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Sylviculture

Forêt : le sphaeropsis fragilise les pins

Depuis le début de l’année 2018, de nombreux peuplements de pins sont touchés par des rougissements de leurs houppiers. Un phénomène observé tant en Drôme qu’en Ardèche. Le pôle santé des forêts de la Draaf* a d’ailleurs émis une note d’information technique dans le courant du mois d’avril à ce sujet.
Forêt : le sphaeropsis fragilise les pins

On l'appelle le « Sphaeropsis sapinea » ou encore le « Diplodia pinea ». Celui-ci affecte de nombreux résineux, à l'instar du pin. Identifié dès le XIXe siècle, ce champignon endophyte ne s'exprime qu'à la faveur d'un stress. « Ce parasite est naturellement présent dans les végétaux. Il y a alors un certain équilibre. Mais en cas de grêle ou de temps trop sec, la protection des arbres s'effondre », explique Pierre Tabouret, technicien au Centre régional de la propriété forestière (CRPF) Auvergne-Rhône-Alpes.

De nombreux symptômes visibles

En raison des différentes sécheresses consécutives qu'a connu la Drôme, et notamment celle de 2017, ce parasite de faiblesse s'est ainsi propagé dans différents peuplements de pins. Outre le dessèchement des pousses de l'année (qui rougissent donc par la suite, symptôme le plus fréquent sur le pin sylvestre), on peut également observer le chancre des rameaux et des branches (provoqué par la colonisation de blessures par les spores du champignon), l'infection des cônes, la mortalité des semis, ainsi que le bleuissement des arbres atteints et des grumes. Le pin noir est sans aucun doute le plus touché avec des rougissements importants tant en intensité qu'en taux de dommage.
En Drôme, certains périmètres sont plus particulièrement touchés, notamment dans la moitié sud du département, d'est en ouest. Une zone s'étend par exemple du sud de Loriol-sur-Drôme jusqu'à la commune d'Allan. Et force est de constater que les coteaux le long du fleuve Rhône ne sont pas épargnés. Parfois, comme c'est le cas dans le Diois ou les Baronnies, seuls quelques ares ou hectares sont concernés. L'intensité des symptômes peut également varier. « La vallée du Rhône est la zone la plus touchée par rapport à l'intensité du stress hydrique de 2017 », précise aussi Pierre Tabouret.

Gérer les peuplements affectés

Cependant, l'extension rapide et l'impact de ce pathogène pose question quant à la gestion et l'avenir des peuplements de pins affectés. Il faut dire que, si plus de 50 % de leur houppier est touché, les arbres n'auront pas d'avenir et dépériront rapidement. Aucune solution n'existe par ailleurs pour tenter d'enrayer le phénomène. « Le bleuissement de ces bois peut être rapide et la dévalorisation pour les bois de qualité d'autant plus forte », notait d'ailleurs il y a quelques mois le pôle santé des forêts (PSF) dans une note d'information technique. Selon Pierre Tabouret, le bois resterait néanmoins utilisable pour la palette, les usages bois-énergie ou encore la trituration. « La cellulose est toujours là, le champignon n'altère pas ses caractéristiques », précise encore le technicien forestier.
Le PSF souligne en outre que la gestion des peuplements dépendra des enjeux ciblés par les gestionnaires ou propriétaires. « Lorsque l'impact de Sphaeropsis sapinea est modéré ou que l'enjeu économique est faible, il n'est pas impératif d'intervenir », note-t-il. À Roynac, un agriculteur retraité indique qu'il compte pour sa part abattre les arbres touchés. Bien qu'il n'y ait pas de risque épidémique, ce dernier a choisi de le faire pour des raisons esthétiques. L'abattage des arbres, c'est aussi la solution choisie par l'Office national des forêts (ONF) lorsque plus de moitié du peuplement est affectée. « Cela va dépendre du pourcentage de l'arbre attaqué et le niveau d'intensité », observe un garde forestier, qui a connaissance des directives du PSF. En Drôme, un appel d'offres a été lancé pour des ventes sur pied. En revanche, en Ardèche, une coupe a déjà été réalisée sous l'égide de l'ONF, en la forêt domaniale de Berg.

Penser la forêt de demain

Selon Pierre Tabouret, la forêt pourrait en tout cas être amenée à évoluer au fil des années au regard de l'augmentation de la fréquence des phénomènes prédisposant à l'extension de ce champignon. D'autant que le pin sylvestre, selon des données communiquées dernièrement par l'Institut national de l'information géographique et forestière (IGN), représente 25 % des essences présentes dans le département. Le pin noir, touché par le pathogène, représente quant à lui 12 %. « Il va falloir imaginer des peuplements forestiers qui résistent, favoriser plusieurs espèces, éclaircir, introduire des espèces moins exigeantes en eau. Le pin d'Alep en est un exemple : il va falloir favoriser sa régénération naturelle. Il y a aussi le chêne vert. Mais les graines du pin d'Alep peuvent être disséminées plus facilement », indique le technicien. 

Aurélien Tournier
* Draaf  : Direction Régionale de l'Alimentation, de l'Agriculture et de la Forêt de la région Auvergne-Rhône-Alpes

La forêt drômoise en bref
Surface : 313 000 hectares dont 247 000 de forêts privées (74 %).
Volume sur pied : 33 millions de mètres cubes.
Taux de boisement  du département: 51 %.
Essences dominantes : pin sylvestre (25 % de la surface), chêne pubescent (37 %), hêtre (13 %), pin noir (12%).  Source IGN

PROMOTION / Les professionnels de la gestion et de l’exploitation forestière invitent le grand public à venir découvrir leurs métiers sur le terrain.

Vis ma vie de bûcheron dans le Vercors

Le parc naturel régional du Vercors organise pour la première fois sur son territoire - en collaboration avec Fibois Isère, Fibois Ardèche-Drôme, l’Adif*, l’ONF et la coopérative Coforêt - l’opération « Vis ma vie de bûcheron ». Un événement déjà organisé dans le massif des Bauges ou encore en Chartreuse.
Une occasion pour le grand public de visiter un chantier forestier, d’assister à une démonstration d’abattage ou encore d’échanger avec les différents acteurs qui travaillent en forêt (tel le gestionnaire forestier ou le bûcheron) sur les spécificités de leurs métiers. Les essences d’arbres, les rôles économiques de la forêt (bois-énergie, construction, tourisme), la biodiversité ou encore la question de l’aménagement des routes forestières sont des thématiques également abordées.
Deux visites gratuites seront organisées dans le Vercors drômois, les 31 juillet et 14 août de 9 h 30 à 12 h 30 (les lieux précis des rendez-vous seront communiqués au plus tard 24 heures avant, annulation possible en cas de mauvais temps). Renseignements et inscriptions auprès de l’office de tourisme Vercors-Drôme au 04 75 48 22 54. Attention, le nombre de places est limité. 
A. T.
* Adif : association Drôme Isère forêt, qui réunit des entrepreneurs de travaux forestiers de la Drôme et de l’Isère.