Fluides frigorigènes : attention au changement de réglementation !

Que ce soit en conception, en rénovation ou même en maintenance, les fuites de fluides frigorigènes sont à éviter. Or, elles peuvent être importantes : une étude menée en France, en 1997, avait montré qu'elles pouvaient atteindre 30 % de la quantité totale en poids (ou en masse) de fluides frigorigènes présente dans les installations frigorifiques des grandes surfaces. Depuis, des réglementations se sont attaquées à ces problèmes, imposant notamment le remplacement progressif des HFC (HydroFluoroCarbures /gaz fluorés) à haut GWP1.
Le dernier règlement F-Gas de 2014 (CE 517/2014) impose à tous les pays membres de l'Union européenne (UE) de diminuer progressivement l'usage et la disponibilité des HFC. L'objectif visé est une réduction de 79 % d'ici 2030.
Trois points importants
Cette réglementation met en exergue trois points importants :
- une réduction de la mise sur le marché des HFC : les installations contenant des HFC connaîtront une restriction progressive (mais rapide) sur le marché. L'objectif est de passer progressivement vers des gaz alternatifs plus respectueux de l'environnement pour les équipements de surgélation, refroidissement rapide et conservation (fonctionnant notamment à l'ammoniac ou au CO2).
En effet, dès le 1er janvier 2020, la mise sur le marché de réfrigérateurs et congélateurs hermétiques à usage commercial contenant un HFC avec un GWP supérieur ou égal à 2 500 sera interdite. De la même manière, il sera interdit de recharger les installations avec ces HFC (avec un GWP > 2 500) dans les équipements dont la charge est supérieure à 40 tonnes équivalents CO2.
De plus, à partir du 1er janvier 2022, ce GWP devra être inférieur ou égal à 150 (sauf exception pour des installations en cascade).
- un contrôle d'étanchéité : tout exploitant doit veiller à ce que ses équipements contenant une quantité de réfrigérant supérieure ou égale à cinq tonnes équivalent CO2 (supérieur ou égal à 1,27 kg de R404A) soient vérifiés par une personne certifiée, tous les 12 à 24 mois. Pour une quantité supérieure ou égale à 50 tonnes équivalent CO2 et inférieure à 500, cette vérification doit se faire tous les six à douze mois. Au-delà de 500 tonnes équivalent CO2, le contrôle est à faire tous les trois à six mois. Pour une installation contenant une quantité de fluides frigorigènes inférieure à cinq tonnes équivalent CO2, le contrôle d'étanchéité n'est pas obligatoire. Ces contrôles doivent être consignés dans un registre obligatoire pendant cinq ans pour les équipements supérieurs ou égal à cinq tonnes équivalent CO2. Enfin, lors de l'évacuation de ses équipements usagés, une personne certifiée devra obligatoirement procéder à la récupération des gaz pour en effectuer l'élimination (recyclage, régénération ou destruction).
- une détection des fuites : pour tout équipement de réfrigération, climatisation, pompes à chaleur ou protection contre l'incendie de plus de 500 tonnes équivalent CO2, il faut obligatoirement installer un système de détection des fuites avec alarme, contrôlé tous les douze mois.
Le dispositif de détection des fuites doit analyser au moins l'un des paramètres suivants : la pression, la température, le courant du compresseur, les niveaux de liquides et le volume de la quantité rechargée.
Entreprise certifiée
Pour autant, le passage à des fluides à bas effets de serre (indice GWP faible) n'est pas simple. En effet, ces gaz, présentent tous des inconvénients, soit au niveau sécurité (toxicité, inflammabilité), soit au niveau thermodynamique (travail à des pressions, maîtrise de la condensation en phase gazeuse, lubrification...).
De plus, les HFC - pour les activités d'installation, d'entretien, de maintenance ou de réparation de ces équipements - sont désormais exclusivement vendus et achetés par des entreprises certifiées. Et les équipements non hermétiques ne peuvent être vendus à l'utilisateur final que lorsqu'il est établi que l'installation sera effectuée par une entreprise certifiée.
Pour vous repérer, sachez que, depuis le 1er janvier 2017, l'étiquette des produits indique la nature du gaz, sa quantité, son poids et son équivalent CO2, ou la quantité pour laquelle l'équipement est conçu et le GWP du gaz. Des mentions devront être ajoutées dans les manuels d'utilisation des équipements et dans les documents commerciaux pour un GWP supérieur ou égal à150.
C. Z. d'après documents
(1) Global Warming Potential (GWP) désigne le potentiel de réchauffement global d'un gaz émis dans l'atmosphère.
Analyse
Vincent Mathieu-Hurtiger, chargé de programme « équipements et techniques de conservation fruits » au CTIFL / Un impact important pour les stations fruitières
« Nous nous retrouvons dans un schéma similaire à ce qui s’est passé pour le R22 récemment : avec une phase d’interdiction dans les installations neuves utilisant les fluides ciblés, puis rapidement une utilisation de fluide recyclé (ayant pour conséquence une raréfaction et une augmentation des prix) et ,en perspective, l’arrêt de l’utilisation de ces types de fluides (à fort GWP). Ainsi, le R404a - souvent utilisé dans les installations frigorifiques des stations - va rapidement se retrouver dans cette situation. À partir de 2020, il ne sera plus possible de recharger les installations avec du R404a vierge. Comme pour le R22, des solutions de RetroFit sont identifiées mais avec les mêmes contraintes que par le passé : récupération des fluides, légère perte de puissance, révision plus ou moins importante de l’installation… En fonction du type de fluide frigorigène utilisé, et selon le GWP et les tonnes équivalent CO2, il semble donc intéressant de refaire un point avec le frigoriste qui accompagne la station fruitière. »
Jacques Voisin, PDG de la société Picquette / « Les fluides naturels, c’est l’avenir ! »
Les établissements Picquette, à Sérignan-du-Comtat, ont été créés en 1966. « Nous sommes spécialisés dans l’installation de chambres froides et d’équipements frigorifiques pour tout ce qui a trait à la conservation des fruits et légumes, mais aussi aux process vinicoles. Notre activité s’exerce sur un secteur géographique comprenant les départements du Vaucluse, des Bouches-du-Rhône, du Gard, de la Drôme et de l’Ardèche ; nous intervenons aussi dans 16 pays, explique son PDG, Jacques Voisin. Ce changement de réglementation concernant le R404 a plusieurs conséquences. Pour se mettre en conformité, nous conseillons de retirer l’ancien gaz et de le remplacer par du gaz R449, le plus communément utilisé. Pour les nouvelles installations, il est conseillé de partir directement en solution CO2, avec des gaz neutres pour la couche d’ozone. Les fluides naturels, c’est l’avenir. Pour ceux qui partent sur du R448, le changement ne pose pas de véritable problème et n’entraîne aucune perte de puissance frigorifique, ou très peu ; dans tous les cas, le matériel en place est conservé. Par contre, il ne faut pas trop tarder car on constate une pénurie de ce gaz sur le marché, sans compter son coût de plus en plus prohibitif. Dans tous les cas, l’avenir est dans la suppression de ce fluide. »
Propos recueillis par C. Z.