Fin des néonicotinoïdes : le long chemin de la lutte intégrée

Alors que jusqu'en septembre dernier, les néonicotinoïdes constituaient la base des stratégies de protection anti-insectes, lutter contre les pucerons de l'aubergine en s'alliant avec leurs prédateurs est une alternative habile, mais elle est plus complexe qu'il n'y paraît au premier abord. En effet, pour proliférer, les prédateurs du puceron de l'aubergine doivent avoir beaucoup de pucerons à manger... Les courbes, projetées par Sébastien Picault, ingénieur de recherche et d'expérimentation au CTIFL (Centre technique interprofessionnel des fruits et légumes), le montrent : quand les populations du puceron de l'aubergine augmentent, peu de temps après les populations de ses prédateurs se mettent à croître elles aussi, parce que bien nourries. Les prédateurs finissent par éliminer le puceron de l'aubergine, mais ce phénomène n'intervient qu'une fois que les dégâts ont été occasionnés sur les plantes... L'idée du projet Reguleg est d'accroître les populations de prédateurs bien avant l'arrivée du puceron sur l'aubergine : pour cela on donne des pucerons du blé en pâture aux prédateurs.
Ces pucerons s'installent en effet sur le blé très tôt (voir encadré) et sont inoffensifs pour l'aubergine. On les laisse proliférer pour que leurs populations augmentent. Celles des prédateurs augmentent elles aussi peu après et sont alors suffisamment développées et actives au moment où les premiers pucerons de l'aubergine commencent à arriver.
Des températures trop basses peuvent paralyser la lutte biologique
« En théorie, cette stratégie est intéressante. Mais son efficacité dépend des conditions dans lesquelles elle est mise en œuvre, et en particulier des températures », a prévenu Sébastien Picault. En effet, il faut 16 degrés pour que les prédateurs se développent, alors que 12 degrés suffisent à engendrer la prolifération du puceron de l'aubergine. D'où l'utilisation, dans les prochaines expérimentations, de voiles de forçage pour élever la température. « Je ne sais pas si ça va marcher », a commenté Sébastien Picault. Les premiers résultats du projet Reguleg seront publiés en 2019, notamment lors de la visite d'essais qui sera organisée le 6 juin par le centre CTIFL de Carquefou. Le projet Reguleg a commencé en 2018 et s'arrêtera en 2020. Mené par le CTIFL, il est soutenu financièrement par l'Agence française pour la biodiversité (liée au ministère de la Transition écologique), par le Casdar (Compte d'affectation spécial pour le développement agricole et rural) et l'Ademe (Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie).
M. N.
(1) Sival : Salon des techniques des productions végétales autres que les grandes cultures (maraîchage, arboriculture, viticulture, horticulture).
Plantes ressources et plantes de service
Dans son intervention, Sébastien Picault a utilisé souvent les termes « plantes ressources et plantes de service ». Il a aussi employé le terme « plantes banques ». Les plantes ressources sont les plantes comestibles, qui servent à la consommation en alimentation (humaine ou animale) ou en chimie ou énergie. Les plantes de service sont des plantes qui rendent des services en dehors de leur fonction de ressource. Elles regroupent les « plantes banques », aussi appelées « plantes relais », qui servent à attirer les ennemis des cultures, et les plantes répulsives, qui font fuir les ravageurs (insectes, nématodes, rongeurs). Certaines plantes répulsives ont des actions antifongiques, comme l’ortie, la lavande, le thym.
Maraîchage / Au Sival, un programme de suivi de bio-indicateurs pour l’augmentation de la biodiversité des sols maraîchers, intitulé Biodiv’sol, et mené par le CTIFL, a par ailleurs été présenté.