Fruits d'été : « un panorama chahuté »

Dans la Drôme, la récolte des abricots a commencé une quinzaine de jours plus tôt qu'en 2016, qui était une saison normale, indiquent Régis Aubenas, président de la section fruits de la FDSEA, et Bruno Darnaud, président de l'AOP pêches et abricots. En termes de potentiel de production, 2017 se situe dans la ligne d'une année normale (davantage de volume qu'en 2016), l'Espagne aussi. Dans le département, les vergers des Baronnies ont subi le gel, d'autres ont été frappés par la grêle sur le secteur de Livron. L'état sanitaire des fruits est jusque-là satisfaisant. La qualité gustative aussi, aidée par le climat du mois de juin.
Tout s'est enchaîné
En abricot, tout s'est enchaîné très vite cette saison et la production s'est télescopée avec celle de l'Espagne. Il faut dire que la production d'abricots de notre voisine ibérique - « qui a des vergers performants, techniques » - monte en puissance(*). Cette année, elle a été présente sur le marché français dès le début avec des prix bas et du volume. Mais aussi sur le marché allemand, qui est un débouché de la production française. D'où des perturbations. En plus, au démarrage de la saison, le beau temps n'était pas encore au rendez-vous. Très liée à la météo, la consommation était alors faible. A présent, elle est satisfaisante. A noter encore, la distribution n'a mis en avant la production française qu'à partir de la mi-juin. Elle avait établi son programme d'approvisionnement comme chaque année. Or, la chaleur étant arrivée tôt, la maturité des fruits s'est accélérée.
Abricots : des prix bas
Ce qui pose problème en abricot, ce sont « les prix bas, la concurrence espagnole, observe Bruno Darnaud. Je pense que cette campagne va laisser des traces. » Régis Aubenas appuie : « Le prix de vente est aujourd'hui complètement déconnecté du prix de revient ». Et ce, alors que les coûts d'éclaircissage sont très élevés cette année, en abricots comme en pêches. A noter aussi, le marché des grossistes est encore moins rémunérateur que celui des GMS. Et, du fait de la canicule, plusieurs variétés d'abricot sont arrivées à maturité en même temps. « Cela a mis le bazar, rendu le marché très chaotique », constate Bruno Darnaud.
Un problème structurel
« En abricot, on revit en quelque sorte ce que l'on a vécu avec la pêche », remarque Régis Aubenas. A la concurrence de l'Espagne, qui a sérieusement pesé cette année, s'ajoute celle de l'Italie sur le marché européen. « Il faut être lucide, notent ces deux responsables professionnels, le problème est structurel. L'Espagne est un nouveau concurrent en abricot. Il faut intégrer tous ces paramètres et réfléchir au niveau national ainsi qu'européen sur la manière de traiter la nouvelle donne à l'avenir. Il va falloir s'organiser, mettre plus en avant l'abricot français. »
En Rhône-Alpes, premier bassin français d'abricots, bergeron fournit toujours le gros du tonnage. « Cela se passera peut-être différemment pour lui », espère Régis Aubenas. Car, dans le Sud, seules restent à récolter les variétés tardives. Mais notre région vient d'entrer dans son pic de production (avec, justement, bergeron)... Sur ce point, Bruno Darnaud n'est pas très optimiste.
Pêches : un marché jusque-là équilibré
En pêches, la saison en est à ses débuts. La production monte en puissance cette semaine. Jusque-là, le marché s'est révélé équilibré, les fortes chaleurs ont aidé leur consommation. « La distribution a plutôt bien réagi sur la pêche : le basculement sur la production française s'est bien mieux fait que pour l'abricot. Après, il faut que ça dure », remarque Bruno Darnaud. Et Régis Aubenas confie : « La filière pense que le marché devrait à peu près se tenir. Le moment de vérité approche. En pêches, la saison se joue lorsque Big Top arrive à maturité (autour du 10 juillet, cette année) : ou le marché se tient, ou il bascule. » Les prix sont inférieurs à ceux de l'an passé. Il faut rappeler qu'en 2016 la production manquait.
Une situation délicate
Globalement, Régis Aubenas et Bruno Darnaud considèrent la situation délicate en abricot. Il estime que, dans le meilleur des cas, les exploitations seront juste à l'équilibre cette année. « Elle risque d'être compliquée pour la majorité des producteurs », craint Bruno Darnaud. « Le panorama est chahuté, perturbé, après une saison 2016 marquée par le gel et des problèmes de trésorerie », complète Régis Aubenas. Et d'évoquer encore la fatigue des arboriculteurs, liée à la chaleur mais aussi à la tension, au marché qui se complexifie. Pour arriver à vendre ses fruits, il faut ajouter des couches : exigences de qualité, traçabilité, segmentation des conditionnements, packaging... « En pêche, nous avons huit ou neuf références, explique Régis Aubenas. C'est compliqué mais nous avons du volume à sortir. Donc, nous n'avons pas le choix, il faut répondre à la demande de nos clients. Les coûts de station se renchérissent. En cinq ans, le métier s'est considérablement tendu, a énormément évolué. Ce sont des paramètres à prendre en compte. »
Annie Laurie
(*) 700 hectares plantés dans l'Aragon en trois ans sur un verger total qui en compte 2 000.
Abricot des Baronnies /Le marché engorgéDans les Baronnies, la saison des abricots a également débuté tôt. L'avance est d'une dizaine de jours, selon le président du syndicat de valorisation de l'abricot des Baronnies, Jean-Marc Philibert. Fin juillet, il ne devrait plus guère rester d'abricots dans les vergers. Les fruits sont de bonne qualité mais leur calibre est inférieur à la normale. Le coup de froid a retardé leur développement et la sécheresse s'est faite sentir.
Quant au marché, « il est très mauvais, engorgé, déplore le président du syndicat de l'abricot des Baronnies. Les prix de vente sont bas, en dessous du prix de revient. » Il y a eu télescopage avec la production de l'Espagne et du Sud de la France. Les variétés « nobles » se vendent mal, alors Jean-Marc Philibert est inquiet pour l'Orangé de Provence, variété un peu démodée, manquant de couleur et de fermeté. De son avis, « la situation est alarmante. On ne sait où on l'on va ».A. L.