Forte mobilisation à l’abattoir de Roanne

Dimanche sur le coup des 16 h, les premiers tracteurs ont débouché route de Charlieu pour prendre place devant l'entrée de la Sicarev(1), l'abattoir coopératif, spécialisé notamment en viande de race charolaise, situé à Roanne. Les manifestants ont rapidement installé barnum, banderoles et barbecue. Mais le côté champêtre de l'organisation ne fait pas oublier le ras-le-bol des producteurs de viande. A la tête du cortège, plusieurs dizaines de JA et d'adhérents FDSEA, calmes mais déterminés. « Nous sommes conscients de perturber un outil économique, mais chacun doit faire face à ses responsabilités. Si demain il n'y a plus d'éleveur, il n'y aura plus d'abattoir. Les adhérents de la Sicarev seront sûrement déçus, mais on saura expliquer nos motivations », annonce François Garrivier, éleveur à Grezolles (Loire) et responsable de la fédération régionale bovin viande. Des motivations qui sont claires, « il manque en moyenne 60 centimes d'euro par kilo soit environ 300 euros par bête pour assurer une rémunération convenable aux éleveurs alors que nous savons pourtant que le marché mondial est en demande », poursuit-il.
Les éleveurs du Rhône en renfort
Du côté des Jeunes Agriculteurs de la Loire, très fortement mobilisés pour cette opération, la détermination est identique, comme l'explique Alexandre Coudour, responsable viande au sein du syndicat des jeunes. « Bien sûr, passer deux ou trois jours ici et quitter l'exploitation, c'est contraignant. Mais vaut-il mieux se battre pour une juste rémunération ou travailler sur son exploitation pour ne rien gagner ? » Poser la question, c'est déjà y répondre. Ce contexte économique difficile pénalise fortement les installations dans cette filière et donc hypothèque son avenir.
Dimanche soir, les éleveurs ligériens ont été rejoints par leurs collègues du Rhône, venus en nombre, 60 à 70 éleveurs. Une partie d'entre eux ont passé la nuit sur place. La volonté des éleveurs est sans faille. Il faut tenir au minimum jusqu'à mercredi 17 juin (NDLR : hier), date de la grande réunion nationale entre abatteurs et éleveurs prévue à Paris. Les manifestants devaient recevoir du renfort en début de semaine : des producteurs de Haute-Loire, d'Isère, de Drôme et Ardèche étaient attendus.
Réunion froide avec la Sicarev
Lundi matin, une réunion assez « froide », de l'aveu des participants, s'est tenue entre les éleveurs en colère et les administrateurs de la coopérative fondée en 1962 et installée à Roanne depuis 1989. Philippe Dumas, président de la Sicarev, ne cachait pas son amertume. « Nous sommes éleveurs nous aussi, nous comprenons la situation. Mais le syndicalisme se trompe de cible », estime-t-il. Nous ne sommes pas là pour verser des dividendes à des actionnaires. Les résultats sont réinvestis soit dans l'amont auprès des éleveurs soit dans l'aval dans la recherche de nouveaux débouchés commerciaux notamment à l'export. Nous ne représentons que 4 ou 5 % du marché. Nous regrettons que tous les abattoirs ne soient pas bloqués. Nos clients vont aller s'approvisionner ailleurs. Ce blocage entraînera des pertes financières qui pénaliseront les éleveurs adhérents de notre coopérative. »
Des arguments qui n'ont pas suffi pour affaiblir la volonté des manifestants. À l'issue de la réunion, François Garrivier confirmait le maintien du blocage. « La Sicarev souhaiterait une levée du blocage mais nous restons fermes. Nous resterons ici tant qu'il n'y aura pas d'avancées au niveau national. »
D. B.
(1) : La Sicarev regroupe plusieurs coopératives d'éleveurs : Actis Bovins (Loire) ; Charolais Horizon (Saône-et-Loire) ; Covido Bovicoop (Allier ; Puy-de-Dôme) Dauphidrom (Isère, Drôme, Ardèche et Haute-Savoie) et la coopérative du Mézenc (Haute-Loire).
Abattoir Bigard / Les éleveurs de l’Ain, du Jura et de la Saône-et-Loire bloquent depuis dimanche soir les accès de l’abattoir Bigard à Cuiseaux. Pas de doute, ils sont déterminés, non seulement à tenir, mais à infléchir la politique de la filière...
Des éleveurs déterminés !Dimanche soir, voiture après voiture, les éleveurs sont arrivés et ont bloqué les deux entrées de l’abattoir Bigard à Cuiseaux. Rapidement, les effectifs ont dépassé les cent manifestants et, depuis, ce chiffre n’a pas baissé, il est même monté du fait des roulements mis en place à près de cent cinquante. « L’important est de tenir dans la durée », martèle Christian Bajard, secrétaire général adjoint de la FDSEA de Saône-et-Loire et président de la section bovine, bien conscient que Bigard a rempli ses bouveries et organiser ses équipes en conséquence... L’opération est avant tout médiatique et chacun se félicite des reprises qui ont été faites, dans les journaux, sur les radios et les télévisions. Elles ont permis aux représentants d’avancer les arguments percutants des éleveurs. Pour preuve, l’opinion publique adhère à ce mouvement.
Devant les grilles du site Bigard, on les sent en colère, les éleveurs, laitiers ou allaitants, qu’ils soient venus de l’Ain ou du Jura voisins ou de Saône-et-Loire. Tous affichent leur détermination « à infléchir la politique du moins-disant qui règne au sein de la filière et dont le premier maillon que nous sommes paye le prix fort », dénonce Luc Jeannin, secrétaire général de la FDSEA de Saône-et-Loire.
Les causes, on les connaît. Le prix de la viande qui ne permet tout simplement plus aux éleveurs de dégager un revenu décent. Surtout, le manque de volonté pour ne pas dire l’inertie négative de la filière à inverser le cours des choses, alors que tous les critères sont réunis pour cela !
Nul n’attend un coup de baguette magique lors de la table ronde de mercredi, mais des signes forts et l’implication des pouvoirs publics pour qu’enfin le dialogue s’ouvre au sein de la filière et que ses différents maillons travaillent de concert à créer et à aller chercher de la valeur ajoutée. Il y a urgence. Pour les éleveurs bovins, ce sera là la seule condition de la levée des blocages...
Nicolas Durand