« Faire en sorte que les paysans vivent plus de leur revenu que de subventions »

Fustigeant les 9 000 critères qui entourent les mesures agro-environnementales, « je serai le ministre qui va simplifier la Pac », a annoncé Didier Guillaume, lors du 73e congrès de la FDSEA de la Drôme le 8 mars à Buis-les-Baronnies. A quelques semaines des élections européennes, il a mis l'accent sur l'intérêt d'une politique agricole commune « unique » et jugé « dévastatrice » la baisse de 15 % de son budget tel que le propose la Commission européenne. « Pour la première fois, nous mettrons dans la Pac la transition agroécologique », a-t-il ajouté. Une transition qui constitue « l'alpha et l'omega de l'agriculture de demain, a-t-il indiqué par ailleurs, pour passer « d'une production quantitative du 20e siècle à une production qualitative au 21e siècle ». Le ministre a rappelé l'engagement du chef de l'Etat pour une sortie du glyphosate en 2021, « sans toutefois laisser aucune filière sans solution, a-t-il précisé. Mais nous devons nous séparer de la dépendance aux produits phytopharmaceutiques ». Sur ce point, alors qu'entrent en France des produits agricoles n'ayant pas les mêmes contraintes de production, Didier Guillaume a parlé de la nécessité d'une harmonisation des règles européennes. « Pour avoir une souveraineté alimentaire et une souveraineté européenne, il faut que les standards européens, élevés, soient les mêmes, a-t-il martelé. C'est le travail que nous menons. » Et de rappeler plus largement les propos du chef de l'Etat tenus lors du Salon de l'agriculture : « Il ne faut pas qu'il y ait de dumping social, de dumping fiscal et de dumping économique à l'intérieur de l'Union européenne ». On en est encore loin...
Agribashing, négociations commerciales
Face aux adhérents de FDSEA et aux nombreux élus et personnalités présentes, le ministre de l'Agriculture et de l'Alimentation a aussi dénoncé l'agribashing. « Ce n'est plus supportable, il faut opposer des arguments, a-t-il insisté. Et il faut également que le monde agricole regarde un peu moins ses chaussettes et soit plus fier de ce qu'il fait. Les agriculteurs ne doivent pas courir derrière la demande sociétale mais doivent la précéder. »
Autre sujet, les Etats généraux de l'alimentation (EGA). Didier Guillaume a rappelé les dix-huit mois de discussions qui ont abouti à la loi Egalim et aux ordonnances prises. « Nous allons peut-être arriver, enfin, à faire en sorte que les paysans vivent plus de leur revenu que de subventions, a-t-il confié. Car il n'est plus acceptable, et ce ne sera plus accepté, que les paysans soient étranglés dans les négocations commerciales et qu'ils vendent leurs produits en dessous de ce que ça leur coûte. » Le ministre a regretté le manque d'implication de certaines filières. « La filière du lait qui a fait le travail a vu ses revenus augmenter », contrairement à la filière de la viande « qui a moins fait le travail. J'en appelle à la responsabilité du monde agricole et des interprofessions pour mener ce combat d'un meilleur revenu. »
Retraites agricoles, retenues d'eau
Par ailleurs, à propos des retraites, « ce que je demande au Parlement, c'est 480 millions d'euros pour que chaque retraité agricole ait au moins le minimum vieillesse », a indiqué Didier Guillaume. Il a toutefois laissé entendre que des évolutions seront nécessaires en matière de cotisations, un point qui sera au menu de la prochaine réforme des retraites.
Sur le sujet de l'irrigation, et avec le réchauffement climatique, « on ne peut pas regarder l'eau tomber du ciel pendant six mois et en chercher les six autres mois. Dans le cadre des Assises de l'eau, nous allons lancer à nouveau des projets de retenues pour l'irrigation », a annoncé le ministre, très applaudi. Cela se fera dans une démarche de qualité - faisant rimer écologie et agriculture - et à l'échelle de plans territoriaux, a-t-il précisé. Il espère qu'un premier projet puisse voir le jour au sein du parc naturel régional des Baronnies provençales.
Loup, ruralité
Dans cette région du Sud-Drôme comme sur l'ensemble des zones pastorales, le loup demeure une préoccupation majeure pour les éleveurs. « La France va officiellement annoncer que la barre des 500 loups est dépassée. Ce n'est donc plus une espèce en voie de disparition dans notre pays », a affirmé Didier Guillaume. Et d'ajouter : « On ne va pas éradiquer les loups car il faudra garder la biodiversité mais il faut que la pression de la prédation baisse ». A ainsi été annoncée une hausse du niveau des prélèvements de loups de 10 à 17 % ainsi que l'ouverture prochaine d'un débat sur la directive Habitat.
Avant de conclure, Didier Guillaume a évoqué, sans toutefois le nommer, le mouvement des Gilets jaunes et ses conséquences dans la société française. « Il faut œuvrer à la réconciliation, a-t-il dit. A la réconciliation entre Paris et la Province, entre l'agriculture et la société, entre l'agriculteur et le citoyen. Quand un voisin vient dans un champ et sort un paysan de son tracteur, ce n'est pas acceptable. C'est qu'il y a une incompréhension. Il faut de l'apaisement. » Et d'ajouter : « La ruralité doit vivre le mieux possible. »
Christophe Ledoux
Discours / Au congrès de la FDSEA de la Drôme, son président, Grégory Chardon, a fait le tour des principales préoccupations du monde agricole drômois sans oublier certains acquis.
« Notre syndicalisme se renforce »
Pour son deuxième congrès à la tête de la FDSEA, Grégory Chardon est un président comblé. Après avoir accueilli l'an dernier la présidente de la FNSEA, Christiane Lambert, il a reçu cette année, le 8 mars à Buis-les-Baronnies, le ministre de l'Agriculture, Didier Guillaume. Honoré de cette présence, il est revenu dans son discours sur quelques dossiers. A commencer par la victoire de la liste FDSEA-JA aux élections chambre d'agriculture. « Notre syndicalisme se renforce et va pouvoir mettre en œuvre, pour les six ans à venir, un projet ambitieux mais réaliste », a-t-il indiqué, avant de féliciter Jean-Pierre Royannez, élu président de la chambre d'agriculture de la Drôme. Grégory Chardon a évoqué une autre victoire : le maintien du dispositif TODE qui réduit les charges sur les emplois saisonniers. « Tout ce que nous pouvions faire, nous l'avons fait et ce fut payant, a-t-il fait remarquer tout en remerciant Didier Guillaume et les parlementaires pour leur écoute.
A propos des Etats généraux de l'alimentation, le président de la FDSEA s'est réjoui des acquis tel que le relèvement du seuil de revente à perte. Des effets positifs sur les prix sont constatés dans certaines filières. « Mais il y a lieu de rester vigilant vis-à-vis de la distribution en particulier », a-t-il considéré. Quant au projet d'ordonnance séparant les activités de vente et de conseil des produits phytosanitaires, « nous le refusons tel qu'il se présente aujourd'hui car c'est intenable », a-t-il fait savoir. En cause, le surcoût de la mesure (2 500 à 5 000 euros par exploitation et par an). Grégory Chardon a par ailleurs dénoncé la multiplication des interdictions de produits phytopharmaceutiques. « Les filières agricoles françaises sont mises en danger au profit de produits importés qui, eux, ne respectent pas nos exigences de production », s'est-il indigné. Et il s'est réjoui que le ministre ait signé le préambule du « contrat de solutions » proposé par la FNSEA et une quarantaine d'organisations agricoles.« Greenpeace et L214 violent nos fermes »
Grégory Chardon a ensuite évoqué le « ras-le-bol » des agriculteurs face aux incessantes attaques sur leur métier, l'agribashing. « Greenpeace et L214, entre autres, violent nos fermes. C'est intolérable et la FDSEA s'y opposera », a-t-il souligné. Un autre sujet concerne l'accès à l'eau pour l'irrigation. « L'assouplissement des réglementations relatives à la création de retenues collinaires est fondamentale de même qu'un moratoire sur la baisse des pourcentages de prélèvement autorisé en eau. » Par ailleurs, le président de la FDSEA a mis en avant la mobilisation syndicale pour accompagner les exploitations sortant des zones défavorisées simples (ZDS). Des fonds du Département permettront de réaliser des audits pour, ensuite, mettre en place des mesures concrètes.Loup : « Une situation hors de contrôle »
Quant au loup, dossier récurrent, « la situation est devenue hors de contrôle, a estimé Grégory Chardon. Ce que nous voulons, c'est zéro attaque afin que les éleveurs puissent travailler sereinement. » L'annonce par le chef de l'Etat, à Gréoux-les-Bains le 7 mars, d'une hausse du taux de prélèvement de loups est un premier pas apprécié. Le président de la FDSEA a par ailleurs évoqué les aléas climatiques et le travail réalisé pour les faire reconnaître.
Sur la plupart des sujets évoqués, le ministre de l'Agriculture a apporté des réponses ou fait des commentaires (lire ci-dessus).
C. Ledoux
Ils ont dit /




