Filière caprin-ovin lait : la Région s’engage

La prédation du loup, la collecte de montagne, la charte pour l'installation en élevage caprin, la maîtrise technique, le retard de paiement des aides, la détresse du monde agricole, les enjeux de la production fermière et du lait cru... Ce sont en résumé les principaux sujets abordés le vendredi 26 octobre à Brette, sur les terres du Gaec de Brettevieille qui accueillait la signature du plan de filière régional caprin-ovin lait, en présence de Jean-Pierre Taite, vice-président délégué à l'agriculture, à la viticulture et aux produits du terroir à la Région Auvergne-Rhône-Alpes, de nombreux éleveurs, élus locaux et représentants d'organisations agricoles.
Un plan et trois axes d'intervention
Ce plan se décline en trois axes d'intervention. Le premier vise ainsi à améliorer la cohésion et l'efficacité des filières en renforçant les relations entre les acteurs, en leur permettant d'avoir une vision partagée et de bâtir des stratégies communes. Il s'agit également d'aider les producteurs à s'adapter et à répondre aux demandes spécifiques de leur filière. Le deuxième axe est quant à lui centré sur la performance technique et économique des élevages, avec un premier volet sur les outils, les méthodes, la compétence des techniciens et un second d'actions et de conseils. Enfin, le troisième axe est consacré à la valorisation des trois fromages AOP régionaux (Picodon, Chevrotin, Rigotte de Condrieu), au développement de la viande caprine, ainsi qu'à la communication générique et de promotion des filières et de leurs produits. In fine, le montant du budget alloué sur la période 2018-2020 s'élèvera à près de 1,2 million d'euros.
Plusieurs professionnels présents n'ont pas manqué de souligner leur satisfaction, à l'instar d'Yves Odouard, éleveur à Saint-Genest-Malifaux (Loire). Celui qui est aussi le président de l'association des bergers fromagers rhônalpins a en effet rappelé que les éleveurs ovins lait avaient besoin de formations et qu'ils étaient éloignés les uns des autres sur le territoire. Ce plan leur permettra ainsi de bénéficier de financement pour l'animation ou encore d'appui technique. « Nos problématiques ont été prises en compte, le plan est adapté à nos besoins », a indiqué Frédéric Blanchard, éleveur en Isère et président du comité de la filière caprine.
Prédation du loup : des témoignages
Mais si ce plan vise à soutenir une filière et maintenir une activité économique sur des territoires ruraux, et notamment les massifs, il n'en reste pas moins que d'autres problématiques inquiètent les éleveurs. Et en premier lieu la prédation du loup, témoignages à l'appui. Le Gaec de Messagendre, à Menglon, élève une centaine de brebis, en bio. Une attaque s'est déroulée l'an dernier. Les éleveuses ont ainsi expliqué devant l'assistance quelles furent les indemnités perçues, en deçà du revenu que les associés auraient pu gagner grâce leur troupeau. Les bêtes ne peuvent pas être rentrées la nuit. En raison de la proximité d'une école et de la vente de fromages en direct, elles se refusent par ailleurs à prendre un patou. « Qu'on ne nous impose pas des règlements qui ne nous sont pas adaptés », ont-elles demandé.
« Le loup est un cancer qui nous ronge depuis de nombreuses années, a confié Eliane Bres (Gaec de Brettevieille). Il fait partie de nos vies, pas un jour sans penser à lui. Nos chèvres ne restent jamais seules aux pâturages, elles sont toujours gardées par quelqu'un. Nous ne voulons pas courir le risque de voir détruire notre troupeau comme cela arrive trop souvent chez des collègues. La garde n'est plus sereine, les bêtes savent que le loup est là. Il y a des parcelles où nous ne pouvons plus les emmener, elles ne veulent pas y rester car elles le sentent qui rôde et rentrent sans même attendre leur berger. »
Pour Jean-Pierre Taite, « une vraie fracture est en train de s'ouvrir entre le monde rural et les métropoles. L'agriculteur doit reprendre sa place dans le monde politique si on ne veut pas que des écolos-bobos dictent leur propagande sectaire sur ce qu'est l'écologie et le monde rural. Je sais que les jeunes agriculteurs sont très occupés mais ça passe par là », a-t-il déclaré, tout en précisant respecter le pluralisme. La Région a signé un avenant et mis sur la table près de 200 000 euros pour la protection des troupeaux contre le loup.
Des aides pour la collecte de montagne
Un autre avenant concerne des aides pour la collecte de montagne (450 000 euros). Quoi de mieux d'avoir choisi le village de Brette et ses routes sinueuses pour illustrer cette thématique. Ici, le trajet se compte en temps et non en kilomètres. Une situation qui n'est pas sans impact pour les collecteurs. Outre le temps de parcours qui n'est pas le même qu'en plaine, les véhicules doivent être adaptés. Le groupe Eurial a ainsi présenté un camion avec un circuit double-pompage, des chaînes automatiques ainsi que trois compartiments pour ne pas mélanger les laits. « On va collecter ici 10 000 litres, alors que l'on en collecte 25 000 dans l'Ouest. Le coût va être à 60 euros les 1 000 litres, c'est moitié moins dans l'Ouest », a-t-on précisé.
A. T.
Contact et information sur le plan filiere auprès d'Auvergne-Rhône-Alpes Élevage : www.aurafilieres.fr
REPÈRES / Focus sur les filières laitières caprines et ovines de la région
En Auvergne-Rhône-Alpes, on compte aujourd’hui 1 350 éleveurs caprins ; un millier d’entre eux transforment à la ferme (dont 850 sur la zone Rhône-Alpes). Certaines exploitations choisissent également de livrer tout ou partie de leur lait. Le marché paraît par ailleurs favorable et la recherche de volumes est continue.La filière ovin lait recense 170 éleveurs de brebis laitières installés au cœur de la grande région ; 150 d’entre eux transforment leur lait à la ferme. « Il y a eu beaucoup d’installations ces dix dernières années. Le recensement agricole de 2010 mentionnait 60 éleveurs en 2010 pour Rhône-Alpes, cette zone en compte aujourd’hui 125 », a indiqué Nathalie Morardet, animatrice du plan de filière. Cette dernière précise aussi que les modèles de production sont également très diversifiés. Autre chiffre clé : 40 % de la production est en bio.