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Transport fluvial

Former les bateliers de demain

Le lycée des Catalins à Montélimar dans la Drôme est l'un des rares établissements publics en France à proposer des formations initiales « transport fluvial ». Les prochaines années, les 900 bateliers indépendants devront trouver des successeurs et le développement du tourisme fluvial fournira du travail à des navigants qualifiés.
Former les bateliers de demain

Jules, Marvyn et Valentin font les honneurs de la timonerie sur le Magellaan amarré à Ancône dans la Drôme. Une annexe inédite – un bateau de 104 mètres de long sur 9,55 mètres de large – pour le lycée des Catalins de Montélimar. Les trois élèves de première professionnelle – la première promotion bac pro de l'établissement dans cette spécialité - passent comme chaque semaine une journée sur la péniche avec leurs huit autres coreligionnaires. Aujourd'hui, ils ont fait du ménage et de la mécanique sur les deux moteurs à l'arrière de 680 chevaux chacun sous la responsabilité des deux enseignants référents, Patrick Coudray et Thierry Jouve. En octobre dernier, ils avaient descendu le Rhône et fait escale à Martigues jusqu'au domaine maritime. Leur formation doit les amener vers le pilotage et à terme au commandement d'un bateau. Tandis que le CAP transport fluvial, créé en 2011 dans le même lycée, forme en deux ans des matelots et timoniers. Les lycéens ont choisi cette option parfois par hasard, mais toujours après avoir eu une présentation du métier. Un seul élève de la classe est issu d'une famille de bateliers. Quelles qualités doivent-ils développer au cours de leur formation ? « Nous devons nous montrer autonomes, ne pas esquiver le travail, être rigoureux aussi et puis il vaut mieux avoir un bon esprit d'équipe », répond Jules. L'adolescent montre un intérêt évident pour le métier après avoir effectué un stage durant l'été comme matelot seul avec le pilote. Le professeur Thierry Jouve renchérit : « La rigueur est nécessaire car toute erreur sur un bateau peut être dangereuse ; ils peuvent s'arracher une main, tomber à l'eau... ils apprennent à identifier le risque et à le gérer comme dans la vraie vie lorsqu'ils sont ici avec nous ».

Les céréaliers représentent aujourd’hui le premier client de la voie d’eau en France (31 % des tonnes-km en 2014).

Les caprices du Rhône

Au cours de leur formation, durant les stages sur le bateau ou bien en entreprise pour des bordées de 8 ou 14 jours d'affilée, les futurs bacheliers prennent les commandes du Magellaan, dans les biefs mais aussi aux écluses. Ils tournent évidemment sur tous les postes : la logistique (nourriture, logement), le pont et la timonerie (lecture des instruments et pilotage). Apprendre à naviguer sur le Rhône n'est pas le plus aisé, rappelle le professeur. Le fleuve est réputé pour être tempétueux. « Au pont de la Voulte, chaque année, trois ou quatre bateaux de commerce ont un accident... le Rhône est joueur. Son débit varie de façon considérable, de 500 m³/ seconde l'été, il coule à 3 000 m³/seconde comme aujourd'hui. Nous sommes déjà sortis avec des élèves avec un débit de 4 300 m³/s. » A ce flux variable, aux remous, il faut ajouter le mistral et l'on comprend que la navigation peut être très sportive sur le Rhône. « Imaginez un trajet de nuit sans lune avec mistral en naviguant au radar, il faut connaître le fleuve par cœur et engager le bateau sur une trajectoire parfaite sinon on tape », souligne Thierry Jouve.

Des emplois

Les bateliers indépendants (ils emploient moins de 10 salariés), qu'ils aient un statut d'artisan, d'entreprise individuelle ou de société, sont encore près de 900 à emprunter les voies fluviales de l'Hexagone. Ils représentent 60 % de la flotte française. Leur moyenne d'âge est maintenant de 44 ans et il faudra assurer leur relève ou les seconder. Les lycéens ne semblent pas du tout inquiets de trouver un emploi à l'issue de leur formation dans le secteur du fret ou bien du tourisme. De plus, le marché du travail qui s'ouvre à eux se trouve à une échelle européenne. Toutefois, à la Chambre nationale de la batellerie artisanale, on regrette que le métier de logisticien fluvial n'existe pas encore en France à la différence d'autres pays d'Europe du Nord. Et l'on regrette que la culture fluviale qui existait dans la France du XVIe siècle ait disparu... 

Louisette Gouverne