Fruits & légumes : comment la filière s’organise pour poursuivre son activité ?

Au même titre que l'ensemble des filières agricoles, le secteur des fruits et légumes a été bouleversé ces derniers mois, au rythme d'une crise sanitaire tout à fait inédite. « Les maraîchers ne s'en sortiront pas sans dommage, même si l'agriculture est reconnue comme activité prioritaire, étant destinée à nourrir la population. Certains producteurs, qui travaillaient uniquement sur les marchés ou avec la restauration collective, sont en grande détresse », avoue Frédéric Riche, vice-président de Légumes de France et producteur dans le Rhône. Une situation plutôt compliquée dans l'ensemble, entraînée en grande majorité par l'arrêt de la restauration hors domicile. « Beaucoup de salades et de jeunes pousses sont parties à la destruction », regrette-t-il. L'interprofession, Interfel, a réalisé de nombreuses campagnes de communication pour mettre en avant les fruits et légumes de saison, comme les asperges et les fraises. Mais un autre problème se pose depuis quelques semaines : « nous voyons, de nouveau, de plus en plus de produits d'importation dans les rayons », s'insurge Frédéric Riche. « Comment le marché va-t-il se comporter dès la réouverture des frontières ? » Pour assurer sa commercialisation, le producteur de Lucenay a privilégié son système de vente à la ferme : « Beaucoup de consommateurs ont quand même peur du Covid-19 et limitent au maximum leurs sorties. Les paniers de fruits et légumes ont la cote. Nous avons augmenté notre vente à la ferme de 30 à 40 % », souligne Frédéric Riche.
Les fruits arrivent, avec le déconfinement...
Du côté de l'arboriculture et de la production de petits fruits, la pleine saison démarre juste. C'est très certainement ce qui a sauvé une partie de la production. « Nous en sommes au tout début de la commercialisation, puisque les fraises sont sur le marché depuis quelques semaines. Les distributeurs sont attentifs à l'origine France mais aussi à ce que les prix soient rémunérateurs pour l'agriculteur. Nous avons donc réussi à limiter la casse sur cette production, notamment avec la réouverture des marchés. Il faut toutefois rester vigilants dans les semaines à venir », avoue Grégory Chardon, arboriculteur et président de la FDSEA de la Drôme.
Parmi les fruits de saison, la récolte des cerises débute cette semaine, tandis que les abricots commenceront à être cueillis autour du 20 mai. « La récolte risque d'être un peu moindre suite aux épisodes de gel. La baisse de volume nous aidera finalement pour pallier le manque de main-d'œuvre ». Si pour l'heure le président de la FDSEA de la Drôme ne ressent pas d'inquiétude au niveau de la commercialisation, il s'inquiète pour les jours à venir. « Les semaines qui arrivent seront capitales par rapport à l'emploi. C'est à ce moment-là que ça va se jouer », estime-t-il.
Les frontières réouvertes aux travailleurs saisonniers ?
Car dans un contexte de fermeture des frontières, la problématique de l'emploi est plus que jamais au centre des préoccupations. Si les titres de séjour des travailleurs étrangers, déjà sur place avant le confinement, ont pu être prolongés de six mois, l'arrivée massive des saisonniers en provenance des pays européens ou du Maghreb, prévue d'ordinaire en mai et juin, pose question.
Mais les récentes mesures annoncées par le gouvernement, jeudi dernier, ont rassuré le monde agricole (lire page 5). « Le ministre de l'Intérieur, Christophe Castaner, a annoncé que les travailleurs saisonniers agricoles ressortissants de l'UE pourraient franchir les frontières, à condition de posséder un contrat de travail. Mais nous ne connaissons pas encore les modalités d'application. Est-ce que les quatorze jours de confinement devront être respectés ? Nous ne savons pas encore. Pour autant, je suis plutôt optimiste en espérant bien évidemment que les contraintes ne soient pas trop lourdes pour les entreprises », prévient Jérôme Volle, vice-président à la FNSEA, en charge du dossier emploi. A ce titre, la présidente de la FNSEA, Christiane Lambert, a rappelé que « l'Allemagne a fait rentrer 400 000 saisonniers, et l'Italie 200 000 ».
Une pression qui augmente
Pour ce faire, un protocole sanitaire d'accueil des salariés saisonniers a été signé avec une grande majorité des organisations syndicales, afin de communiquer largement sur les gestes barrières à appliquer dans ce contexte. Mais le vice-président de la FNSEA se questionne également sur la disponibilité des étudiants : « Beaucoup de productions agricoles sont ramassées chaque année par des étudiants. Malheureusement, ce n'est pas le cas pour l'instant, puisqu'ils sont encore dans l'expectative quant à leurs examens. On aimerait donc que les facultés soient claires à ce sujet, afin de rendre disponible cette main-d'œuvre locale. Il s'agit là d'un sujet tout aussi important que la problématique de la main-d'œuvre étrangère », souligne-t-il. En Ardèche, 46 % des contrats réalisés pour la récolte des cerises sont pourvus par des étudiants.
« Aujourd'hui, les producteurs arrivent à trouver des solutions. Mais la pression va augmenter d'ici les semaines à venir », rajoute Grégory Chardon. Ainsi, un retour à la normale est espéré pour combler le déficit de main-d'œuvre actuel. Car si la campagne de recrutement « Des bras pour ton assiette » a recueilli, selon la FNSEA, 300 000 inscriptions qui ont donné lieu à 15 000 mises en relation entre employeurs et candidats, « on ne s'improvise pas travailleur en agriculture », a souligné Christiane Lambert. Ces contacts ne se sont en effet pas systématiquement concrétisés en embauches pérennes.
Amandine Priolet