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Compost

Fusariose de l’ail : des leviers agroécologiques peu convaincants

Assez mal connue, la fusariose de l’ail engendre d’importants dégâts au moment de la conservation. Pour mieux la caractériser et la maîtriser, l’évaluation de l’effet du compost sur cette maladie a été réalisée à travers divers essais du projet « Casdar Synergies ».

Fusariose de l’ail : des leviers agroécologiques peu convaincants
Les participants à la journée ont pu évaluer la qualité des engrais organiques. © AP

Quel intérêt présente le compost dans un contexte de contrôle des pathogènes telluriques ? La chambre d’agriculture de la Drôme, en partenariat avec le Fibl France, le CTIFL et la Serail, pour ne citer qu’eux, a étudié l’effet des composts dans un souci de gestion de la fusariose de l’ail. En effet, certains composts présentent un effet suppressif sur certains pathogènes du sol. Les différents partenaires ont mis en lumière le travail réalisé depuis janvier 2019 à travers le projet « Casdar Synergies » (2019-2022). En attente de finalisation, ce projet a surtout été l’occasion de caractériser ce qu’est la fusariose de l’ail (et du melon). « Les connaissances sur la fusariose sont assez limitées », a reconnu Florence Arsonneau, directrice du Fibl France, à l’occasion d’une journée technique intitulée « du compost dans mes champs », le 15 mars à Mirabel-et-Blacons.

« La maladie est principalement causée par l’agent fusarium proliferatum et laisse apparaître des dégâts en cours de conservation, entraînant jusqu’à 70 % de pertes », a ajouté Juliette Pellat, responsable filière ail au CTIFL de Balandran (Gard). En effet, durant le stockage, les bulbes deviennent bruns, pourrissent et sont donc impropres à la consommation et inutilisables pour la semence. La maladie ne montre aucun signe précurseur au champ, ce qui complique davantage sa maîtrise. Laquelle est d’autant plus difficile « puisqu’il n’existe aujourd’hui aucune solution phytosanitaire homologuée ou efficace sur la fusariose », selon Juliette Pellat. « De nombreuses études attestent de l’intérêt de l’utilisation de composts pour limiter l’impact des pathogènes telluriques sur les cultures », a déclaré Tanguy Balanant, ingénieur au Fibl France. L’institut de recherche a testé la capacité de différents composts à diminuer l’impact de trois pathogènes telluriques et donc à connaître la suppressivité de ces composts. Ce screening a permis de sélectionner deux types de composts au potentiel suppressif à utiliser dans des essais en conditions semi-contrôlées en pots et au champ.

L’origine tellurique du pathogène remise en question

En parallèle, le CTIFL de Balandran a mené en 2019 des essais pour évaluer l’efficacité de combinaisons de leviers agroécologiques pour lutter contre la fusariose de l’ail et en limiter ses dégâts. L’expérimentation en pots a consisté à tester deux composts (Tradivert, à base de déchets verts, et FertiRaisin, constitué de marc de raisin) et un produit de biocontrôle (Asperello T34, utilisable en bio) pour connaître leurs effets sur la maladie. Un essai a été reconduit en 2021 dans les mêmes conditions, avec des composts de déchets verts et de plantes médicinales, pulpes de raisins et d’olives et marc de café et un produit de biocontrôle (Blindar). En conclusion de ces expérimentations, Juliette Pellat prévient « qu’aucun des leviers agroécologiques testés n’a permis de contrôler la fusariose de l’ail », même si les produits de biocontrôle pourraient avoir un impact sur la vigueur des plantes et le poids des bulbes.
Enfin, la station d’expérimentation Rhône-Alpes et information légumes (Serail), en lien avec la chambre d’agriculture de la Drôme, a mené des essais de terrain sur une parcelle d’ail à Autichamp en 2020 et 2021. Là encore, l’évaluation de stratégies de protection agroécologique au champ, via l’apport de compost, n’a pas rendu de résultats très concluants. Cependant, « la présence de fusarium proliferatum a été détectée dans les caïeux à la plantation. Cette connaissance remet en cause l’hypothèse de l’origine uniquement tellurique du pathogène », conclut Claire Ducourouble, chargée d’expérimentation au Serail. Des travaux seront menés en ce sens par l’Inrae d’Avignon pour éclaircir cette donnée.

Amandine Priolet

Témoignage

Un désir d’autonomie pour l’EARL Cote Belle

Frédéric Andéol, qui vise déjà l’autonomie alimentaire pour son troupeau - environ 80 % à ce jour -, souhaite également contribuer au maintien de la matière organique dans ses sols grâce au compost de l’élevage ovin et limiter ainsi les charges liées à l’achat d’engrais.

Un désir d’autonomie pour l’EARL Cote Belle
Frédéric Andéol utilise son compost réalisé grâce à son élevage ovin pour nourrir ses parcelles de culture d’ail IGP de la Drôme, conduites en bio. © AP

L’EARL Cote Belle, gérée par Frédéric Andéol sur la commune de Montclar-sur-Gervanne, est en polyculture élevage sur 200 hectares (140 ha de parcours et 60 de terres labourables). L’exploitant est éleveur ovin à la tête d’un troupeau de 340 brebis et cultive notamment sept hectares d’ail IGP de la Drôme en agriculture biologique. Dans une zone de prédation lupine importante, Frédéric Andéol rentre son troupeau tous les soirs à la bergerie. « Nous avons ainsi de la matière organique disponible, en augmentation, à laquelle j’incorpore des bactéries pour améliorer la qualité du fumier », indique l’éleveur, qui ajoute ne jamais partir en transhumance à l’instar de nombreux de ses collègues : « Cela participe aussi à la création d’humus sur la ferme ».

Pas d’impact majeur sur les aulx

S’il a commencé à produire de l’ail il y a dix ans, cela fait huit saisons qu’il utilise son propre compost de brebis sur ses parcelles, à raison de 10 à 15 tonnes par hectare. « C’est un atout pour moi, même si cela demande du travail supplémentaire », déclare-t-il. Frédéric Andéol relève d’ailleurs plusieurs avantages à l’épandage de compost dans ses parcelles : « Sur l’exploitation, je suis assez limité en ressource en eau, avec des arrêtés de prélèvement de la rivière voisine assez tôt dans la saison. Le compost augmente les capacités de rétention d’eau. Par ailleurs, sur des terres très basiques, le compost permet d’améliorer l’assimilation de phosphore. C’est un point fort, d’autant plus que les engrais phosphatés sont rares en bio et coûtent relativement chers ».
Côté production, l’agriculteur n’a pas relevé d’impact majeur sur les aulx, même s’il estime que « le compost contribue à la qualité globale du produit ». Enfin, au-delà du temps de travail supplémentaire que l’utilisation du compost demande, Frédéric Andéol fait face à une autre contrainte de taille : « Cette matière attire le gibier, et principalement les sangliers, ce qui oblige parfois à tout clôturer en début d’hiver ».
A. P.

Du compost dans les Ppam

Du compost dans les Ppam
Plusieurs épandeurs d’engrais ont été présentés lors de cette après-midi de démonstration. ©Cédric Yvin

Alain Aubanel, président du comité interprofessionnel des huiles essentielles françaises (CIHEF), et Jean-Pierre Feschet, président de la Fédération drômoise des cuma, ont introduit les démonstrations de l’après-midi en vantant l’intérêt du compostage, sur la plateforme de Laurent Faure, exploitant agricole à Aouste-sur-Sye. Ce dernier composte les végétaux distillés par l’entreprise Herbarom Laboratoire, auxquels il rajoute du fumier de lapin pour faciliter le compostage et l’enrichir. Sous l’expertise de Jacques Fuchs (Fibl Suisse), spécialisé en composts, les participants ont découvert un panel de matériels d’épandage sur une parcelle d’Eric Peyrelaroute, producteur de Ppam. 
Cédric Yvin, conseiller spécialisé en Ppam à la chambre d’agriculture de la Drôme, a présenté des résultats d’essais sur la fertilisation du lavandin à la ferme expérimentale de Mévouillon (Ardema). Ceux-ci montrent notamment un intérêt pour les engrais avec phosphore protégé, surtout dans les sols très calcaires.
Par la suite, un débat s’est engagé sur la fertilisation localisée sur les rangs, ou en plein, des lavandes. « Il y a un intérêt de fertiliser en localisé les trois à quatre premières années. Ensuite, le bénéfice est moindre car les racines se croisent dans les inter-rangs, et cela prend plus de temps que de fertiliser en plein », souligne Cédric Yvin. En revanche, pour les producteurs qui ont des couverts végétaux inter-rangs, la fertilisation en localisé sera bénéfique sur toute la durée de vie de la culture. Cela évite aussi de fertiliser le couvert végétal.