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commercialisation

Fruits et légumes bio : gagner en proximité, quels leviers ?

À l'heure où les particuliers se tournent de plus en plus vers les circuits locaux ou courts(1), les producteurs de fruits et légumes cherchent, eux, à satisfaire cette demande et à réduire la distance entre lieux de distribution et de consommation.
Fruits et légumes bio : gagner en proximité, quels leviers ?

Mieux connaître ce que l'on a dans l'assiette. L'idée progresse chez le consommateur qui doit, pêle-mêle, absorber les révélations du dernier scandale sanitaire et les revendications du juste prix payé aux producteurs ; répondre à l'injonction d'une vie saine à cinq fruits et légumes par jour, tout en ménageant ses exigences qualitatives et financières. Savant équilibre que la filière fruits et légumes bio cherche à satisfaire, portée par une accélération de la croissance de la consommation de denrées bio en 2016. Selon l'interprofession des fruits et légumes, Interfel, la consommation de produits bio a augmenté de 15 % en volume par rapport à 2015 et de 19 % en valeur. Les parts de marché des fruits et légumes atteignent 6,8 % en volume et 8,9 % en valeur.

« Répondre aux marchés locaux implique d’importantes contraintes logistiques », indique Christian Soler, président de la coopérative Teraneo.

Un enjeu récent

La Ferme de la Motte, implantée dans le Val de Loire, est leader sur le marché bio français, après vingt ans de développement dans ce secteur. Elle produit essentiellement des pommes de terre, oignons, ails et échalotes, ainsi que de la courge, grâce à 68 producteurs implantés un peu partout en France. La Ferme de la Motte est, en effet, tout à la fois producteur, conditionneur et expéditeur. Rapprocher les lieux de distribution et de consommation est un nouvel enjeu à prendre en compte dans la stratégie globale de l'entreprise... et « ce n'est pas forcément évident », commente Cécile Perret, responsable du pôle bio à la Ferme de la Motte. Pour Christian Soler, président de la coopérative Teraneo dans les Pyrénées-Orientales, qui développe depuis quinze ans le bio, « répondre aux marchés locaux implique d'importantes contraintes logistiques ». L'outil collectif rassemble 220
arboriculteurs et maraîchers du département. « Dans une région où, historiquement, le consommateur est éloigné, où l'on s'est organisé en conséquence, il est difficile de relocaliser », ajoute Christian Soler.

Pour compléter ses circuits d’approvisionnement traditionnels, le groupe Casino développe ses magasins de proximité.

Substitution et diversification

Ces deux entreprises ont intégré à leur fonctionnement deux des trois axes identifiés par Cécile Perret : la substitution des importations et la diversification des circuits de distribution et des productions. « Jusqu'à présent, notre objectif était de substituer des produits bio français aux importations, explique la jeune femme. Ce développement n'aurait pas été possible sans d'autres producteurs car nous ne voulions pas perdre nos marchés en conventionnel, ni limiter nos débouchés en bio à nos seules capacités de production. » Si la Ferme de la Motte se fournit « prioritairement autour de chez [elle] », elle a donc également tissé des liens avec des terroirs précoces (Bretagne, Sud) en agençant des conditions pédoclimatiques complémentaires. « La régionalisation de l'approvisionnement des consommateurs induira très certainement une diversification de la gamme de l'ensemble de notre réseau, néanmoins certains produits comme l'ail [en provenance de la Drôme notamment, NDLR] resteront délocalisés. » Le local est, après tout, une question d'échelle... La SARL cherche aussi à augmenter ses surfaces en France et travaille à l'amélioration de ses moyens de stockage. La diversification de sa gamme, Teraneo l'a entreprise dès 2000, introduisant petit à petit pommes, abricots, patates douces pour compléter la pêche touchée par la sharka. La figue fait partie de l'offre depuis 2009. Cette année, 300 t ont été récoltées, mais la coopérative pense doubler son volume sous trois ans et plante chaque année de nouveaux arbres. Elle mise sur un maraîchage diversifié et a par exemple développé une quatrième gamme en salade.

Débouchés et cahiers des charges

Les deux entreprises jouent aussi sur plusieurs débouchés, en grande majorité les GMS . « La grande distribution est le partenaire des productions éloignées des centres de consommation... Un partenaire parfois âpre mais c'est ainsi. Quelles autres options avons-nous ? » interroge Christian Soler. L'industrie, les circuits spécialisés et deux points de vente locaux en semi-gros et au détail, ainsi que l'export(2) font partie de celles-ci. « La multiplicité des débouchés permet d'en trouver un adapté à chaque qualité de produit », déclare Maëlle Olive, chef de produit chez Teraneo. Cela n'est pas sans contrepartie et induit la gestion de plusieurs cahiers des charges. « Nous employons maintenant six personnes au service qualité. Au-delà de la certification bio, la vente à des plateformes nécessite d'être certifié IFS, Global gap, Grasp, etc. Nous devons aussi réaliser des analyses sur tous les lots que nous commercialisons et des tests de dégustation », énumère Cécile Perret. 
Tiphaine Ruppert
1. Les circuits locaux ne limitent pas le nombre d'intermédiaires, contrairement aux circuits courts.
2. L'export représente 17 % du chiffre d'affaires (30 millions d'euros) de la coopérative Teraneo.

 

 

Grande distribution / Jeff Mahintach est directeur des achats fruits et légumes pour le groupe Casino intervenu à la tribune de l'édition 2017 de Tech & Bio, lors de la conférence sur le rapprochement des lieux de distribution et de consommation“

Ne pas priver les consommateurs d'une région 

”Selon Jeff Mahintach, directeur des achats fruits et légumes pour le groupe Casino, les hypermarchés arrivent en deuxième place des circuits de distribution en volume de produits bio (15,5 %), loin derrière les circuits spécialisés (37,7 %), mais juste devant les foires et marchés (15 %). Les supermarchés arrivent, eux, en quatrième position (10,8 %). Ainsi, en 2015, l'enseigne proposait 20 références en fruits et légumes biologiques contre 97 en 2017. Du reste, « il est compliqué pour la grande distribution de cibler le bio local et régional et de limiter les flux entre régions. À cela plusieurs explications : notre objectif d'apporter le bio à un maximum de consommateurs, la présence des Amap (association pour le maintien d'une agriculture paysanne) et assimilés ainsi que la difficulté de référencer par région les petits producteurs intéressés pour livrer à la plateforme ». Pour compléter ses circuits d'approvisionnement traditionnels (grossistes et producteurs livrant à la centrale d'achat), le groupe Casino développe ses magasins de proximité. Cela permet une relation directe avec la direction de ces petits commerces et la possibilité de contractualiser. Le calibrage et les normes sont également plus souples que sur une plateforme, via laquelle l'enseigne devient propriétaire de la marchandise. Depuis cette année, il est demandé aux producteurs proches du magasin de venir y livrer eux-mêmes. « Cela répond à l'attente des producteurs et des clients », souligne-t-il encore. Et de poursuivre : « Nous sommes obligés de maintenir ces trois échelles de commercialisation pour ne pas priver les consommateurs d'une région en fruits et légumes bio ».   T.R.