Accès au contenu
Fourrage

Gare au séneçon !

Bien que présent depuis plusieurs décennies dans notre région, le séneçon est une plante dont il convient de se méfier du fait de sa toxicité potentielle pour certains animaux d'élevage. Un peu de vigilance et du fauchage au moment opportun suffit à écarter le danger.
Gare au séneçon !

Une recherche sur internet suffit à inquiéter sur la toxicité du séneçon. Directeur du GDS de la Creuse, Didier Guérin a été amené à se pencher sur cette question l'été dernier suite à l'intoxication d'un lot de vaches à l'engrais en juillet 2015 dans son département. Sur les 25 bovins concernés, 5 avaient présenté des symptômes et 3 en étaient morts. Les animaux avaient été contaminés suite à un mélange de séneçon dans l'enrubannage, le fourrage ayant été récolté dans une prairie nouvelle qui avait connu des difficultés d'implantation (humidité en 2014, sécheresse l'année suivante, facteurs très favorables à la prolifération du séneçon).
Contacté, Didier Guérin se veut tout d'abord rassurant. En effet, le séneçon n'a d'effets réels que sur les bovins et les équins, pas ou très peu sur les autres animaux. De plus, en raison de son amertume, il n'est que très peu consommé tant qu'il est sur pied. Seulement voilà, il perd de son amertume une fois sec et surtout lorsqu'il est mélangé au reste du fourrage.
Deux espèces
Il existe tout d'abord deux espèces de séneçon dans notre pays : le séneçon de Jacob et le séneçon du Cap. Le premier est très commun puisque originaire d'Europe. Le séneçon du Cap, qui comme son nom l'indique nous vient d'Afrique du Sud, est arrivé en France par accident en 1936. Cantonnée dans le Sud, cette variété est remontée progressivement vers le Nord. On le retrouve aujourd'hui dans le Sud-Ouest, le bassin de la Loire, en Bourgogne et même désormais en Alsace.
De toute façon, les deux variétés sont toxiques en raison des alcaloïdes pyrrolizidiniques qu'elles renferment. Si la tige de la plante est faiblement toxique, la feuille l'est un peu plus tandis que la fleur est la plus dangereuse. Comme nous l'indiquions ci-avant, la bête ne l'ingère sur pied que le temps de s'apercevoir de son amertume, à moins que l'animal n'ait que ça à manger dans sa prairie en période de sécheresse. Le danger vient donc lorsqu'elle est mélangée à d'autres composants de sa ration de fourrage.
Toutefois, pour le cheval comme pour le bovin, la dose mortelle correspond à une ingestion quotidienne pendant 7 à 8 semaines de 3 à 5 % de son poids, soit un total de 15 à 25 kg pour un animal de 500 kg. Le délai d'apparition des symptômes, qui est fonction de la quantité ingérée, varie de cinq jours à cinq mois.

Les symptômes

Sous forme aigüe, les atteintes sont essentiellement nerveuses. Tout commence par une alternance de phases d'excitation et de prostration, une faiblesse musculaire et une démarche saccadée avec des troubles de l'équilibre. Dans ce cas, la mort intervient très vite, au bout de seulement quelques jours. Dans la forme chronique, les signes n'apparaissent qu'après une longue phase normale. Le foie est le principal organe touché et les signes se manifestent par une insuffisance hépatique chronique. On reconnaîtra ces signes par de la léthargie, de l'anorexie, de l'amaigrissement, des coliques récidivantes et l'ictère (jaunisse). En phase terminale apparaissent des signes d'encéphalose hépatique. On parle aussi de signes de photosensibilisation en été.

Le traitement

Dès l'apparition des symptômes, un traitement peut être réalisé mais sans grand espoir de succès, souligne Didier Guérin. Néanmoins, un traitement palliatif visant à soutenir la fonction hépatique doit être mis en place le plus rapidement possible. On peut aussi envisager un bilan biochimique hépatique afin de mieux déterminer le pronostic.
Le mieux est donc de lutter contre la plante dès son apparition, surtout lorsque l'on sait que sa prolifération a lieu via les graines emportées par le vent. Les refus contenant du séneçon doivent être fauchés systématiquement, dans l'idéal lorsque la moitié des plantes est fleurie.
Deux fauches par an sont conseillées tandis que les alentours des prairies concernées sont à surveiller. La lutte doit donc être menée de concert avec le voisinage. Un bon conseil pourrait être de sursemer rapidement lorsqu'il y a formation de trous dans le pâturage ou, pour éviter ces derniers, de limiter la présence animale et de déplacer régulièrement râteliers et abreuvoirs. Il faut en effet savoir que le séneçon ne se développe pas dans une prairie dense.
La meilleure des luttes contre cette plante toxique est donc la vigilance et l'intervention en amont. 

Hervé Barruhet