant par le transport, qui rend par définition l’utilisation de cette roche parfois très coûteuse pour l’agriculteur comme pour l’environnement.
Manon Lallemand