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Elevage et effluents

Fumiers compostés : un levier pour la fertilité des sols

Bien valoriser sa fertilisation est un enjeu important qui a des conséquences sur le rendement des cultures et la qualité des productions. En polyculture-élevage, cela passe notamment par une réflexion sur la bonne répartition des fumiers. Une partie de ces fumiers peuvent être épandus sur les prairies sous forme compostée.
Fumiers compostés : un levier pour la fertilité des sols

Techniquement, pour bien composter son fumier, il est essentiel que sa composition soit propice, c'est-à-dire composé d'au moins 20 à 25 % de matière sèche. Cela nécessite d'apporter au minimum 5 kg/UGB/jour de paille au total, l'idéal étant de l'ordre de 7 kg.
Le produit obtenu est compact et pailleux. Le fumier doit être stocké à l'abri afin qu'il ne soit pas humidifié par la pluie et éviter la dilution des jus. Avant la mise en andain au champ, le fumier doit être bien égoutté. En effet, la réglementation oblige à ce qu'il ne provoque pas d'écoulement. La localisation de l'andain est à réfléchir ; il est souhaitable de ne pas choisir une zone en pente et de favoriser les endroits un peu protégés du vent (haies, etc.)
Le compostage
Le fumier est mis sous forme d'andain au champ quelques jours avant le premier retournement qui sera effectué par une composteuse. Le second retournement aura lieu deux à trois semaines après ce premier passage. Ces retournements, qui aèrent l'andain, sont essentiels au bon déroulement du processus de compostage. Il est impératif de bien couvrir le tas afin d'éviter le lessivage par le biais des pluies. Ce lessivage pourrait occasionner une perte des éléments fertilisants. On peut utiliser des bâches géotextiles pour couvrir le compost, car tous les types de bâche ne sont pas utilisables. Lors du processus de compostage, l'andain monte en température, ce qui en fait un produit assaini au niveau des pathogènes et exempt de graines d'adventices.
Épandage
Il y a deux types de composts : le compost « jeune » qui a entre un et deux mois, et les composts « vieux » ou « mûrs » qui ont plus de deux mois. À noter qu'un compost « vieux » a un effet principalement amendant (c'est-à-dire qu'il agit principalement sur l'amélioration de la structure du sol, sur son activité microbienne et sa rétention en eau), alors qu'un compost « jeune » a un effet principalement fertilisant (disponible pour la plante). Dans le cas d'un compost jeune, l'épandage peut se faire deux à trois semaines après le deuxième retournement. Les andains formés en hiver seront épandus au printemps sur prairie, idéalement avant la première coupe. Cela peut également se faire entre deux fauches. Un des intérêts du compost est la moindre dose à épandre par rapport à un fumier car c'est un produit concentré. Il est conseillé d'épandre à 15 t/ha au maximum. 
Gaëlle Caron, animatrice technique polyculture à l'Ardab (Association des producteurs bio du Rhône et de la Loire).

 

Andain de fumier / Informations réglementaires 
- Faire deux retournements des andains
- Respecter des distances minimales : 10 m des voies de communication et 100 m des tiers ; 35 m des puits, forages, rivières, zones humides.
- Changer la localisation des andains tous les ans pour empêcher l’accumulation d’éléments nutritifs (temps de retour de trois ans minimum).
- La durée maximale de stockage au champ est de neuf mois.
- Attention en zone vulnérable nitrates : faire un suivi hebdomadaire de la température avec un enregistreur dans un cahier spécifique, la température devant se maintenir au-dessus de 50°C pendant six semaines ou au-dessus de 55°C pendant deux semaines. De plus, l’andain doit être dimensionné pour pouvoir être épandu sans dépasser les quantités d’azotes réglementaires sur les parcelles situées dans l’îlot cultural ou les îlots culturaux à proximité. Rappelons que pour limiter les épandages d’effluents pendant les moments où le risque de lessivage est important, des périodes d’interdiction d’épandage ont été mises en place et doivent être respectées. 

 

Alexis Venet est éleveur de bovins lait dans la Loire.
Témoignages

Alexis Venet / “ Le compostage me permet d’épandre mes effluents d’élevage quand je le souhaite ”

Eleveur bio dans la Loire,  Alexis Venet composte son fumier depuis dix ans. Son exploitation compte une trentaine de vaches,
5 ha de céréales et 27 ha de prairies. Il composte la moitié de son fumier chaque année, qu’il épand à raison de 8-10 t/ha sur
10 ha de prairies permanentes. Le fumier restant est épandu sur ses céréales.
«Le compostage me permet d’épandre mes effluents d’élevage quand je le souhaite sur mes prairies et donc de les valoriser sur prairies pâturées. Comme il s’émiette mieux que du fumier et qu’il n’a pas d’odeur, c’est un produit qui ressemble un peu au terreau. Il n’y a pas de problème d’appétence. Un autre intérêt de composter, c’est que les volumes diminuent de moitié durant le processus de compostage : on a moins de produit mais il est plus concentré. Donc moins de frais et de temps passé pour épandre.
La difficulté du compostage, pour moi, ce sont les périodes de retournement. Si les dates sont trop tardives, on ne peut pas épandre un compost jeune au démarrage des prairies. Mais si c’est trop tôt, il n’y aura pas encore assez de fumier à composter… À l’épandage, il peut y avoir des problèmes avec les parcelles pentues. En Cuma, on a de gros épandeurs, ce qui rend la tâche compliquée, il faut que le sol soit bien sec. C’est la 3e année que je bâche mon compost. Avant, il se formait une croûte compacte d’une dizaine de centimètres autour de l’andain ; je retrouvais même des pailles longtemps après, dans mes prairies. Depuis que je bâche, j’obtiens un produit plus facile à épandre, plus émietté et homogène. Il est sûr que le compostage se réalise mieux quand il est bâché. » 

Vincent Guillot / “ Le compost est facile à épandre et se dégrade vite ”

Basé aussi dans la Loire, Vincent Guillot pratique le compostage depuis cinq ans. À la tête d’un troupeau d’une trentaine de montbéliardes élevées en bio, il cultive 5 ha de maïs, 8 ha de céréales et 32 ha de prairies. Il épand son compost à raison de 10-15 t/ha sur la totalité de ses prairies. Le reste du fumier non composté est épandu sur maïs.
«Le compost, par rapport au fumier, me permet de mieux répartir mes effluents d’élevage sur l’exploitation. J’ai pu apporter de la matière organique sur des prairies qui n’avaient pas reçu de fertilisation depuis longtemps et ça me permet également d’épandre en sortie d’hiver en zone vulnérable, en favorisant une dégradation assez rapide avant l’ensilage ou le pâturage. J’apporte un compost jeune ; il me donne l’effet fertilisant recherché tout en apportant de l’humus. C’est à mi-chemin entre un engrais et un compost maturé. L’intérêt du compostage, c’est qu’on obtient un produit plus émietté et plus homogène qu’un fumier ; il est facile à épandre et se dégrade vite. La matière organique qu’il apporte est bénéfique pour la vie du sol et la rétention en eau. Je bâche mon compost. C’est un outil indispensable surtout en bio ! Si les lessivages sont évités, on obtient un produit de qualité. Et puis, s’il y a de l’eau dans le tas, ce sera plus difficile à l’épandage car le compost aura fait des “blocs”, il ne sera pas bien émietté. » 
Propos recueillis par G. C.