Accès au contenu
Restauration collective

Gagner la bataille de l'approvisionnement local

Cheval de bataille des agriculteurs, l'approvisionnement de la restauration collective en produits locaux, régionaux et français est un enjeu fondamental pour offrir des débouchés aux producteurs.
Si les pouvoirs publics en ont pris conscience, il reste de gros efforts à faire pour passer du discours aux actes afin que les convives mangent des produits de proximité lors de leur passage dans les restaurants collectifs.
Gagner la bataille de l'approvisionnement local

«Si nous voulons garder des éleveurs et des agriculteurs sur nos territoires, il faut que les acheteurs de la restauration collective commandent leurs produits. » Cette phrase, ce n'est pas un représentant agricole qui l'a prononcée, c'est Jean-François Carenco, le préfet de la région Rhône-Alpes lors d'un colloque sur l'approvisionnement local de la restauration collective qui s'est déroulé le 4 février 2015 à Lyon devant près de 200 responsables de l'approvisionnement de restaurants scolaires et d'hôpitaux. Cette initiative de la Draaf Rhône-Alpes, fortement encouragée par les professionnels agricoles, est une première en France.

Changer les habitudes des acheteurs publics

« Aujourd'hui, sur les 575 000 tonnes de viande achetées par la restauration collective, plus de 60 % sont importées, déplore Jean-François Carenco. Les coupables, c'est nous, les acheteurs publics. Il faut sortir de la facilité car il n'est pas acceptable que la restauration collective achète des denrées importées alors que nos agriculteurs ont besoin de ces débouchés pour retrouver de l'air. »
Un message politique fort qui tranche avec la réalité. « Quand on se promène dans les cuisines des établissements scolaires de Rhône-Alpes, on trouve beaucoup de viandes étrangères, réagit François Garrivier, éleveur allaitant dans la Loire et président de la fédération régionale bovine, qui a fortement poussé auprès de la Draaf pour qu'une telle journée se déroule. À l'échelle nationale, c'est 80 % de la viande bovine qui est importée. En tant que premier restaurateur, la Région est aussi le premier importateur de viande de Rhône-Alpes. Il faut faire changer cela. J'invite donc les intendants, responsables des achats à donner du sens à leurs actes d'achat en achetant auprès des éleveurs locaux car notre filière en a grandement besoin. »

Une offre diversifiée

La restauration collective publique pèse 17 milliards d'euros de chiffre d'affaires à l'échelle nationale pour trois milliards de repas par an. En Rhône-Alpes, les lycées représentent 20 millions de repas par an. Le président de la République a fixé un objectif de 40 % de produits de proximité dans les assiettes d'ici 2017, un chiffre repris dans la loi d'avenir agricole. « J'ai bon espoir d'atteindre cet objectif, a affirmé le préfet de région. Nous avons tous les atouts en Rhône-Alpes pour y arriver, mais il faut s'y mettre. »
En effet, l'offre de produits agricoles et de produits transformés par des industries agroalimentaires en Rhône-Alpes est riche et très diversifiée. « Il existe plusieurs possibilités pour acheter des produits locaux pour les acheteurs publics, explique Stéphanie Tabai, chargée de projet sur les circuits courts à la chambre d'agriculture Rhône-Alpes. Il est possible de travailler en direct, via une plateforme collective, le marché de gros ou encore une industrie agroalimentaire, etc. » Plusieurs sites internet permettent d'identifier les fournisseurs de produits locaux (*).

Un guide pour favoriser l’approvisionnement local et de qualité en restauration collective est disponible sur le site du ministère de l’Agriculture.

Les filières s'organisent

Au marché de gros de Lyon, 213 producteurs approvisionnent les grossistes présents sur le marché et près de 70 producteurs de Rhône-Alpes vendent en direct sur le carreau des producteurs. Les agriculteurs attendent les acheteurs publics et sont prêts à répondre à leur commande en produits locaux. D'autres agriculteurs ont choisi de s'allier pour créer Saveurs du Coin en 2006 et qui regroupent aujourd'hui 60 exploitations du Rhône afin de proposer une offre complète de produits agricoles régionaux notamment à la restauration. « Nous avons aujourd'hui 13 salariés, souligne Gilbert Chavas, le président de la SARL. Nous avons la chance d'avoir en Rhône-Alpes des élus et des responsables des pouvoirs publics qui souhaitent privilégier les produits de proximité. Depuis, les filières se sont organisées, les outils existent. Il faut cependant les faire vivre en les faisant travailler. »
Passer à l'acte
Ce décalage entre les discours et les actes, la légumerie Nos belles récoltes le subit aujourd'hui. La société installée dans l'agglomération lyonnaise a été créée par cinq maraîchers il y a quatre ans. Elle est spécialisée dans la préparation de légumes locaux prêts à cuire pour la RHF. Pourtant, elle peine à trouver un équilibre économique. « La société n'arrive pas à atteindre son seuil de rentabilité, explique Pascal Guichard, l'un des associés. Il manque environ 30 % de chiffre d'affaires, soit 5 à 7 tonnes de légumes préparés en plus par mois. » Un mauvais signal pour le monde agricole régional dans sa tentative de reconquête des assiettes de la restauration collective. 

Camille Peyrache
* www.achatlocal-consorhonealpes.com - annuaire régional ; www.corabio.org - annuaire des fournisseurs bio de la RHF ; www.agrilocal26.fr - mise en relation entre fournisseurs et acheteurs, plateforme de commandes.

 

Démarche : lutter contre le gaspillage


Réduire le gaspillage permet de faire des économies sur la matière première des repas. C'est la démarche qu'a mis en place la société Mille et un repas en 2007 avec sa démarche Zéro Gaspil'. Son objectif est simple, atteindre 50 % de réduction du gaspillage dans la restauration collective. Pour y arriver, la société a remis à plat l'organisation de ces restaurants et forme ses équipes de cuisiniers et de services. Ainsi, au lycée de Bourg-en-Bresse (Ain), le self traditionnel a été supprimé et des pôles de distribution ont été mis en place dans le restaurant. Les consommateurs peuvent ainsi choisir leurs fromages ou desserts dans un pôle, une entrée dans un autre pôle et enfin prendre un plat chaud dans un troisième pôle. Cette organisation permet aux convives de choisir en fonction de leurs goûts et de leur appétit au fur et à mesure de leur progression dans le repas. « Pour réussir la chasse au gaspillage, il faut également accepter qu'il y ait des ruptures de disponibilité dans les plats au cours d'un service », explique Alexandre Le Pennec, responsable régional de Mille et un repas.
Réduction des déchets par quatre
Aujourd'hui, 37 restaurants sont en Zéro Gaspil', dont seulement trois restaurants entreprises. « Les adultes sont les plus compliqués à convaincre, souligne Ronan de Dieuleveult, chargé de la communication et du marketing chez Mille et un repas. On se rend compte aussi qu'ils gaspillent trois fois plus en quantité que les enfants de maternelle. » La démarche mise en place par la société est également accompagnée par une communication sur l'éducation au goût. Dans les restaurants en Zéro Gaspil', la consommation des fruits et légumes a augmenté. Les déchets par convive sont passés d'une moyenne de 146 g à 36 g en quelques semaines avec les modifications liées à la démarche. « Les économies réalisées en matières premières sont réinvesties dans l'achat de produits locaux, souligne Ronan de Dieuleveult. La société - qui s'occupe de 110 restaurants en Rhône-Alpes, Franche-Comté et région parisienne - travaille avec 143 producteurs en direct. Dans un de nos lycées, un parent d'élève qui est éleveur et boucher fournit la viande pour le restaurant. » n

C. P.