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Eau

Galaure : les irrigants en colère face à la baisse des volumes d’eau alloués

Alors que les volumes d'eau alloués pour l'irrigation devraient encore baisser, les agriculteurs irrigants du Nord-Drôme ont exprimé leur colère mercredi 25 juin à Saint-Vallier, devant la communauté de communes Porte de DrômArdèche.

Galaure : les irrigants en colère face à la baisse des volumes d’eau alloués
©CL-AD26
Protestant contre des baisses de prélèvement d'eau pour l'irrigation, près d'une centaine d'agriculteurs et leurs tracteurs ont bloqué l'entrée du bâtiment de la communauté de communes Porte de DrômArdèche, le 25 juin au matin à Saint-Vallier.

Les agriculteurs du bassin versant de la Galaure s’inquiètent du Projet de territoire pour la gestion de l'eau (PTGE) porté par la communauté de communes Porte de DrômArdèche. En cause : une réduction progressive mais sévère des volumes d’eau autorisés pour l’irrigation agricole, dès la campagne 2025. La décision avait été entérinée lors de la réunion de la Commission locale de l’eau (CLE) du 6 novembre 2023. « Un vote que les agriculteurs contestent dans sa légitimité, car de nombreux participants n’ont jamais mis les pieds sur le territoire concerné. Comment prendre des décisions aussi lourdes sans connaissance du terrain ? », interrogent-ils.

« Ce qui est projeté dans le PTGE, c'est trop brutal »

Les agriculteurs du bassin versant de la Galaure s’inquiètent du Projet de territoire pour la gestion de l'eau (PTGE) porté par la communauté de communes Porte de DrômArdèche. ©CL-AD26

Mercredi 25 juin, à l'appel de la FDSEA, JA et Adarii, les agriculteurs se sont  mobilisés devant la communauté de communes, à Saint-Vallier dès 7 h 30. Objectif : rencontrer les élus. « Notre volonté est de poursuivre le dialogue, explique Lilian Berthelin, agriculteur à Saint-Uze et représentant de l'association départementale des irrigants individuels (Adarii). Le monde agricole a toujours fait des efforts pour moins consommer d'eau. Mais là, ce qui est projeté dans le PTGE, c'est trop brutal. Les exploitations sont menacées, elles ne pourront pas s'adapter. Il faut rouvrir la discussion avec l’État afin de redéfinir les objectifs. »

En clair, dans le PTGE actuellement en construction, les volumes autorisés passeraient de 4 000 à 3 000 m³/ha pour les exploitations en réseau collectif, soit une baisse de 25 % dès 2025, expliquent la FDSEA, JA et Adarii. « Cela représenterait une réduction de 660 000 m³ d’ici 2028 avec un dispositif de contrôle rigide : en cas de dépassement, l’irrigation est suspendue et une pénalité de 2 153 €/ha est appliquée, une sanction jugée disproportionnée », expliquent les structures. Et ce, alors que d’autres restrictions peuvent être imposées en cas de sécheresse par arrêté préfectoral.

Ne pas être « une variable d'ajustement »

Lilian Berthelin, agriculteur à Saint-Uze et représentant de l'association départementale des irrigants individuels (Adarii), a demandé aux élus de préserver l'agriculture. ©CL-AD26

« Il n'y a pas de respect possible des objectifs de baisse de prélèvements d'eau en année sèche, insiste Lilian Berthelin. Les objectifs à atteindre sont trop durs car même en année humide, comme en 2024, on les dépasse. » Les agriculteurs de la Galaure dénoncent un PTGE qui semble faire de leur activité la principale variable d’ajustement, au détriment d’autres usages. Ils pointent notamment l’absence de transparence sur les prélèvements industriels, en particulier ceux de l’usine Chloralp. « On ne sait pas si les volumes d’eau qui lui sont alloués seront réellement utilisés, alors que nous sommes déjà contraints », s’insurgent-ils. Ils demandent que les usages industriels soient, comme l’agriculture, mesurés, déclarés au 1er juin et suivis tout au long de la campagne. Problématique similaire pour les agriculteurs qui prélèvent directement dans les cours d’eau. Faute d’alternative viable, ils devraient investir dans des forages coûteux qu’ils ne peuvent assumer seuls. Dans le secteur, les solutions de substitution sont rares ou économiquement inaccessibles sans aide publique.

« Nous avons été écoutés mais pas entendus »

Les agriculteurs ont insisté auprès des élus de la collectivité locale pour qu'ils obtiennent du préfet de la Drôme une remise à plat des objectifs de baisse de prélèvement d'eau tels que prévus dans le PTGE en cours d'élaboration. ©CL-AD26

Le sentiment de devoir supporter seuls les contraintes imposées par l’État domine chez les irrigants. « Nous avons été écoutés mais pas entendus », estime Lilian Berthelin. Les efforts du monde agricole sont bien réels ». Depuis vingt ans, les exploitants ont en effet engagé des démarches de réduction de la consommation d’eau, modifié leurs assolements, diversifié leurs cultures, et intégré de nouvelles pratiques agronomiques. « Le cabinet BRLi, lors du comité de pilotage du 16 mai dernier, a souligné la baisse significative du maïs (-30 %) et du blé tendre (-15 %), ainsi que l’essor de cultures mieux adaptées et plus durables, font remarquer Adarii, la FDSEA et JA. Le projet d’hydrologie régénérative porté par Porte de DrômArdèche illustre aussi cette volonté d’adaptation, avec plus de vingt fermes engagées. »

Conscients de la nécessité d’une gestion équilibrée et durable de la ressource en eau, ils demandent l’ouverture urgente de négociations pour rediscuter des objectifs du PTGE, jugés irréalistes dans les délais imposés. Ils réclament aussi un accompagnement technique et financier à la hauteur des enjeux, et souhaitent l'émergence de solutions durables, « justes et cohérentes avec la réalité du terrain ».

Les agriculteurs sont repartis dans le calme, promettant une mobilisation beaucoup plus vive si aucune avancée n'était obtenue rapidement.

Christophe Ledoux

Des agriculteurs fortement mobilisés

Témoignages

"Baisser les prélèvements, c'est nous anéantir"

"J'exploite des cultures spécialisées sur de petites surfaces, comme le tabac, explique Quentin Ducellier, agriculteur à Châteauneuf-de-Galaure. À force de réduire les volumes et d'avoir moins d'accès à l'eau, les cultures ne seront plus faisables et nous n'aurons plus de revenu sur l'exploitation."

Jean-Luc Sassoulas à Saint-Jean-de-Galaure (ex-Mureils) produit des céréales et élève des volailles. "Tous les ans on nous réduit les volumes d'eau, et nous on réduit nos surfaces de maïs et on n'y arrive plus. J'ai divisé mes surfaces par deux en dix ans et le problème est toujours là. Il faudrait encore et toujours réduire. On est arrivé à un stade où l'on ne peut plus. Baisser les prélèvements, c'est nous anéantir".

"Nous sommes dans une zone où les terrains sont très séchants. Sans irrigation, on ne peut pas avoir de cultures", confie Luc Vossier, éleveur (bovins et porcs) au sein du Gaec des Bios Prés à Claveyson. On fait des cultures telles que le maïs, le tournesol et le soja qui demandent de l'irrigation, la luzerne aussi pour nourrir nos animaux. Il faut au moins que les droits d'eau qu'on a aujourd'hui soient pérennisés. On arrose pas pour le plaisir mais pour nourrir la population. Ce n'est pas pour du loisir. C'est un investissement et du temps et je n'ai pas envie que tout cela s'arrête. Je suis venu manifester avec mes enfants car ce que l'on fait c'est aussi pour l'avenir. Il faut que les gens et les décideurs en aient conscience."

"Il nous manque des volumes, on ne peut plus mener les récoltes à bout, confie cet éleveur laitier et producteur de céréales de Saint-Barthélémy-de-Vals. Il faut qu'on nous réattribue les volumes manquants."

"J'exploite 70 ha de cultures irrigables, essentiellement pour produire du blé, du maïs, de l'orge, du tournesol et du colza, explique Olivier Cheval, exploitant à Châteauneuf-de-Galaure. Avec l'impact de la baisse des prélèvements d'eau, c'est déjà très compliqué pour se maintenir. Il y a quinze ans, j'avais 60 ha de maïs, aujourd'hui, je n'en ai plus que 15. C'est déjà un effort colossal. Conduire des cultures sans eau, c'est impossible. On peut diminuer les cultures d'été, comme cela a déjà été fait, mais même les cultures de printemps il faut les irriguer car les sécheresses démarrent plus tôt. On a déjà fait le maximum pour réduire nos prélèvements d'eau en période d'étiage, aujourd'hui, on ne peut pas aller plus loin."

La réponse des élus de Porte de DrômArdèche

La réponse des élus de Porte de DrômArdèche
©CL-AD26

Plusieurs élus ont indiqué que l'élaboration du PTGE leur est imposée par l'État.

"Avec les élus qui m'entourent aujourd'hui, notre engagement est de faire un courrier au préfet pour lui expliquer vos remarques et vos observations, a répondu Florent Brunet, président de la communauté de communes Porte de DrômArdèche. Ensuite, nous vous apporterons notre soutien lors des prochaines réunions du PTGE, en tapant du poing sur la table s'il le faut."

David Bouvier, vice-président, a assuré comprendre les demandes de la profession agricole, estimant que "la baisse des volumes demandée n'est pas tenable". 

"La fermeture de l'usine Chloralp*, si elle est à déplorer, va quand même nous aider et permettre de réduire un peu les prélèvements à usage industriel, a confié Florent Brunet. Reste à savoir à qui seront donnés ces volumes, sachant que le problème reste l'étiage."

* Chloralp exploitait une mine de sel et consommait a priori sur l'année un million de mètres cubes d'eau.