Fruits : que veut le consommateur aujourd'hui ?

Le 10 décembre à Valence, les Rendez-vous de l'arbo Auvergne-Rhône-Alpes organisés par l'association Fruits plus ont réuni 240 participants autour du thème « attentes des consommateurs et évolutions climatiques : comprendre pour s'adapter ». La matinée s'est ouverte avec une visioconférence d'Eric Birlouez, ingénieur agronome et sociologue de l'alimentation, et s'est terminée avec une table ronde.
Un nouveau rapport à l'alimentation
Les Français ont un nouveau rapport à l'alimentation, a expliqué Eric Birlouez. Ils se déclarent plus attentifs à ce qu'ils mangent depuis trois ou quatre ans, davantage exigeants, pressés, versatiles, convaincus du lien étroit entre l'alimentation et la santé ainsi qu'avec l'environnement et le climat. Mais aussi plus inquiets, méfiants, voire défiants. Ils disent rechercher la qualité avant le prix, veulent donner du sens à leurs achats alimentaires. La préoccupation santé monte en puissance. L'aliment de qualité est synonyme de bio, sain. Le goût, le bon sont toujours des valeurs. Et la confiance est un critère essentiel. Selon un sondage d'OpinionWay (octobre 2018), 82 % des Français font confiance aux petits producteurs, 67 % aux labels de qualité, 67 % au « Made in France ».
Un besoin de se rassurer
En 2018, dans une étude publiée par l'Agence Bio, 57 % des Français déclarent avoir modifié leur comportement alimentaire : davantage de « fait maison », produits de saison, frais, locaux, végétal, moins de gaspillage. Une éthique alimentaire émerge, avec des valeurs, règles de conduite, une quête de sens. Le consommateur a besoin de se rassurer (face à « l'intranquillité » alimentaire), de se reconnecter aux aliments et producteurs, de reprendre son alimentation en main. Il veut avoir un impact positif sur la planète et exprimer son identité. « La nature est l'une des composantes de l'éthique alimentaire, a dit l'intervenant. C'est important pour les producteurs français. » 80 % des consommateurs sont des urbains, ils ont « faim » de nature et souvent l'idéalisent, la sacralisent.
Le végétal : une valeur montante
Pour les consommateurs, « le naturel, c'est le bon en soi (versus à l'artificiel). Le végétal est une valeur montante car, dans leur tête, il est associé à la naturalité. » Autre composante de l'éthique alimentaire, la responsabilité et la solidarité : les Français sont conscients des impacts de leur façon de se nourrir sur l'environnement, le climat, le bien-être animal, la sécurité alimentaire mondiale, la rémunération des agriculteurs et des salariés. D'après une enquête Quantar de 2018, ils sont 91 % à souhaiter plus de transparence sur les produits alimentaires : origine et liste des ingrédients, lieux de fabrication, conditions de production, effets des ingrédients sur la santé. 73 % estiment que les agriculteurs ne sont pas rémunérés équitablement. 78 % disent être prêts à payer plus cher pour valoriser le travail de ceux-ci. 85 % ont une bonne image des agriculteurs en tant que personnes et 74 % leur font confiance (données 2019). Mais il y a « un rejet d'un certain type d'agriculture, ainsi qu'un décalage entre leur perception de l'agriculture et la réalité, pour beaucoup de Français ».
Communiquer, un maître-mot
Pour donner confiance au consommateur, de l'avis d'Eric Birlouez, « communiquer est le maître mot » (à travers les médias, réseaux sociaux, internet, à proximité...). Mais, « avant toute action de communication, il est important de reprendre confiance en soi en s'appuyant sur les éléments d'image que je viens de donner, a-t-il observé. Et de confier : Je crois beaucoup à la puissance de la communication directe. Accueillir sur son exploitation permet de montrer les réalités de l'agriculture, de déconstruire des idées reçues, des a priori. Communiquer a deux sens : entrer en relation avec et mettre en commun. L'agriculteur doit être à l'initiative du dialogue avec les non-agriculteurs. Il doit commencer par écouter ses interlocuteurs, tenir un discours (pas trop technique) de vérité sur ses pratiques, sur les progrès accomplis pour répondre aux attentes des consommateurs, les marges de progrès. Il faut valoriser l'humain, l'émotionnel. Parler de son métier, c'est d'abord parler de soi ».
Annie Laurie
Discussion / « Comment satisfaire le consommateur, depuis la production jusqu'au point de vente fruits et légumes ? », telle était la question posée à la table ronde des Rendez-vous de l'arbo.Comment satisfaire le consommateur de fruits ?Pour satisfaire les attentes du consommateur en termes de goût, les producteurs peuvent puiser dans les ressources génétiques : « des variétés ont un potentiel gustatif élevé mais il ne faut pas se tromper dans son choix », a noté Raphaël Martinez, directeur de l'AOP pêches et abricots de France. Et il a cité quelques réponses pouvant rassurer le consommateur, comme les circuits courts (environ 10 % des volumes). Mais aussi les démarches « Zéro résidu de pesticides » (ZRP) du collectif Nouveaux champs, « Les vergers écoresponsables » à l'échelle de la filière (aujourd'hui, plus de 50 % de la production française de pêches, abricots, pommes, poires) et la certification HVE (haute valeur environnementale), « qui explose depuis deux ou trois ans ».
HVE, ZRP, Vergers écoresponsables : « une troisième voie, intéressante, émerge entre le conventionnel et le bio », a commenté Frédéric Chatagnon, consultant accompagnant des filières et entreprises dans leurs stratégies de valorisation des produits. Cette voie, il la considère « comme quelque chose de solide, pour construire des stratégies d'exploitation ou de coopérative ». Et, à la liste, il ajoute les signes officiels de qualité. Cependant, changer ses pratiques dans son verger (enherbement, par exemple) a un coût et peut être risqué, comme l'a observé Raphaël Martinez. « Ça peut être une exigence dans la contractualisation », a noté Christian Berthe, président du marché de gros Lyon Corbas et de l'UNCGFL (union nationale du commerce de gros en fruits et légumes). Avec la contractualisation, « vous avez des atouts dans les mains », a-t-il assuré à l'adresse des producteurs. Il a aussi souligné la mise en place d'un groupe de travail au sein de l'interprofession « pour mettre du lien entre tous les acteurs » ayant « une volonté de faire avancer les choses ».Le souci de la maturité et du goût

Pour Maxime Lafranceschina, primeur à Seyssinet (Isère) et Meilleur ouvrier de France (Mof), être pertinent dans l'offre proposée à ses clients passe par « un sourcing très pointu. Je parcours, a-t-il expliqué, des milliers de kilomètres pour que mon client dise "waouh !". Il faut se mettre à la place du consommateur, avoir le souci de la maturité et de la qualité gustative des fruits ; c'est ce qui me motive. Une pêche ou un abricot doit être certes ferme pour supporter la logistique, l'emballage mais, si le processus de maturité n'est pas enclenché, le consommateur sera déçu. » Pour lui, le prix est secondaire : « Si un abricot est dégeulasse, même s'il n'est pas cher, il l'est encore trop ». En revanche, « s'il est "tip top", le client reviendra et en redemandera. C'est la meilleure des publicités »
Au magasin de producteurs La Musette de Valentine, « c'est un peu la même chose », a indiqué Guillaume Fichepoil, directeur de l'exploitation du lycée agricole du Valentin à Bourg-lès-Valence. Exploitation qui est membre de ce point de vente collectif. « Nos clients recherchent le goût, des produits qu'ils ne trouvent pas dans les circuits classiques. Et, dans leur acte d'achat, il y a aussi une éthique. Ils sont sensibles aux aspects environnementaux, au bio, à la proximité humaine. Ils veulent voir les producteurs, échanger avec eux et attendent un discours sincère. »A. L.AOP : association d'organisation de producteurs.