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Flore

Faire face et s’adapter aux plantes envahissantes

Les plantes exotiques envahissantes (PEE) peuvent poser problème en termes d’impact sur la santé, l’environnement ou l’économie. Ces « vagabondes » concernent l’ensemble des acteurs, des producteurs aux distributeurs, sans oublier les agriculteurs, paysagistes, les collectivités locales, les entreprises de travaux publics et les consommateurs.
Faire face et s’adapter  aux plantes envahissantes

On les nomme couramment plantes exotiques envahissantes (PPE). Les intervenants d'une rencontre, qui s'est déroulée à Chambéry (Savoie) ont plutôt démontré que le mot exotique est inexact. Le riz de Camargue aujourd'hui AOP a été introduit au XIIIe siècle depuis la Chine. Donc l'exotisme, c'est surtout une question de frontière et de temps !

Pas de consensus

Olivier Filippi, pépiniériste, apporte un regard original sur les plantes envahissantes.

Olivier Filippi, pépiniériste dans l'Hérault, spécialiste dans la production de plantes adaptées aux conditions difficiles et expert des plantes exotiques et envahissantes à la FNPHP(1) a tout d'abord proposé un regard différent sur ces plantes « dites envahissantes ». Il n'y a pas vraiment de consensus scientifique sur la définition de la plante envahissante. C'est une plante qui entre en compétition et prend la place d'une autre. Elle peut créer une rupture dans un écosystème, mais pas toujours. Elle peut parfois avoir un impact positif. Ces moyens d'introduction sont très souvent le déplacement de l'homme, mais pas uniquement. Il y a aussi la zoochorie (graine ou diaspore transportées par les animaux), l'anémochorie (par le vent), et l'hydrochorie (par l'eau).

La roue tourne

Renouée du Japon

Pour Olivier Filippi, deux visions de la nature s'affrontent : il y a ceux qui pensent que la nature est un trésor et que rien ne bouge, et ceux qui considèrent que la roue tourne, que tout évolue (même l'homme !) et que ça va continuer à bouger. Il donne ainsi l'exemple de l'algue tueuse qui s'est échappée d'un laboratoire de Monaco en 1984 (Caulerpa taxifolia) et qui a envahi les fonds marins en Méditerranée, « elle est en train de dépérir et peut-être de disparaître. Mais comme très souvent, les médias n'en parlent plus, car on préfère toujours développer les propos anxiogènes. La plante invasive c'est pareil, on cultive la peur de l'envahisseur ! ». La ronce et le lierre sont aussi des espèces envahissantes, mais comme on les connaît, c'est moins effrayant. La notion de temps est aussi à prendre en compte. Le chêne à feuille caduque symbole Gaulois est arrivé en France il y a 13 000 ans. Et le réchauffement climatique risque bien de faire disparaître des variétés présentes dans le Sud pour les voir s'installer en Bretagne. Ainsi, pour Olivier Filippi, « sur 1 000 espèces introduites, 100 vont peut-être rester, 10 vont effectivement envahir et une seule sera peut-être une peste terrifiante à éliminer ».

Se poser les bonnes questions pour agir

Ambroisie.

Pour s'adapter aux plantes envahissantes, il faut donc dans un premier temps les catégoriser et faire des choix, pour savoir si on peut les utiliser ? Comment et pourquoi ? Si elles ont un impact négatif voire dangereux pour la santé, l'environnement et l'économie ? Actuellement, environ 300 plantes sont listées, mais globalement elles sont une cinquantaine à poser problème : 20 plantes sont en liste de consensus, 11 espèces sont réglementées et 13 plantes sont soumises à réglementation. Les entreprises de la filière horticole (du producteur au distributeur) se sont engagées dans un Code de bonne conduite (lire encadré ci-dessous). La Fédération des producteurs de l'horticulture et des pépinières des Savoie et l'Union horticole régionale, à l'origine de cette rencontre, ont invité les acteurs du végétal à agir ensemble. Les représentants des collectivités locales, les architectes paysagers ont mesuré l'impact de leurs décisions dans le choix des végétaux qu'ils proposent. Une représentante d'une grande entreprise de travaux publics expliquait la difficulté de combattre ses espèces envahissantes, et le coût que cela peut engendrer, « certains vont respecter des cahiers des charges exigeants de la part des collectivités pour lutter contre l'ambroisie, d'autres vont être moins rigoureux... ». Le débat sur la responsabilité est soulevé, avec l'inquiétude des producteurs de plantes d'être toujours au bout de la chaîne, et donc désignés coupables.

Combattre la renouée du Japon

Yannick Cariou, conseiller environnement à la Fredon Rhône-Alpes a présenté le rôle de la fédération régional de défense contre les organismes nuisibles. Parmi la surveillance sanitaire des végétaux, la lutte contre l'ambroisie et la renouée du Japon a été expliquée. Après une connaissance précise de la plante, comment se reproduit- elle ? Dans quel environnement et quels sont les facteurs de propagation ? La Fredon a défini les actions préventives à mettre en place, puis les actions curatives pour éradiquer ou gérer une plante envahissante. Pour la renouée du Japon, le pâturage par les ovins et caprins a un impact positif. Il ne faut surtout pas broyer ou composter ces végétaux et être très vigilant sur le nettoyage du matériel de terrassement qui peut disséminer cette plante. Le plus efficace est de maintenir les espèces herbacées et arbustives déjà existantes ou de planter des espèces compétitrices comme le sureau yèble ou la bourdaine.

L'ambroisie à feuille d'armoise un danger

Pour l'ambroisie à feuille d'armoise, qu'il ne faut pas confondre avec l'armoise commune, la propagation se fait par les graines qui sont disséminées autour du pied mère ou dispersées et transportées par l'activité humaine (engins de TP ou agricole). Cette plante dont le pollen provoque de graves problèmes de santé (gênes respiratoires, rhinites, asthme, conjonctivites, etc.) doit être combattue par la végétalisation systématique des chantiers pour empêcher son implantation. Lorsque la présence de l'ambroisie est confirmée, il faut l'arracher manuellement ou par lutte thermique. Si l'infestation est étendue, la lutte passe par le fauchage, la tonte, le broyage, voir le décaissage, le criblage, l'enfouissement et la restauration du terrain. Dans tous les cas, la lutte contre l'ambroisie doit être faite avant la floraison, pour éviter l'émission de pollen, soit avant fin juillet, début août. Un plan d'action régional de lutte contre l'ambroisie piloté par l'ARS Auvergne Rhône-Alpes est en place depuis 2012.

Claudine Lavorel
(1) FNPHP : Fédération nationale des producteurs de l'horticulture et des pépinières.

 

Réglementation / 

La réglementation vis-à-vis des espèces exotiques envahissantes se base actuellement sur un règlement européen (1143/2014 du 22/10/2014) qui fixe le cadre général. Ce règlement s’articule autour de trois axes : la prévention, la détection précoce et l’éradication rapide. La Commission européenne a adopté le 13 juillet 2016 la première liste des espèces préoccupantes pour l’UE (règlement d’exécution 2016/1141). 37 espèces exotiques envahissantes ont été désignées, dont 14 pour la flore et 23 pour la faune.
Actuellement sur la région Auvergne-Rhône-Alpes, sept plantes sont repérées : baccharis, jacinthe d’eau, grand lagarosiphon, jussie à grandes fleurs, jussie rampante, lysichiton américain ou faux-arum, myriophylle du brésil.

 

Interprofession / Le code de conduite est une charte élaborée en commun qui permet aux professionnels de la filière horticole de s’engager sur la problématique des plantes exotiques envahissantes.

Un code de conduite pour proposer des plantes de substitution

Romain Manceau, chargé de mission à Val’hor.
Val’Hor, l’interprofession française de l’horticulture, de la fleuristerie et du paysage, avec l’appui technique de l’Astredhor, institut technique qualifié de la filière sont à l’origine d’un code de conduite des plantes envahissantes. Cette charte élaborée en commun est un outil complémentaire aux législations existantes et qui a pour objectif de limiter la dispersion des plantes exotiques envahissantes ayant des impacts négatifs reconnus. Ce code de bonne conduite est fondé sur le principe de l’autorégulation, les professionnels montrant leur volonté et leur capacité à traiter une problématique environnementale. Il propose la mise en place de mesures concrètes et de bonnes pratiques, comportant des restrictions totales ou partielles d’utilisation de certaines plantes dans des conditions bien définies. La communication vers le public est partie intégrante du code de conduite, afin d’informer tant les professionnels que les consommateurs. Romain Manceau, chargé de mission à Val’hor, a rappelé l’histoire de la circulation des végétaux et de l’intérêt pour la botanique dès la renaissance et surtout depuis la création de l’imprimerie « qui a permis de transmettre les connaissances ».
Le code de conduite permet lui aussi de « croiser les connaissances. Il doit déboucher sur une liste d’interdiction totale, sur une liste de plantes soumises à recommandation et sur une liste de plantes de substitutions à recommander ». 
Pour en savoir plus : www.codeplantesenvahissantes.fr