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Arboriculture

Fruits rouges les petits fruits ont la cote

Une journée nationale petits fruits du CTIFL s'est tenue à Saint-Laurent-d'Agny dans le Rhône, mercredi 10 octobre, pour faire un tour d'horizon de différentes questions qui se posent en framboise, mûre, myrtille et cassis notamment.
Fruits rouges  les petits fruits ont la cote

Installés dans la salle des fêtes de Saint-Laurent-d'Agny dans le Rhône, au cœur d'une zone de production importante de petits fruits, plus de 150 producteurs, metteurs en marché, techniciens de la filière ont assisté à différentes présentations portant sur les petits fruits. Pour démarrer la journée, un panorama de la consommation en France des petits fruits a été dressé. Les tendances sont plutôt favorables, la consommation de petits fruits frais progresse plus vite que celle de fraises par exemple. En termes de production, la France n'a pas le rythme de certains leaders européens avec des surfaces en baisse entre 2006 et 2016. La production française de framboises est par exemple estimée à 8 000 tonnes (Interfel) contre 180 000 tonnes pour la Pologne. Pour situer ces chiffres, les États-Unis produisent 210 000 tonnes de framboises et la Russie près de 360 000 tonnes. La production dans certains pays évolue vers des itinéraires plus efficaces et concentrés qui s'appuient sur de nouvelles variétés plus productibles avec des calibres de fruits plus importants. La demande en myrtilles s'accélère aussi. Là encore, la France reste à l'écart en termes de production mais pas en termes de demande. Pour quelles raisons ? Cette question posée par un producteur n'a pas obtenu une réponse mais des réponses. Plusieurs hypothèses ont été émises. D'abord, les coûts de production de la France ne permettent pas à son offre d'être très attractive pour le consommateur. De plus, la disponibilité du personnel pour ramasser les petits fruits pose des difficultés. Cela limite les mises en marché. Autre point d'explication, contrairement à certains pays européens, la filière des petits fruits n'est pas du tout accompagnée par des aides à l'implantation de nouveaux vergers. Au Portugal, par exemple, l'aide peut atteindre 60 % de l'investissement, ce qui réduit d'autant les coûts de production. Enfin, la consommation des Français est facile à couvrir pour la distribution via les importations, même si la demande de petits fruits français et en bio s'accroît également.

La bonne image de la framboise

Devant ce parterre de producteurs, le CTIFL a présenté une étude menée auprès de communautés de consommateurs. Elle montre la bonne image dont jouit la framboise auprès de ces acheteurs qui ont souvent des plus de 50 ans et disposent d'un revenu disponible plutôt élevé. À l'inverse, les achats impulsifs des jeunes sont difficiles à fidéliser du fait du coût élevé du fruit. Chez la majorité des consommateurs, la framboise évoque un souvenir d'enfance, de cueillette et un fruit trouvé dans la nature. Au niveau du goût, ils qualifient la framboise de fruit naturellement sucré, savoureux ou délicieux et ils estiment qu'il pousse partout. Selon Gilles Christy, directeur de la prospective et des études écono- miques au CTIFL, l'achat de framboise est le résultat d'une impulsion chez la plupart des consommateurs. Rarement, ce fruit est noté sur la liste de course. C'est pourquoi l'offre en point de vente et l'exposition des framboises sont très importantes pour générer des ventes. Quand elles n'ont pas de visibilité, elles ne sont pas achetées. L'étude souligne également que les consommateurs regrettent que l'offre soit parfois inexistante ou très faible en magasin avec une seule référence en rayon, écrasée par l'offre de fraises en mai juin, plus visible en septembre.
Le choix des consommateurs est très orienté par l'intensité de la coloration (bien rouge, foncée) qui marque la maturité du fruit. L'absence de liquide au fond de la barquette est un indicateur de bonne fermeté. « Les consommateurs préfèrent les gros fruits mais n'ont cependant aucun repère quant aux variétés qui n'est pas un critère de choix ou de segmentation, explique Gilles Christy. Ils ont, en revanche, des attentes élevées en matière de qualité gustative et, c'est un bon point, ils sont aujourd'hui très rarement déçus. » 

Camille Peyrache

 

Drosophila suzukii / La recherche explore diverses stratégies de lutte
Venue d’Asie du Sud-Est, drosophila suzukii, empoissonne la vie des producteurs de petits fruits rouges. Cette mouiche n'hésite pas à pondre dans les petits fruits rouges et les baies noires avant leur pleine maturité. Blandine Polturat, du CTIFL, a fait un point sur les recherches et essais de lutte contre la drosophila suzukii. Aucune variété ne semble présenter de résistance. Les seuls moyens de protection efficaces sont les filets hermétiques mais ils provoquent des effets secondaires sur la culture (humidité, luminosité, etc.) et leur coût peut atteindre 100 000 euros/ha. Les piégeages massifs ne montrent aucune efficacité et les produits de biocontrôle donnent des résultats très variables. Des recherches menées au Japon et en Asie du Sud-Est tentent d’identifier des parasites naturels qui pourraient être importés.
Mais cela prend du temps d’évaluer leur sélectivité et leur potentiel à parasiter des espèces européennes pour ne pas générer d’autres problèmes. Une chercheuse du CNRS a présenté deux techniques qui pourraient être utilisées conjointement pour affaiblir les populations de Drosophila suzukii : la technique de l’insecte stérile associée à la technique de l’insecte incompatible grâce à l’usage d’une bactérie (wolbachia) sur les femelles. Menée en cage, une expérience sur neuf semaines a montré que la technique de l’incompatibilité cytoplasmique divisait par plus de quatre le nombre d’œufs pondus et de femelles. De nombreuses questions restent à lever avant de pouvoir éventuellement utiliser ces techniques, pas avant 2020-2022. n                             

Framboise / Une équipe suisse de l’institut de recherche Agroscope a présenté plusieurs résultats d’études.
Quel pot utiliser, avec quel substrat et combien de ramilles ?

Les Suisses d’Agroscope, qui est à la fois une station expérimentale et un institut de recherche, ont travaillé sur le fond des pots. Leur expérimentation montre qu’un pot de 10 litres avec des grilles au fond permettant une aération efficace des racines et des pieds pour le surélever permet d’augmenter le calibre des framboisiers et le rendement par rapport à un pot rond ou à un pot sans pied.
Se passer de la tourbe, est-ce possible ?
La terre de tourbe provient des tourbières qui sont des écosystèmes de plus en plus rares et fragiles sur la planète et qui stockent une quantité très importante de carbone qu’il vaudrait mieux arrêter d’exploiter. Aussi, pour trouver des alternatives permettant d’obtenir le même rendement, l’équipe d’ingénieurs agronomes d’Agroscope a expérimenté différents substrats. Il apparaît qu’il est possible de remplacer la tourbe par un compost d’épines de pin complété avec 8 % de laine de mouton le tout avec du substrat framboise. La laine libère de l’azote grâce à la dégradation d’une protéine, ce qui a un effet très bénéfique sur les rendements. Combien de ramilles faut-il conserver ? André Ancay d’Agroscope a présenté le résultat d’une expérience pour montrer l’influence du nombre de ramilles sur le calibre et le rendement des framboises. « Il apparaît que le nombre idéal de ramilles est de 15 sur une canne, a expliqué l’agronome. Sur variété tulameen, en supprimant 50 % des ramilles pour se situer autour de 15, les fruits ont gagné 1 gramme, soit 1 kg de récolte en plus par heure et par salarié. » Des résultats similaires ont été observés sur la variété vajolet, qui produit déjà moins de ramilles que tulameen. n
C. P.

 

Diversification / L’interprofession des fruits à destination de la transformation (Afidem) cherche à développer l’usage du cassis dans d’autres recettes que la célèbre crème alcoolisée.

La filière cassis ne veut pas mettre toutes ses baies dans la crème

Avec 100 millions d’euros de chiffre d’affaires, trente entreprises et 150 producteurs sur 2 000 ha, le cassis est une petite filière. La France est le 3e producteur européen après la Pologne et l’Angleterre avec 7 000 tonnes. Quatre zones assurent les volumes, le grand Val-de-Loire, la Bourgogne, l’Oise et Rhône-Alpes. Plus de 50 % des cassis sont transformés en crème de cassis, ce qui fait dire à Denis Bergere, le directeur de l’association interprofessionnelle des fruits et légumes à destinations multiples transformateurs, Afidem, qu’un des enjeux de la filière est d’augmenter les débouchés vers d’autres secteurs comme les boissons et les jus, la confiserie, la confiture, la pâtisserie, la cosmétique ou encore les compléments alimentaires. « Le cassis est un super fruit avec une forte concentration en anthocyane aux propriétés antioxydantes qui protège contre les maladies cardiovasculaires et certains cancers. Il possède aussi une forte teneur en vitamine C. Il dispose d’atouts pour élargir ses utilisations, d’autant que la filière s’est fortement engagée dans les alternatives au désherbage chimique pour s’adapter aux attentes sociétales. »
En revanche, les producteurs de cassis sont exposés aux dégâts de la cochenille blanche du mûrier qui posent des difficultés. « L’efficacité des produits chimiques est très faible et ne peut être mené que lors de l’essaimage à la mi-mai et à la mi-août, a détaillé Philippe Guignebault, de la station d’expérimentation La Morinière en Indre-et-Loire. En lutte biologique, une petite coccinelle Rhyzobius Iophanthae a été identifiée comme étant un prédateur des cochenilles. Cette coccinelle commune en France dans les vergers peut être transportée et conservée sous sa forme adulte pendant une semaine. » Sur la station, un essai avec deux lâchers fin avril et fin août de 5 000 coccinelles par ha a été mené. De très bons résultats ont été observés sur les populations de cochenilles. Cependant, le procédé est difficile à généraliser pour l’instant par un manque de disponibilité des coccinelles sur le marché, par le coût élevé de ce procédé. Les chercheurs travaillent donc à de nouveaux itinéraires avec un seul lâcher tout en cherchant à comprendre ce qui permettrait à la coccinelle de rester dans les parcelles en nombre suffisant pour contrôler les cochenilles.
C. P.