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Arboriculture

Filière abricot : être prospectifs pour assurer l'avenir

Dédiés à l'abricot cette année, les Rendez-vous de l'arbo en Rhône-Alpes se sont intéressés, entre autres, aux perspectives du verger et enjeux de demain.
Filière abricot : être prospectifs pour assurer l'avenir

Quelles perspectives pour le verger d'abricotiers rhônalpin de demain ? C'était l'un des thèmes de la cinquième édition des Rendez-vous de l'arbo en Rhône-Alpes, journée organisée le 13 décembre à Valence par l'association Fruits plus.
Chercheur à l'Inra, Jean-Marc Audergon a donné son regard. Si l'on se projette dans l'avenir, d'après les modèles de simulation, les risques de gel devraient s'accroître significativement. Dans la région, la levée de dormance devrait être plus tardive et la floraison plus précoce car, pour passer de l'une à l'autre, les besoins en chaleur seront satisfaits en peu de temps. Les données déjà acquises laissent voir des signes forts de changements climatiques. Alors, « ne faut-il pas d'ores et déjà imaginer d'intégrer ces risques dans le matériel végétal ? »

 

Repenser le système d'évaluation des variétés

Jean-Marc Audergon, chercheur à l'Inra, a donné son regard sur les perspectives du verger d'abricotiers rhônalpin.

Moins traiter chimiquement les fruits pour répondre à la demande sociétale conduira à la réémergence d'agents pathogènes. Mais associer, dans une variété, la tolérance à plusieurs maladies (sharka, enroulement chlorotique, chancre bactérien, monilia...) n'est pas simple pour la recherche. « Au plus le nombre de traits de caractère cumulés est important, au plus la tâche devient compliquée, a remarqué Jean-Marc Audergon. On ne pourra pas y aller de manière ciblée pour l'ensemble des agents pathogènes. Il faut repenser le système d'évaluation actuel, qui est performant pour des innovations incrémentales(*) mais peut-être pas compatible avec les enjeux prospectifs. »
Autre sujet, en termes de qualité des abricots, « les consommateurs ont l'impression d'être à la loterie ». Là, Jean-Marc Audergon a noté des progrès : la possibilité avec la technique infrarouge de définir la teneur en sucres des fruits, l'acidité... « C'est un espace à enjeux ». Et d'en citer un autre à exploiter : la valeur santé des fruits contenant des fibres (protection contre le cancer du colon), vitamines, polyphénols...

Définir les objectifs

Concernant la diversité des systèmes de production, qui s'accroît, le chercheur a noté l'impossibilité d'une démarche exhaustive. Les points les plus importants devront donc être identifiés. Certains pourront se régler en ajustant les techniques culturales. Par contre, entrer un facteur de résistance prend du temps (plus de 20 ans).
Et de lancer un message : « Vous allez avoir des besoins différents. Il faudra introduire des éléments complémentaires. Est-on capable d'associer l'ensemble des acteurs de la filière pour réfléchir sur les enjeux prospectifs, définir les objectifs à court et long termes ? Vous avez des ressources, une diversité génétique, un marché plutôt ouvert et des enjeux (qui s'empilent) à objectivement analyser afin d'en tirer le meilleur pour vous ».

Des pistes de travail

Frédéric Chatagnon, dirigeant du cabinet Sève conseil, a proposé des pistes de travail « pour, demain, être attractifs et rentables sur les marchés ».

La filière a obligation d'être prospective si elle ne veut pas aller dans le mur, a appuyé Frédéric Chatagnon, dirigeant du cabinet Sève conseil. Il a proposé des pistes de travail « pour, demain, être attractifs et rentables sur les marchés ».
Sur le marché français, il s'agit de « faire de la qualité », davantage affirmer l'identité et les spécificités de la filière abricot française. Mais aussi gérer la qualité par la segmentation et en éliminant les « dérives », diversifier les variétés du dernier tiers de saison (moins de bergeron). L'intervenant suggère encore d'apporter une meilleure lisibilité sur la diversité variétale et les niveaux d'offre car « les marchés ont besoin d'anticiper. Ils ne peuvent être constamment dans l'inconnu ou la spéculation ».
Sur les marchés export et industrie, c'est segmenter et faire de la productivité, optimiser la chaîne de valeur pour des programmes export concurrentiels, fidéliser les marchés qualitatifs rémunérateurs actuels, en conquérir de nouveaux.
A ces thèmes de travail, Frédéric Chatagnon en ajoute un autre, plus transversal. Il incite producteurs et metteurs en marché à être dans le dialogue, notamment pour le choix des variétés. Et d'observer : « Des passerelles entre bassins de production de l'abricot sont obligatoires. Car les clients pensent approvisionnement multibassins. Déjà des entreprises ont organisé ces alliances stratégiques pour avoir des marchés ensemble ».
Le président de Fruits plus, Régis Aubenas, a assuré qu'il y avait consensus sur ces pistes. « Nous devons prendre la main, construire ce travail à l'échelle du bassin, a-t-il dit. Mais la majorité des opérateurs faisant du volume sourcent sur l'ensemble des bassins. La réflexion doit donc être transversale, conduite avec la filière nationale. »

Annie Laurie

(*) Evolutions à la marge.

 

Marque collective
 
Bleu blanc cœur, une démarche de filière réussie
 
ierre Weil, fondateur et vice-président de « Bleu blanc cœur ».
Aux Rendez-vous de l'arbo, un exemple de démarche de filière réussie est venue en illustration : la marque collective « Bleu blanc cœur ». Une démarche innovante d'agriculture à vocation santé. Elle intègre des objectifs nutritionnels pour l'homme, de respect de la santé des animaux et de l'environnement.
Aujourd'hui, le logo « Bleu blanc cœur » est porté par 1 500 produits et présent dans 26 pays, a indiqué son fondateur, Pierre Weil. L'association du même nom rassemble 500 adhérents répartis en huit collèges : production végétale, animale, nutrition animale, producteurs fermiers, transformateurs, distributeurs, scientifiques et consommateurs.
IMG 4016 : Pierre Weil, fondateur et vice-président de « Bleu blanc cœur ».

 

Plantation et protection / Le verger régional d'abricotiers a besoin de rajeunir. Pour aider la prise de décision de planter ou non, des éléments économiques ont été donnés et les dispositifs de soutien public rappelés lors des Rendez-vous de l'arbo en Rhône-Alpes.
 
« La rénovation des vergers est fondamentale »
 
Le verger de l'AOP abricot compte 4 239 hectares en 2016, dont 1 876 en Rhône-Alpes (44 %), 1 415 en Gard-Crau-Corse (34 %) et 948 dans le Roussillon (22 %). Le taux de renouvellement est de 5,3 % à l'échelle de l'AOP mais de seulement 3,5 % dans notre région. Plus de la moitié des vergers de l'AOP a moins de 10 ans. En Rhône-Alpes, près du tiers des surfaces et la moitié du verger de bergeron ont plus de 20 ans. Si cette variété y occupait 1 122 hectares en 2012 (54 % des surfaces), elle en a perdu 231 depuis (- 21%). Une légère reprise des plantations d'abricotiers est toutefois observée cette année dans notre bassin de production. Dans les autres, elles sont stables. Pour Régis Aubenas, président de Fruits plus, « la rénovation des vergers est fondamentale ». Mais quels sont ses coûts ? Aux Rendez-vous arbo en Rhône-Alpes, il a restitué une étude réalisée en partant des fiches technico-économiques établies par la chambre d'agriculture de la Drôme (actualisées chaque année dans le cadre d'un observatoire, avec des fermes de référence).
« Nous devons prendre la main », a confié Régis Aubenas, président de Fruits plus.
Des indicateurs économiques
A partir de cette base, il a été demandé au CER France Drôme Vaucluse d'intégrer des variables (verger protégé, assurance grêle ou non, aides publiques ou pas), de les faire « bouger » pour voir les résultats en termes de marges brutes. L'idée était de donner des chiffres locaux, de la lisibilité économique sur les coûts et la rentabilité, de démontrer la faisabilité. « Avec une conduite sérieuse, un itinéraire technique optimisé qui entre dans une démarche agro-économique, cela peut fonctionner », a indiqué Régis Aubenas. Cette étude sur les coûts de la rénovation variétale est consultable sur le site internet de Fruits plus (www.fruitsplus.net). Sophie Stévenin, responsable de l'équipe arboriculture à la chambre d'agriculture, s'est chargée des aspects technico-économiques et agronomiques de ce travail et Claire Chuillon, au CER France Drôme Vaucluse, de la partie plus financière ainsi que de l'intégration des variantes.
Des dispositifs d'aide
Claude Aurias, conseiller régional, a annoncé un plan fruits, qui sera opérationnel dès le 1er janvier 2017.
Pendant cette présentation, le président de Fruits plus a rappelé les aides publiques existantes. Les arboriculteurs peuvent avoir accès à des financements FranceAgriMer et Feader(1) pour la rénovation des vergers : prise en charge à 40 % de l'achat des plants (sur facture), du coût de préparation du sol et de plantation (forfait), soit une subvention moyenne de 3 440 euros à l'hectare. Et de préciser : « Nous sommes en discussion avec la Région pour qu'elle ouvre une ligne budgétaire sur la rénovation du verger. Cela permettrait de bénéficier euro pour euro de l'aide Feader. » Un tel soutien faisait partie du Crof(2) signé avec la précédente majorité régionale. Et Claude Aurias, conseiller régional, a annoncé un plan fruits « travaillé avec la profession ». La Région a décidé de doubler son soutien à la protection physique des vergers (filets paragrêle et contre les insectes). « Il sera de 800 000 euros pour 2017 et d'un million en 2018, a précisé l'élu. Ce plan fruit sera opérationnel dès le 1er janvier 2017. Il est axé sur une somme de deux millions d'euros. Et le taux d'aide passera de 40 à 60 %. C'est un effort conséquent. »
A.L.
(1) Feader : fonds européen agricole pour le développement rural.
(2) Crof : contrat régional d'objectif de filière.