Accès au contenu
Syndicalisme

FDSEA : « Ce qu'il faut, c'est du prix »

Poursuivant ses rencontres avec les nouvelles députées, la FDSEA a invité Emmanuelle Anthoine sur une exploitation du Nord-Drôme.
FDSEA : « Ce qu'il faut, c'est du prix »

Lundi dernier, la FDSEA a convié la députée du Nord-Drôme, Emmuelle Anthoine, à une rencontre agricole. Et c'est à Geyssans, dans la cour de ferme du Gaec Juven, qu'a eu lieu ce rendez-vous. Un Gaec créé en 1982, orienté sur l'élevage, composé aujourd'hui d'Eric, le père, et de ses deux fils, Loïc et Nicolas. « Je suis là pour vous écouter avec humilité », a dit la nouvelle parlementaire après avoir été accueillie par Grégory Chardon, président de la FDSEA de la Drôme, et Céline Ferlay, secrétaire générale, laquelle a présenté le fonctionnement de la fédération.
Localement, sous l'effet des crises et autres difficultés, la densité d'éleveurs s'érode. Or, « sans élevage, 40 % de la surface agricole disparaîtrait ici», a fait remarquer Eric Juven. Lui comme d'autres ont exprimé un sentiment d'abandon et d'éloignement des décideurs. « L'entretien des chemins ruraux laisse à désirer, a-t-il regretté. Et les accès à la voirie sont de plus en plus difficiles car les nouveaux élus, plutôt d'origine urbaine, n'ont pas conscience des nécessités de l'agriculture. » La députée a alors souligné l'importance pour les agriculteurs de s'engager dans les conseils municipaux. Un engagement devenu cependant difficile eu égard aux difficultés et contraintes du métier d'éleveur.

Défendre tous les modèles agricoles

« Il est important d'avoir des interlocuteurs de terrain », a dit la députée Emmanuelle Anthoine, lors de cette rencontre.
© Journal L'Agriculture DrômoiseLa FDSEA a convié la députée du Nord-Drôme, Emmuelle Anthoine, à une rencontre agricole à Geyssans, dans la cour de ferme du Gaec Juven. La discussion a été nourrie pendant près de deux heures.
© Journal L'Agriculture Drômoise

Des contraintes justement, il en a été fortement question comme celles pesant sur les élevages avicoles industriels « injustement décriés » aux yeux des associés du Gaec. « Pourtant, face aux risques sanitaires, ce sont des élevages sûrs », a assuré Loïc Juven. Très vite, la discussion a pointé certains lobbies et médias influençant les décideurs politiques. « A Paris, le modèle de l'agriculture biologique prédomine. Nous, nous sommes pour tous les modèles, a indiqué Grégory Chardon. « Il faut pouvoir couvrir tous les besoins alimentaires et donc ne pas opposer les systèmes d'exploitation », a appuyé Jean-Pierre Royannez, responsable de la commission économique de la FDSEA. D'autres voix ont pointé des incohérences en termes d'approvisionnement alimentaire des cuisines centrales. « En plein été, nous avons trouvé des haricots d'Afrique du Sud à l'hôpital de Romans. Et tous les autres produits venaient de l'étranger », a déploré Jean-Baptiste Vye, nuciculteur. « Dans une cuisine centrale de Valence, nous avons été stupéfaits de voir des pêches espagnoles en pleine saison estivale », a ajouté Grégory Chardon. La députée a assuré avoir agi lorsqu'elle était conseillère départementale afin que les collèges s'approvisionnent localement.
Evoquant ensuite la suppression du diméthoate, « cela conduit à faire plus de traitements qu'auparavant sans obtenir de résultats probants », a fait remarquer le président de la FDSEA. « Et la suppression brutale du glyphosate, c'est totalement incohérent », a ajouté Jean-Pierre Royannez. Sans compter, entre autres, les difficultés qu'il y aurait à détruire l'ambroisie sans cet herbicide...

Un prix du lait bloqué

« Ce n'est pas normal que notre revenu se fasse avec les aides, sinon nos exploitations seront toujours malades. Ce qu'il faut, c'est du prix », a confié Eric Juven.
© Journal L'Agriculture Drômoise

Autre sujet de cette rencontre, le prix du lait de vache. « L'eau d'Evian est à 0,36 euro quand le litre de lait à la production est à seulement 0,30 euro. Cherchez l'erreur », a dit Jean-Pierre Chancrin, éleveur. Ont été pointés du doigt un prix du lait en France plus faible que dans d'autres pays de l'Union européenne et des cours du beurre qui explosent alors que ceux du lait restent bas. « Nous avons besoin de perspectives. Avec un lait à 0,40 euro, nous pourrions créer des milliers d'emplois », a-t-il ajouté. Jean-Pierre Royannez a mis l'accent sur les difficultés économiques, malgré la mise en place du plan de soutien à l'élevage. « Certaines échéances ont été reportées. Mais, avec un prix du lait qui n'est pas remonté, les problèmes sont toujours là. » Pourtant, les indicateurs sont à 340 euros la tonne de lait de vache. « Mais les acheteurs ne veulent pas payer ce prix, a déploré Eric Juven. Il faut sortir d'une négociation établie sur un prix de base. » Pour les éleveurs, il n'est pas acceptable que les hausses de cours ne soient pas répercutées à la production. « Lorsque les cours du pétrole montent, les prix à la pompe augmentent, et inversement, a fait remarquer Jean-Baptiste Vye. En lait, ça ne remonte jamais ! » De quoi alimenter, une fois de plus, une discussion sur l'« injuste » répartition des marges. Un débat au cœur des premiers ateliers des Etats généraux de l'alimentation et pour lequel la FDSEA a demandé à la députée la plus grande vigilance sur la suite qui sera donnée aux annonces jugées positives du président de la République (lire notre dossier publié le 19 octobre).
D'autres points ont été abordés : le retard de versement des aides Pac, la prolifération du loup, le prix jugé prohibitif des vaccins, la situation économique des exploitations. « Pour la première fois, le résultat du Gaec se fait par les aides, a confié Eric Juven. Ce n'est pas normal que notre revenu se fasse ainsi, sinon nos exploitations seront toujours malades. Ce qu'il faut, c'est du prix. »

Christophe Ledoux
Repères /
Gaec Juven
Trois associés.
30 vaches allaitantes.
65 vaches laitières.
540 000 litres de quotas en IGP Saint-Marcellin vendus à la Fromagerie alpine.
26 000 poules pondeuses. Production vendue au Groupement œufs Sud-Est.
200 hectares de terre dont 120 de prairies, 5 de vergers (abricot et noix), le reste en céréales.
Autonomie fourragère du troupeau bovin.
Vente directe de viande à la ferme.
Vente d'autres produits sur un marché à Romans.

 

Réglementation /

La double peine

C'est un véritable coup dur pour les associés du Gaec Juven. Coup sur coup, leur commune entre dans le périmètre de la zone vulnérable aux nitrates et risque de sortir du classement en zone défavorisée simple (ZDS). Sur l'exploitation, cela engendrerait de nouvelles contraintes (en matière de stockage des effluents d'élevage) et la perte d'aides directes (évaluée à 4 000 euros d'ICHN). « Avec la révision des ZDS, repoussée à 2019, les critères d'éligibilité sont calculés par petites régions agricoles, a expliqué Jean-Pierre Royannez. Ici, le périmètre comprend des zones viticoles. Ca change la donne alors que les communes concernées, dix-neuf en Drôme, ont des profils inchangés. » Il a demandé à Emmanuelle Anthoine d'être très vigilante sur ce dossier.
S'agissant de la zone vulnérable (ZV), c'est l'incompréhension. « La qualité de l'eau de notre rivière a évolué dans le bon sens, a fait remarquer Eric Juven. Il y a un problème dans les points de prélèvements servant aux analyses. » L'entrée en ZV remet en cause les mises aux normes déjà engagées. « On demande aux éleveurs de s'endetter à nouveau pour investir dans du stockage qui ne rapporte rien. Il faut différer cette mesure au-delà d'octobre 2018, date limite d'engagement des travaux », a insisté Jean-Pierre Royannez.
C. L.