Foncier agricole drômois : un marché très concurrentiel

Toutes les années, la Safer observe la dynamique des marchés fonciers ruraux et en particulier agricole dans la Drôme. Ce dernier correspond aux biens dont la destination agricole principale est certaine, du fait de l'existence d'un bail, du statut de l'acquéreur (agriculteur) ou de la nature agricole des terrains et de leur superficie.
+ 15 % de transactions
En 2017 dans notre département, le marché foncier agricole a poursuivi son ascension. 931 transactions ont été enregistrées (+ 15 %) pour un total de 3 687 hectares (21 % de plus qu'en 2016, où l'augmentation atteignait déjà 16,5 %). Contrairement à 2016, ce sont les ventes de biens non bâtis qui ont le plus augmenté (2 155 ha, + 26 %). « Cela témoigne d'une forte concurrence sur ce segment », constate Yann Léger, chef de service du département recherche, études et développement à la Safer Auvergne-Rhône-Alpes. Les biens avec bâti, eux, se sont échangés à 226 200 € en moyenne par vente (contre 265 800 en 2016).
Non bâti : la « course aux prix »
L'activité soutenue du marché agricole, explique la Safer, a deux conséquences. Le prix moyen du non bâti (hors vignes) est passé de 0,52 € le m2 en 2014 à 0,75 en 2016 et 0,78 en 2017. Et, globalement, le nombre de candidats pour chaque bien à la vente est en hausse de 30 % comparé à 2016. « Un vrai phénomène d'inflation des prix, observe le directeur départemental Drôme de la Safer Auvergne-Rhône-Alpes, Damien Bertrand. Les agriculteurs font monter les prix : ils cherchent à compenser la baisse de rentabilité de leur exploitation en augmentant la surface. Du coup, c'est la concurrence et de nouveau la course aux prix. On entend des prix qui nous laissent pantois. » Pour 1 ha à la vente, entre 6 à 8 étaient demandés par les candidats.
L'essentiel de cette concurrence est observé sur le couloir rhodanien, où étaient déjà les plus hautes valeurs, notamment les plaines de Valence et Montélimar, fait remarquer Yann Léger. Par contre, les secteurs d'élevage restent dans une situation baissière en raison de la crise qui perdure dans cette filière. Les prix des terres et des prés dans la Drôme(*).
Vignes : surfaces échangées en hausse
Sur le marché foncier viticole, 165 transactions ont été enregistrées en 2017 (+ 2,5 %) dont quatre avec bâti. La surface totale échangée est de 306 ha (+ 18 %). « Les petites productions de 2016 et 2017 (impactées par le climat) ont conduit à une hausse du prix des vins, précise la Safer. Pour en profiter et compenser la baisse de volume, des viticulteurs ont augmenté leur surface. »
En côtes-du-rhône septentrionales, les vignes sont toujours très recherchées, constate Damien Bertrand. Le marché foncier est donc extrêmement fermé. D'où une légère hausse des prix, notamment en crozes-hermitage. Les dominantes se décalent vers le haut de la fourchette. En côtes-du-rhône régionales et villages, les prix sont variables avec une tendance à l'augmentation confirmée. Vinsobres enregistre une nouvelle progression avec une dominante à 45 000 euros l'ha (40 000 en 2016). L'appellation Grignan-les-Adhémar confirme, avec une légère hausse, sa sortie de période difficile. Et, en clairette de Die, le marché foncier a été perturbé par une année 2017 difficile sur le plan climatique.
Autres tendances
Les projets hors cadre familial « sont désormais très majoritaires et sortent des activités agricoles traditionnelles (transformation, agrotourisme, restauration...) », constate Damien Bertrand. Des projets innovants se trouvent en concurrence avec d'autres plus classiques. Cette tendance est plus marquée sur certains secteurs que d'autres.
Quant aux formes sociétaires, elles représentent 28 % des transactions en 2017 contre 21 en 2016. « Nous voyons arriver dans la Drôme une forme d'agriculture sociétaire avec tous les bienfaits qu'elle apporte mais aussi les risques, ajoute Damien Bertrand. Le pouvoir de régulation de la Safer s'amenuise d'année en année du fait de l'augmentation de la part du foncier détenue par des sociétés. »
Annie Laurie
(*) Géomarchés : unités géographiques considérées comme homogènes du point de vue des marchés fonciers agricoles.
Drôme /Les marchés rurauxLe marché de l'espace rural (biens ayant un usage agricole ou naturel potentiel ou réel au moment de la vente) progresse encore : 3 218 transactions (+ 7 %), 6 653 ha (+ 16,6 %).
Depuis cinq ans, le lot bâti résidentiel en milieu rural est à la hausse. Cette tendance traduit l'attractivité de ce type de biens, qui offre aux acheteurs des surfaces de terrain très supérieures à ce qu'impose désormais les documents d'urbanisme (600 à 800 m2 pour un terrain à bâtir en neuf contre 10 000 m2 pour une maison ancienne notifiée à la Safer). Dans la plupart des cas, ces terrains quittent l'espace productif agricole. Néanmoins, « 254 ha de foncier agricole ont pu être préservés en 2017, soit l'équivalent de sept exploitations, grâce à l'intervention de la Safer lors de ventes résidentielles, en imposant aux acquéreurs de mettre à disposition les terrains agricoles soit par bail, soit par conventionnement », indique Damien Bertrand.
Le marché d'agrément (particuliers achetant des terrains initialement agricoles) est lui aussi en croissance. 150 ha ont ainsi été soustraits à l'activité agricole en 2017. Un « plaisir » ou une « tranquillité » acheté(e) à 5,11 €/m2 en moyenne (contre 0,75 pour le terrain agricole). « Nous essayons de sensibiliser les collectivités pour qu'elles utilisent l'outil de régulation qu'est la Safer », note à ce sujet Yann Léger.
La consommation foncière à destination urbaine(*) s'est affichée en nette reprise (+ 28 % entre 2015 et 2016), après sept ans de baisse. « Elle est liée à la croissance économique, commente la Safer. On peut s'attendre à une confirmation de cette dynamique urbaine en 2017. » Sa conséquence : 258 ha ont été retirés de l'agriculture en 2016 (contre 160 en 2015).(*) Chiffres 2016, ceux de 2017 ne sont pas encore connus.
Point de vue / Marc Fauriel, président du comité Drôme de la Safer Auvergne-Rhône-Alpes, donne sa vision du marché foncier agricole.« Un marché dynamique »

Nous constatons aussi beaucoup d'installations hors cadre familial (plus fragiles car elles ont moins d'assise), avec des projets sur de petites surfaces, en circuits courts dans des zones parfois difficiles. D'où l'utilité de la convention signée en novembre dernier avec la chambre d'agriculture, qui donne au comité technique départemental de la Safer un meilleur éclairage sur la technicité et la viabilité de ces projets. En 2017, nous en avons eu 30 % de plus qu'en 2016. Nous devons être vigilants car il en va de la pérennité de l'agriculture et de ses outils économiques. Cependant, il ne faut pas fermer la porte à des petits projets d'installation innovants qui sont certes fragiles mais qui s'inscrivent dans le développement de l'économie locale. »Propos recueillis par A. L.